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  • 2023-01-30 (xsd:date)
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  • Non, cette expérience ne démontre pas que les vaccins anti-Covid "endommagent" les globules rouges (fr)
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  • Dans une vidéo partagée plusieurs centaines de fois en janvier 2023, deux figures du mouvement antivax aux Etats-Unis affirment que les vaccins anti-Covid provoquent "une coagulation du sang" et "endommagent" les globules rouges. Mais l'expérience sur laquelle ils se fondent ne prouve rien, ont expliqué plusieurs experts à l'AFP: la méthode utilisée ne permet pas d'observer un quelconque effet du vaccin sur les cellules. Par ailleurs, une fois injecté, le vaccin n'entre qu'exceptionnellement en contact avec les globules rouges. "Effets incroyables des injections sur des gouttes de sang : l’observation au microscope du Dr Ryan Cole", commente un internaute, qui partage sur Telegram une vidéo de 6 minutes, montrant une expérience réalisée par le médecin américain Ryan Cole, interrogé par le producteur américain Del Bigtree. Ryan Cole est un dermatologue spécialisé en dermatopathologie et propriétaire d'un laboratoire d'analyses médicales dans l'état américain de l'Idaho. Il est connu pour ses positions anti-vaccination et a à plusieurs reprises partagé de fausses informations sur la vaccination et le Covid-19. Del Bigtree est le PDG de l'une des plus influentes organisations anti-vaccination aux Etats-Unis et a relayé plusieurs fois de fausses affirmations vérifiées par l'AFP. Dans cette vidéo, relayée plusieurs centaines de fois en France et en Belgique sur Twitter, Facebook et Instagram, ils prétendent "tester si les vaccins provoquent la coagulation du sang".En observant l'effet de gouttes de différents liquides sur du sang, Ryan Cole affirme que les vaccins poussent les cellules à "s'agglutiner", voire à se "décolorer". "Les globules rouges sont devenus des globules rouges non fonctionnels - ils ne sont plus en mesure de transporter de l’oxygène", affirme Ryan Cole. En parlant des vaccins, il déclare que "ces produits ne devraient pas endommager les cellules du corps comme ça". Capture d'écran réalisée sur Facebook le 26/01/2023 Capture d'écran réalisée le 30/01/2023 sur Instagram   Capture d'écran réalisée sur Telegram le 26/01/2023 Capture d'écran réalisée sur Twitter le 26/01/2023  Des expériences dépourvues de base scientifique censées démontrer une coagulation du sang et la formation de caillots sanguins chez des personnes ayant reçu une vaccination contre le Covid-19 ont déjà fait l'objet d'articles de vérifications de la part de l'AFP (ici et ici par exemple).La coagulation du sang est l'une des complications de l'infection au Covid-19, qui peut entraîner "une activation de la coagulation sanguine et donc la formation de caillots sanguins à l’origine de thromboses notamment au niveau pulmonaire", rappelle l'Inserm. Une thrombose est un caillot de sang qui se forme dans un vaisseau sanguin, une veine ou une artère.Certains vaccins anti-Covid ont été associés à de très rares cas de thromboses, signalés par les organismes de pharmacovigilance. Mais les militants anti-vaccins affirment que ces cas sont beaucoup plus nombreux et que les vaccins sont à l'origine d'une coagulation du sang aux effets néfastes.L'expérience menée par Del Bigtree et Ryan Cole ne prouve rien et démontre une méconnaissance des principes de la vaccination, ont expliqué à l'AFP une immunologue, un pharmacologue et une hématologue. Ainsi, la méthode utilisée ne permet pas d'observer une potentielle coagulation du sang et ne peut être transposée à ce qui se passe lors d'une vaccination chez l'Homme. Par ailleurs le vaccin, injecté en intramusculaire, n'entre que rarement en contact avec les globules rouges. Les données scientifiques actuelles montrent que les plaquettes, et non les globules rouges, sont à l'origine des rares évènements thrombotiques associés à certains vaccins. Enfin, le vaccin ne peut pas changer le Ph - l'acidité - du sang.Des problèmes méthodologiquesCette expérience ne permet pas d'observer la coagulation du sang Au début de la vidéo, Del Bigtree demande au docteur Cole de "tester si les vaccins provoquent la coagulation du sang". Pour cela, Ryan Cole met plusieurs gouttes de liquides présentés comme étant des vaccins anti-Covid sur des lames, sur lesquelles il a préalablement mis du sang. Il affirme tester le vaccin à vecteur viral de Johnson & Johnson (appelé Janssen en Europe) et les vaccins à ARN messager de Moderna et de Pfizer/BioNTech. Infographie sur les principaux types de vaccins existants pour lutter contre un virus ( AFP / John SAEKI)Il affirme alors observer, au microscope, des "agglutinations" des globules rouges. "Ces produits ne devraient pas endommager les cellules comme cela", affirme-t-il. Contacté le 24 janvier 2023, le Centre des maladies virales émergentes des Hôpitaux universitaires de Genève a déclaré à l'AFP que "verser une goutte d'un quelconque liquide sur un frottis sanguin (une goutte de sang étalée sur une lame de microscope) et décrire ce qui se passe à l’œil nu et au microscope est totalement absurde. La vidéo ne veut rien dire, le processus n’a rien de scientifique et les résultats sont ininterprétables". La coagulation du sang est un processus complexe, mobilisant plusieurs protéines qui s'activent en cascade pour aboutir à la création de caillots. Ce phénomène se met par exemple naturellement en place en cas de petites blessures pour permettre au sang présent hors du corps d'arrêter de couler, comme l'expliquait Manuel Cliquennois, alors chef du service d'hématologie du CHU Saint-Pierre à Bruxelles, dans cet article de l'AFP en septembre 2021.Si un frottis sanguin permet d'observer les globules rouges, il ne "permet absolument pas de conclure qu'il y a une coagulation", ajoutait Manuel Cliquennois.L'apparition de caillots dans le sang peut être observée via des tests tels que l'APTT (TCA en France) ou le temps de prothrombine (PT), mais pas par une simple observation au microscope, poursuivait l'hématologue: "la coagulation peut s'évaluer par des tests fonctionnels, par la mesure de temps de coagulation, de l'activité des différents facteurs de coagulation ou leur concentration dans le sang ou encore par les produits de dégradation de la coagulation". Aucun de ces tests n'est évoqué dans cette vidéo. Présentation de la technologie des vaccins à ARN messager ( AFP / John SAEKI, Laurence CHU)"Tout ce qu'on voit sur ces lames, c'est une hémagglutination" - une agglutination des cellules du sang , a déclaré à l'AFP Stéphanie Dulucq, hématologue au CHU de Bordeaux, interrogée le 26 janvier 2023.Or, "les thromboses liées aux vaccins ne sont pas liées aux amas de globules rouges. Ils peuvent être pris dans la coagulation, mais ils ne sont pas à l'origine des thromboses: ce sont les plaquettes qui vont s'agréger entre elles", a ajouté Stéphanie Dulucq.C'est également ce qu'explique l'INSERM sur son site, à propos du vaccin d'AstraZeneca: "les données qui émergent suggèrent que les évènements thrombotiques très rares observés chez certaines personnes qui avait reçu le vaccin AstraZeneca ne sont pas exactement comme les thromboses 'classiques'". "Ces individus, plutôt jeunes en moyenne, présentent en effet une thrombose des sinus veineux cérébraux en majorité. Ce caillot localisé dans les veines du cerveau est en outre associé à une thrombopénie, c’est-à-dire une diminution du nombre de plaquettes dans le sang qui est un phénomène conduisant plutôt le plus souvent à des phénomènes hémorragiques. Il s’agit donc d’un tableau clinique et biologique très atypique, qui n’a été vu précédemment que dans de rares autres cas non liés à l’injection de vaccins, mais associés à un dysfonctionnement de la réponse immunitaire". Selon Stéphanie Dulucq, l'hémagglutination attribuée au vaccin de Pfizer/BioNTech dans cette vidéo pourrait être liée à la mise en contact dans des ratios "anormalement élevés" des liposomes - les nanoparticules qui servent à transporter l'ARN messager - et des globules rouges. "Ceci serait observé à mon avis dans ces mêmes proportions avec tout médicament utilisant des liposomes comme véhicule", a-t-elle ajouté. In vivo, le vaccin n'entre pas en contact avec les globules rouges Cette expérience n'a "aucun sens biologique", estime également Muriel Moser, immunologue et professeure à l'Université libre de Bruxelles. "Mettre un vaccin sur des globules rouges n'a rien à voir avec les différentes étapes biologiques du vaccin, qu'on injecte par voie musculaire. Ils (Ryan Cole et Del Bigtree) ont pris du sang, dans lequel il y a une majorité de globules rouges. Or les globules rouges ne sont pas des cellules immunes et ne jouent aucun rôle dans la réponse immunitaire de l'organisme", a-t-elle expliqué le 21 janvier 2023. Comme l'expliquait l'AFP dans cette vidéo publiée en 2019, la réponse immunitaire de l'organisme, à une infection ou à une stimulation du vaccin, est induite par les globules blancs - lymphocytes T et B - et non par les globules rouges. Le vaccin est d'abord injecté dans les muscles, où il est absorbé par les cellules. Après un certain temps, les globules blancs libèrent dans le sang des anticorps, capables de se fixer sur le microbe ciblé. "Les vaccins contre le Covid-19 n'ont pas été développés pour être injectés directement dans le sang", a aussi expliqué Jean-Michel Dogné, directeur du département de pharmacie de l'Université de Namur, interrogé le 23 janvier 2022. "On pourrait faire cette expérience avec n'importe quel produit qu'on injecte en intramusculaire, on ne pourrait toujours en tirer aucune conclusion", a-t-il ajouté. Par ailleurs, affirmer que le vaccin rend les globules rouges "non fonctionnels" et qu'ils ne peuvent plus "transporter l'oxygène" n'a aucun sens scientifique, selon l'expert au comité mondial de sécurité vaccinale de l'Organisation Mondiale pour la Santé: "si vous injectez un produit qui fait que vos globules rouges ne sont plus actifs, c'est le même principe que le cyanure: dans les 5 minutes, la personne meurt d'hypoxie". Or, rappelle-t-il, "on a injecté plus de six milliards de doses à ce jour et on n'a pas identifié de problèmes majeurs au niveau sanguin".Le vaccin ne peut pas changer le pH du sang A 4'21 minutes de l'extrait vidéo, sous-titré en français, Ryan Cole affirme que le vaccin de Johnson & Johnson a provoqué "un changement osmotique" dans les cellules, avant de généraliser son propos aux autres vaccins. "Ils sont censés être isotoniques, ces produits sont censés être équilibrés avec le pH - l'acidité - du corps. Vous ne devriez pas avoir ce genre de réaction", affirme-t-il. Encore une fois, les observations du Dr Cole ne prouvent rien, explique Stéphanie Dulucq: "le vaccin Pfizer ayant un pH entre 6.9 et 7.9 (avant dilution), le ratio de une goutte de sang avec une ou deux gouttes de vaccin, que le Dr Cole fait, entraîne peut être en effet une modification du pH sur cette lame, mais ceci est très très éloigné de ce qui se passe in vivo", a expliqué l'hématologue, précisant que lors d'une vaccination, "0,2 ml de vaccin sont injectés en intramusculaire. Même si une infime quantité de vaccin peut entrer en contact avec des globules rouges, les proportions étant très éloignées de celle observées in vitro, il n'y a pas de modification de la forme des globules rouges, car pas de modification du pH". Et de toute façon, les vaccins anti-Covid contiennent des excipients permettant de maintenir un niveau de pH proche de celui du corps. Même si une infirme quantité de liquide ne contenant pas le même pH que celui du sang venait à entrer en contact avec les globules rouges, "le sang contient des tampons permettant d'équilibrer naturellement l'acidité", a précisé Jean-Michel Dogné. Des cas de caillots sanguins "très rares"La sécurité des vaccins est surveillée de près par l'OMS et par l'Agence européenne du médicament qui recensent et étudient tout effet indésirable survenu après l'administration d'un vaccin. En France, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) assure également une surveillance des vaccins contre le Covid-19 et publie des points de santé réguliers. En Belgique, ce suivi est assuré par l'Agence fédérale des médicaments et produits de santé (AFMPS).En avril 2021, l'Agence européenne du médicament (AEM) a indiqué que les caillots sanguins devaient figurer sur la liste des effets secondaires "très rares" des vaccins Covid-19 d'AstraZeneca et de Johnson & Johnson.L'AEM a reconnu "un lien possible" entre les vaccins d'AstraZeneca et Johnson & Johnson et "de très rares cas de caillots sanguins inhabituels associés à des plaquettes sanguines basses". Pour le vaccin AstraZeneca, l'agence estimait en avril 2021 le risque de tels caillots à 1/100 000.Le mois suivant, elle a déclaré qu'il n'y avait cependant "aucune indication à ce jour" permettant de suspecter un lien entre les vaccins à ARN messager des laboratoires Moderna et Pfizer et les thromboses.L'AEM et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommandent de continuer à utiliser les vaccins AstraZeneca et Johnson & Johnson, jugeant leurs bénéfices supérieurs à leurs risques.Sur sa page de pharmacovigilance pour les vaccins contre le Covid-19, l'AFMPS (en Belgique) indique que "les caillots sanguins inhabituels associés à un faible taux de plaquettes sanguines (thrombocytopénie) sont des effets indésirables très rares" des vaccins AstraZeneca et Johnson & Johnson, tout en ajoutant que "les bénéfices du vaccin dans la prévention de la Covid-19, avec le risque d'hospitalisation et de décès qui y est associé, l'emportent toujours sur les risques d'effets indésirables". 31 janvier 2023 Précise la description de l'expérience (fr)
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