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  • 2022-03-30 (xsd:date)
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  • Non, un homme aux tatouages nazis nommé Artem Bonov n'est pas l'actuel chef adjoint de la police de Kiev (fr)
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  • De nombreuses publications assorties d'une vidéo ou de photos montrant un homme au torse et crâne bardés de tatouages, dont certains représentent des symboles nazis, ont introduit ce dernier comme étant l'actuel "chef adjoint de la police de Kiev". Ces allégations s'intègrent dans la rhétorique du Kremlin, qui justifie l'invasion russe par une volonté de "dénazification" de l'Ukraine. Elles sont pourtant infondées : l'homme sur les images, Artem Bonov, n'est pas actuellement le chef adjoint de la police de la capitale ukrainienne. Si des mouvements affiliés à l'extrême-droite sont actifs dans le pays, ils sont loin de représenter la société ou la politique ukrainienne dans son ensemble, ont estimé des experts auprès de l'AFP."Je vous présente Artem Bonov, directeur adjoint de la police de Kiev. Un homme fort sympathique, qu'on laisserait garder nos enfants un samedi soir sans problème", ironise un tweet relayé plusieurs centaines de fois le 20 mars, partageant une vidéo d'un homme ayant le torse, la nuque et le crâne recouverts de tatouages dont plusieurs d'entre eux évoquent des symboles nazis."Voici Artem Bonov, 2ème chef de la police de #Kiev", assurent d'autres publications relayées à des centaines de reprises sur Facebook (1, 2, 3) et Twitter (1, 2), et vues plus de 40.000 fois sur Telegram, assorties de photos de l'homme tatoué. Des photos, ou captures d'écrans de la vidéo, ont été largement relayées sur les réseaux sociaux, affirmant que l'homme présenté est le "chef adjoint" voire le "chef" de la police de Kiev dans de nombreuses autres langues (1, 2, 3, 4, 5). Capture d'écran Twitter, prise le 30/03/2022 Capture d'écran Facebook, prise le 30/03/2022  Cependant, Artem Bonov n'est ni l'actuel deuxième chef, ni le directeur adjoint de la police de Kiev, selon les informations disponibles en lignes vers lesquelles ont renvoyé les autorités ukrainiennes.D'autres médias de fact-checking, comme Ellinika Hoaxes en Grèce et Istinomer en Serbie, ont réalisé des articles parvenant à la conclusion qu'Artem Bonov n'est pas le chef, ou le chef adjoint de la police de Kiev.Artem Bonov, l'homme aux tatouagesEn tapant les mots "Artem Bonov" (en ukrainien "Артём Бонов") sur Google, on peut trouver plusieurs comptes sur les réseaux sociaux à ce nom, dont une chaîne YouTube sur laquelle sont postées de nombreuses vidéos où apparaît l'homme présenté sur les images, reconnaissable à ses tatouages.Une recherche à partir d'images-clés de la vidéo partagée sur Twitter (dont le principe est détaillé dans la vidéo en dessous) mène aussi vers plusieurs publications (dont un tweet de l'ambassade de Russie en France) identifiant l'homme tatoué comme étant Artem Bonov, ce qui permet de confirmer son identité.Ce dernier était par ailleurs précédemment apparu dans une autre vidéo, virale sur les réseaux sociaux en Pologne, accompagnée d'affirmations trompeuses assurant qu'une nouvelle loi interdisait l'expulsion des réfugiés ukrainiens même si ces derniers commettaient des crimes, ce qui avait fait l'objet d'un article de vérification de l'AFP en polonais. Michael Colborne, chercheur et journaliste travaillant pour le média d'investigation numérique Bellingcat, et également auteur d'un ouvrage d'analyse sur le "mouvement ukrainien Azov" et l'extrême droite, a confirmé qu'il "reconnaî[t] la tête, et les tatouages, venant de la frange des extrémistes néo-nazis du Telegram ukrainien", le 25 mars 2022 auprès de l'AFP.Il a par ailleurs renvoyé vers une vidéo de six minutes publiée sur YouTube en avril 2020, intitulée "Artem Bonov dans la zone interdite", dont semble être extraite la vidéo de 45 secondes partagée sur Twitter en mars 2022.Aucune trace d'Artem Bonov au sein de la police de KievSollicité par l'AFP au sujet de l'affirmation selon laquelle Artem Bonov serait le "chef" ou le "chef adjoint" de la police de Kiev, le ministère ukrainien de l'Intérieur a renvoyé le 23 mars vers le site de la police de la région de Kiev. Ce dernier indique que le directeur actuel de la police de cette région se nomme Andrey Anatolyevich Nebitov, et cite aussi ses quatre chefs adjoints, dont aucun n'est Artem Bonov. Aucun ne présente par ailleurs de tatouages semblables à ceux d'Artem Bonov.En consultant les archives sauvegardées en ligne du site de la police, disponibles du 27 novembre 2019 au 10 octobre 2021 (date à laquelle l'équipe actuelle était déjà en poste), il n'est nulle part mention d'Artem Bonov. Captures d'écran du site de la police de la région de Kiev, prise le 29 mars 2022Sur le compte Facebook de la police de la région de Kiev, on peut aussi retrouver des communiqués signés par "Андрій Нєбитов" (Andrey Nebitov), comme le 29 mars 2022, dans une publication faisant état de dégâts causés. En revanche, une recherche sur cette page avec le nom d'Artem Bonov ne renvoie vers aucun résultat.Ni le compte Twitter ni la chaîne YouTube de la police de cette région ne mentionnent non plus l'homme aux tatouages.Aucun Artem Bonov n'apparait en tant que chef ou chef adjoint de la police de la ville de Kiev, selon le site de cette dernière. Aucun des membres de la direction de cette unité ne ressemble par ailleurs à Artem Bonov, au vu des images présentées (voir en dessous).Il n'y a pas non plus de mention de l'homme dans les archives du site, disponibles de 2019 au 28 octobre 2021, date à laquelle l'équipe actuelle était déjà en poste. Artem Bonov n'apparaît en outre ni sur la page Facebook ni sur la chaîne YouTube officielle de la police de la capitale ukrainienne. Capture d'écran du site de la police nationale pour la ville de Kiev, prise le 29 mars 2022Une recherche sur le site de la police nationale ukrainienne ne donne aucun résultat indiquant qu'Artem Bonov pourrait avoir un poste de direction ou d'adjoint de direction."A ma connaissance, il n'a jamais été le chef adjoint de la police de Kiev, et n'a jamais occupé aucun poste de ce type", abonde aussi Michael Colborne, qui travaille sur les mouvements d'extrême droite en Ukraine, auprès de l'AFP.Des photos anciennes d'Artem Bonov en uniformeCertaines des publications sur Facebook relaient plusieurs photos d'Artem Bonov, dont une sur laquelle il apparaît vêtu de ce qui semble être un uniforme de police noir. Une recherche d'image inversée sur TinEye à partir de cette photo permet de se rendre compte que cette dernière circulait déjà sur Internet en 2015. Capture d'écran TinEye, prise le 22/03/2022L'uniforme présenté sur cette image est ancien : on peut apercevoir, dans le dos d'Artem Bonov, le mot "militia". De tels uniformes étaient utilisés jusqu'à novembre 2015 en Ukraine, comme l'écrivait alors RFI. A ce moment-là, la "police" ukrainienne a officiellement remplacé la "milice" héritée de l'ère soviétique.L'AFP n'a pas pu déterminer, sur l'unique base de cette image, si Artem Bonov faisait partie des forces de sécurité ukrainiennes en 2015. D'autres publications ont aussi relayé une photo présentant un groupe d'hommes faisant un salut nazi, au centre duquel apparaît Artem Bonov. Cette photo circule également depuis plusieurs années sur Internet. On peut en retrouver une occurrence datant de 2014, partagée par Anton Shekhovtsov, un chercheur étudiant l'extrême droite ukrainienne. Sa légende indique que l'image a été prise dans une salle du commissariat de police de Kiev, et une inscription sur le mur derrière le groupe d'hommes mentionne aussi la police de Kiev."Avec la nomination du néonazi Vadym Troyan à la tête de la police régionale de Kiev, je ne serais pas surpris que ces types soient des agents de la force publique nouvellement employés", écrivait Anton Shekhovtsov dans sa légende initiale. Il l'a ensuite mise jour en précisant finalement que l'image a "très probablement été prise en juillet 2014, c'est-à-dire avant la nomination de Troyan".Cette photo, et d'autres prises dans le même contexte, avaient suscité des débats en Ukraine quant aux raisons de la présence de ces groupes dans un commissariat. Certains articles dans la presse ukrainienne, dont celui-ci publié le 1er décembre 2014, indiquaient ainsi que "le département régional du ministère de l'Intérieur rapporte que les personnes figurant sur les photos et vidéos scandaleuses ne sont pas des policiers"."La police estime que la vidéo scandaleuse a été enregistrée à une époque où de nombreux citoyens voulaient travailler dans les forces de l'ordre et ont été interrogés et auditionnés. Selon le ministère de l'Intérieur, la vidéo montre un groupe de jeunes gens qui accompagnaient ceux qui voulaient devenir policiers et qui sont juste venus s'amuser dans le bâtiment de la police régionale de Kiev", peut-on lire dans l'article.Une recherche en ukrainien avec le nom d'Artem Bonov renvoie vers des sites et articles de blog datant de 2015 affirmant déjà qu'il aurait été nommé "chef adjoint de la police de Kiev", avec la photo d'un homme avec de nombreux tatouages sur le torse et le ventre. Cependant, cette photo ne montre pas Artem Bonov, qui a des tatouages différents.Cette même photo avait aussi été publiée fin de 2014, affirmant cette fois, à tort, que l'homme qui y apparait est "le chef adjoint de la police de Kiev, Vadim Trojan". Le media de fact-checking ukrainien Stop Fake avait enquêté sur cette image en 2020, et établi que l'homme qui y apparait est en réalité un résident de Saint-Pétersbourg nommé Alexei Maksimov.La prétendue nomination d'Artem Bonov à la direction de la police de Kiev a fait l'objet de nombreuses discussions sur les réseaux sociaux en 2014 et 2015, comme l'a relevé le site de fact-checking grec Ellinika Hoaxes. Cette publication souligne par exemple qu'il pourrait s'agir d'une blague lancée par des internautes, et une critique satirique de la réelle nomination de l'ancien dirigeant d'Azov, Vadim Troyan, à la tête de la police de la région de Kiev en 2014. La publication relevée par Ellinika Hoaxes mentionne aussi un profil VKontakte appartenant à Artem Bonov. Ce compte est actuellement suspendu, mais ses archives semblent indiquer que son propriétaire était au courant de la "blague" circulant en ligne, ou qu'il connaissait Alexei Maksimov.Selon les informations que l'AFP a pu récolter, il n'y a, à ce jour, aucune confirmation permettant d'attester qu'Artem Bonov a déjà été directeur adjoint de la police de Kiev. Nous n'avons pas non plus trouvé de confirmations qu'il ait pu travailler pour le ministère ukrainien de l'Intérieur, hormis la photo le représentant vêtu d'un uniforme qui n'est plus utilisé depuis novembre 2015.Artem Bonov, Azov, et les nazis russesBien que des sources, non vérifiées, affirment qu'Artem Bonov a pu faire partie du bataillon Azov en 2014, il y a très peu d'informations disponibles sur sa réelle implication. D'anciennes archives de sa page sur le réseau social VKontakte montrent des mentions à la fois d'Azov et de la "division Misanthropique", un groupe néonazi apparu en Ukraine en 2014 lorsque des militants d'extrême droite ont rejoint les manifestants pro-Union Européenne sur la place Maïdan à Kiev, protestant contre la répression de Viktor Ianoukovitch, alors président de l'Ukraine.Cette révolution pro-occidentale à Kiev a été suivie par l'annexion en 2014 de la péninsule ukrainienne de Crimée, principalement russophone, par Moscou, qui n'a pas été reconnue par la communauté internationale. Carte de la Crimée ( AFP / Vincent LEFAI, Berlin)La Russie a alors instigué l'émergence de mouvements séparatistes prorusses dans l'est ukrainien, à Donetsk et à Lougansk, régions du Donbass frontalières de la Russie. Deux républiques sont alors autoproclamées, entraînant un intense conflit armé. Depuis cette date, l'armée ukrainienne combat ces séparatistes dans une guerre qui a fait plus de 13.000 morts, parmi lesquels des civils et des combattants ukrainiens et pro-russes, comme détaillé dans cet article.Au printemps 2014, le groupe paramilitaire ultra nationaliste Azov permet notamment la libération de Marioupol, alors que cette ville stratégique du Donbass était aux mains des séparatistes prorusses. "En septembre 2014 a lieu la signature des premiers accords de Minsk qui prévoient la cessation des hostilités, mais également l'intégration de ces structures paramilitaires aux forces régulières, aussi bien ukrainiennes que séparatistes. C'est une garantie qu'offrent les Etats en disant que ces éléments qui peuvent représenter une menace ou empêcher une désescalade vont être mis sous des ordres. La majorité de ces groupes, comme le bataillon Azov, rejoint la garde nationale ukrainienne et va devenir un régiment, sous autorité directe du ministre de l'Intérieur", expliquait le 11 mars Adrien Nonjon, chercheur à l'Inalco, spécialiste de l'Ukraine et de l'extrême droite post-soviétique, dans cet article de vérification de l'AFP.Il est difficile de retracer la biographie complète d'Artem Bonov. "On dit qu'il est ukrainien, mais il a tendance à communiquer exclusivement en russe en ligne - ce qui n'est pas nécessairement inhabituel pour une figure de l'extrême droite ukrainienne - mais le fait qu'il ait revendiqué en ligne comme venant de Lviv rend cela étrange, car peu de personnes de Lviv, en particulier les personnes à l'esprit nationaliste, communiqueraient presque exclusivement en russe", note en outre Michael Colborne.Selon les sources du chercheur, l'accent d'Artem Bonov dans la vidéo publiée sur YouTube mentionnée plus haut ne ressemble pas à un accent de Lviv, mais est "semblable à celui d'un russophone qui aurait appris à parler" l'ukrainien. Certaines mentions d'Artem Bonov dans des articles indiquent par ailleurs qu'il serait né en Russie.Artem Bonov n'est en outre pas étranger à l'extrême-droite russe. Dans une vidéo postée sur sa chaîne Youtube début mars 2022, il apparait notamment avec des personnes identifiées par Michael Colborne comme un membre d'Azov et un mercenaire néonazi russe, de la milice Wagner.La rhétorique du Kremlin qui vise à "dénazifier" l'Ukraine Le 24 février 2022, le président russe Vladmir Poutine a annoncé le lancement d'une "opération militaire" en Ukraine, pour défendre les séparatistes de l'est du pays et "démilitariser et dénazifier" son voisin pro-occidental. Pour justifier l'invasion, Moscou multiplie les déclarations proclamant que l'Ukraine serait remplie et gouvernée par des néonazis.Depuis le début de l'invasion, de nombreuses publications sur les réseaux sociaux reprennent la propagande pro-russe, en mélangeant des exagérations et une simplification excessive des événements historiques des images réelles et fausses, comme cette photo trafiquée du président ukrainien Volodymyr Zelensky s'affichant avec un maillot de football avec un svastika, autre dénomination de la croix gammée.Dans ce contexte, "je vois [Artem Bonov] presque comme une caricature d'un néo-nazi, et donc quelqu'un, malheureusement, 'parfait' pour la propagande russe en ce moment", estime Michael Colborne.Comme détaillé dans cet article, des parties de l'histoire ukrainienne, comme la collaboration temporaire entre certains nationalistes ukrainiens avec le régime d'Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale, ont pu été exploitées par Moscou pour justifier l'idée d'une nécessaire "dénazification". En revanche, d'autres parties de l'histoire ukrainienne, ne correspondant pas à cette rhétorique, sont ignorées. "Une grande partie des soldats ukrainiens a combattu les Nazis aux côtés de l'armée rouge, ce qui est aujourd'hui passé sous silence", notait ainsi début mars Alexandra Goujon, maître de conférences en Sciences politiques à l’université de Bourgogne et auteure de L'Ukraine : de l’indépendance à la guerre.En 2017, l'ambassadeur d'Israël en Ukraine avait par ailleurs annoncé que plus de 2.500 Ukrainiens avaient été nommés "Justes parmi les Nations", un titre conféré aux non-Juifs qui ont sauvé des Juifs de l'extermination pendant la Seconde Guerre mondiale.Les liens évidents entre l'extrême droite ukrainienne et l'extrême droite russe, comme illustré par le cas d'Artem Bonov, sont également ignorés par les canaux pro-russes, tout comme la présence de néonazis au sein des troupes russes combattant l'Etat ukrainien dans le Donbass depuis 2014, parmi lesquels figurent notamment le mouvement impérialiste russe. Des membres du "Mouvement russe impérial", le 28 février 2015 à Saint-Pétersbourg ( AFP / )Si l'extrême droite nationaliste a regagné une visibilité depuis son implication au moment du Maïdan, elle n'a toutefois jamais remporté de victoire par les urnes, pointent en outre les spécialistes, déconstruisant l'idée qu'il y aurait "un lien avéré entre l'extrême droite nationaliste et l'Etat ukrainien".Malgré de bons résultats en 2012, le parti d'extrême droite Svoboda ne détient dorénavant plus qu'un siège au Parlement national. Il n'a pas non plus recueilli plus de 2% des suffrages lors des trois dernières élections présidentielles. Le Corps national, la branche politique du bataillon Azov, s'est présenté avec Svoboda aux élections législatives de 2019 et n'a obtenu aucun siège."S'il est vrai que ces groupes ont une visibilité dans l'espace public notamment parce qu'ils organisent des manifestations qui ne sont pas interdites, l'existence de l'extrême droite politiquement dans les institutions est extrêmement limitée d'un point de vue national", détaille ainsi Alexandra Goujon.30 mars 2022 Apporte précisions sur la biographie d'Artem Bonov et l'analyse de Michael Colborne (fr)
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