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Une étude confirmerait que la vaccination contre le Covid-19 provoque "une hépatite auto-immune sévère" prétendent des articles de blogs partagés plusieurs milliers de fois, alors que des cas d'hépatite ont été recensés chez des enfants de plusieurs pays ces dernières semaines. C'est faux : l'Organisation Mondiale de la Santé, les autorités sanitaires de plusieurs pays et trois chercheurs indépendants ont expliqué à l'AFP que l'hypothèse d'un lien entre ces hépatites et la vaccination n'est pas étayée, puisque la plupart des enfants affectés n'étaient pas vaccinés. Par ailleurs, l'étude citée dans les articles de blogs s'intéresse au cas particulier d'un adulte ayant développé un type d'hépatite différent de celui des enfants affectés."Une étude confirme que le vaccin COVID provoque une hépatite auto-immune sévère quelques jours après que l'OMS a publié une 'alerte mondiale' concernant une hépatite sévère chez les enfants", alarment des articles publiés le 7 mai sur plusieurs plusieurs blogs (ici, ici, là, là), dont certains ont déjà été épinglés pour avoir diffusé des fausses informations liées à la pandémie par l'AFP.Les articles ou certains de leurs extraits ont été partagés plusieurs centaines de fois sur Facebook, à d'autres milliers de reprises sur Twitter (ici, là, là) et vus plus de 95.000 fois sur des chaînes Telegram (ici, là) en moins d'une semaine. Capture d'écran du site "Le Libre Penseur", prise le 11/05/2022 Capture d'écran du site "Courrier International", prise le 11/05/2022 Capture d'écran Twitter, prise le 11/05/2022Ces publications en français reposent sur la traduction d'un article publié le 28 avril sur le site "The Exposé", qui a déjà relayé de nombreuses informations inexactes liées au Covid-19 qui ont fait l'objet d'articles de vérification de l'AFP, comme celui-ci ou celui-là. Des allégations similaires ont circulé en anglais, en espagnol et en portugais sur les réseaux sociaux.Des cas d'hépatite sans lien avec le vaccinCes allégations sont relayées alors que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a alerté le 23 avril sur la présence d'une souche d'hépatite (inflammation du foie) d'origine inconnue touchant majoritairement des enfants. Au 11 mai, l'organisation a indiqué avoir identifié 348 cas probables, dans 20 pays. Seuls six pays ont recensé plus de cinq cas, mais le Royaume-Uni a signalé 160 maladesLe vaccin ne fait néanmoins pas partie des causes envisagées par les scientifiques pour expliquer ces maladies, selon l'OMS. L'organisation a souligné que les causes de cette hépatite étaient toujours à l'étude, mais que le vaccin n'était pas une hypothèse retenue "car la grande majorité des enfants touchés n'ont pas reçu de vaccin contre le Covid-19".L'OMS a ainsi confirmé à l'AFP que "rien ne permet de suggérer un lien" entre la vaccination et ces hépatites. Dès le 6 avril, les autorités sanitaires britanniques ("United Kingdom Health Security Agency", ou UKHSA) avaient alerté au sujet d'une augmentation de cas d'hépatites chez les enfants enregistrées dans le pays depuis janvier, et ont depuis coordonné plusieurs études et publié des rapports d'enquêtes sur ces cas.Dans un rapport du 25 avril, l'agence a aussi exclu tout lien entre le vaccin anti-Covid et l'hépatite survenue chez ces enfants. "Il n'y a aucune preuve d'un lien avec le vaccin contre le Covid-19. Aucun des cas confirmés au Royaume-Uni n'a, à notre connaissance, été vacciné", peut-on y lire.Un porte-parole de l'autorité de santé publique britannique a confirmé à l'AFP qu'"il n'y a aucun lien avec le vaccin contre le Covid-19. Aucun des cas confirmés chez des enfants de moins de 10 ans au Royaume-Uni ne concernent des personnes que l'on sait vaccinées". Un garçon de six ans reçoit le vaccin Pfizer-BioNTech à l'hôpital de Hartford, dans le Connecticut, le 2 novembre 2021 ( AFP / JOSEPH PREZIOSO)Aux Etats-Unis, les autorités sanitaires ("Centers for Disease Control and Prevention", ou CDC) ont également publié un avis pour "pour informer les praticiens et les autorités de sanitaires sur un groupe d'enfants atteints d'hépatite et d'infections à adénovirus" le 21 avril.Le 6 mai, les CDC ont annoncé enquêter sur 109 cas d'hépatites recensés dans 25 Etats et territoires américains, chez des enfants d'un âge médian de deux ans, survenus au cours des sept derniers mois. Du fait de leur âge, les enfants concernés n'étaient pour la plupart pas éligibles pour être vaccinés contre le Covid-19. Aux Etats-Unis, la vaccination est ouverte à partir de cinq ans.Une porte-parole des CDC, Kristen Nordlund, a ainsi indiqué à l'AFP que "l'âge des enfants variait de 11 mois à 5 ans et 9 mois, la plupart ne sont pas éligibles à la vaccination contre le Covid-19".Un possible lien avec un adénovirusLe 29 avril, les CDC ont aussi publié une étude sur neuf cas d'hépatite pédiatrique avec des degrés divers de sévérité, signalés en Alabama entre octobre 2021 et février 2022. Tous les enfants atteints d'hépatite ont également été testés positifs à un pathogène commun appelé adénovirus 41, jusqu'ici davantage connu pour provoquer des gastro-entérites. Sept patients étaient aussi co-infectés par d'autres virus."À l'heure actuelle, nous pensons que l'adénovirus pourrait être la cause de ces cas d'hépatite signalés, mais d'autres facteurs potentiels sont toujours à l'étude", ont indiqué les CDC dans un communiqué accompagnant cette étude.Le 6 mai, le directeur adjoint en charge des maladies infectieuses pour les CDC Jay Butler a ainsi assuré que "la vaccination contre le Covid-19 n'est pas la cause" de ces hépatites, ajoutant vouloir mettre un terme aux rumeurs circulant sur Internet à ce sujet. Le centre des opérations d'urgence des CDC américains, à Atlanta, en Géorgie, le 19 mars 2021. ( AFP / Eric BARADAT)"À l'heure actuelle, les principales hypothèses restent celles qui impliquent l'adénovirus, en prenant également en considération de façon importante le rôle du Covid, soit en tant que co-infection, soit en tant qu'infection antérieure", a confirmé Philippa Easterbrook, du programme mondial de l'OMS sur l'hépatite, lors d'une conférence de presse, le 11 mai.En France, au 11 mai, "aucun excès de passages aux urgences ni de séjours hospitaliers n'a été identifié depuis le 1er janvier 2022 par rapport aux années précédentes (2018-2021)", selon Santé Publique France.Une étude de cas d'un homme atteint d'un autre type d'hépatiteLes articles partagés sur les réseaux sociaux renvoient vers une étude de cas sur un homme de 52 ans, qui a développé une hépatite auto-immune après avoir été infecté par le Covid-19 et vacciné contre la maladie. Cependant, le type d'hépatite contracté par l'homme dont le cas a été étudié dans ces recherches n'est pas le même que celui signalé par les autorités sanitaires touchant des enfants, selon plusieurs chercheurs interrogés par l'AFP. L'hépatologue en transplantation pédiatrique américaine Sara Hassan, du département de pédiatrie de la Mayo Clinic, une fédération hospitalo-universitaire et de recherche très réputée aux Etats-Unis, a ainsi expliqué à l'AFP que la maladie contractée par l'homme de cette étude de cas est différente des cas d'hépatite pédiatriques signalés par les agences de santé."Ces recherches réalisées sur un adulte tentent d'établir un lien entre les vaccins contre le Covid-19 et l'hépatite auto-immune, qui est une entité distincte" de l'hépatite qui a affecté les enfants de plusieurs pays, selon la chercheuse.Une hépatite est une inflammation du foie, d'origine virale dans la majorité des cas, même si la maladie peut parfois être causée par des substances toxiques, indique une page du site de l'Inserm dédiée aux hépatites aiguës identifiées ces dernières semaines chez des enfants."Jusqu'ici, cinq virus ont été identifiés comme pouvant causer cette infection et inflammation ciblée du foie. Ils sont désignés par les lettres A, B, C, D et E, et n'ont pas le même mode de transmission ni la même agressivité", indique encore la page l'Inserm. Il existe aussi des hépatites sont dites "non alphabétiques" car les virus A, B, C, D ou E ne sont pas retrouvés chez les patients. "C'est ce qui semble se dessiner [dans le cas de ces hépatites pédiatriques], même si les données sont encore parcellaires", note l'Inserm.L'hépatite étudiée chez l'homme infecté par le Covid-19 et vacciné est quant à elle auto-immune, c'est-à-dire qu'elle résulte d'un dysfonctionnement du système immunitaire, détaille la directrice médicale du département d'hépatologie pédiatrique à l'Université américaine de Yale, Rima Fawaz, auprès de l'AFP.L'hépatite auto-immune est "une dysrégulation immunitaire, où votre corps a une réponse anormale et vous attaquez votre foie," explique-t-elle. Les enfants dont les cas ont été signalés par les agences de santé présentent quant à eux des symptômes infectieux tels que la fièvre, et reçoivent un traitement différent, selon Rima Fawaz.Cette étude de cas, et les données connues jusqu'ici ne permettent ainsi pas d'appuyer l'idée que les cas d'hépatites pédiatriques signalés récemment pourraient être liés aux vaccins contre le Covid-19, résume la chercheuse. "Dire que cela est lié à la vaccination contre le Covid-19 n'a aucun sens", selon elle.Son confrère spécialiste en maladies infectieuses John Swartzberg, de l'université américaine de Californie à Berkeley est du même avis. Selon lui, les hépatites signalées chez les enfants et l'unique cas d'hépatite auto-immune décelé chez un homme qui a été vacciné contre le Covid-19 sont "sans aucun lien" et "n'ont rien à voir les uns avec les autres".Le professeur émérite au département de santé publique de l'université de Californie à Berkeley estime par ailleurs que le cas d'hépatite auto-immune après la vaccination contre le Covid-19 signalé dans l'étude ne devrait "absolument pas" dissuader les gens de se faire vacciner. "Les risques de contracter le Covid-19 dépassent de loin les risques liés à la vaccination", conclut-il.L'AFP a vérifié des centaines d'autres affirmations trompeuses liées à la pandémie de Covid-19, dont dernièrement au sujet des "Pfizer documents", présentés, à tort, comme révélant la dangerosité des vaccins.
(fr)
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