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"Fraude électorale ? Une association d’observation des élections signale une probabilité d’infraction à l’article R67 du code électoral sur la Ville de Pau". Des messages de ce type ont pullulé sur les réseaux sociaux lors du 1er tour de la présidentielle le dimanche 10 avril. Ils reprochent à des bureaux de vote de la ville de ne pas avoir affiché les résultats du scrutin, laissant cette tâche au bureau centralisateur. Mais les juristes et experts interrogés estiment tous qu'un défaut d'affichage, même avéré, ne constituerait pas à lui seul "une fraude", et le Conseil constitutionnel n'a pas invalidé de voix pour ce type de motif, selon sa décision relative aux résultats du premier tour de scrutin. "Les bureaux de vote de la ville de Pau n'afficheront pas les résultats après proclamation. Seuls les bureaux centralisateurs le feront, il s'agit d'une infraction à l'article R67 du code électoral", affirment des publications virales sur Twitter. "Fraude électorale ?", demande le magazine Nexus sur Facebook. "Ça y est la fraude démarre , partagez !!!", fustige sur son compte Telegram Silvano Trotta. Capture d'écran Telegram, prise le 11 avril 2022Les résultats définitifs du premier tour de l'élection présidentielle ont été proclamés le 13 avril par le Conseil constitutionnel, qui a entériné dans une décision la qualification pour le second tour d'Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Résultats définitifs du premier tour de l'élection présidentielle française en % des inscrits ( AFP / Sylvie HUSSON)Le second tour se tiendra le dimanche 24 avril, et la question de l'affichage ou non des résultats par certains bureaux de vote pourrait à nouveau se poser. Le code électoralQue dit ce fameux article R67 cité par les publications qui nous intéressent ? "Immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé par le secrétaire dans la salle de vote, en présence des électeurs" et "le résultat est proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote". Lorsqu'une commune ne dispose que d'un bureau de vote, la question ne se pose donc pas, il est attendu du bureau qu'il affiche les résultats. Il existe toutefois un autre article, le R69, qui dit que "lorsque les électeurs de la commune sont répartis en plusieurs bureaux de vote", ce qui est le cas pour Pau, le dépouillement est fait par chaque bureau, puis que le président et les membres de chaque bureau remettent ensuite les deux exemplaires du procès-verbal "au bureau centralisateur et chargé d'opérer le recensement général des votes". Il ne mentionne pas de nécessité d'affichage pour chaque bureau individuel. Est-ce qu'il faut en conclure qu'il y a une règle pour les communes avec un seul bureau, et une autre pour les communes avec plusieurs ? Les juristes sont partagés sur ce point. Pour Valérie Farrugia, avocate en droit public, les deux articles "marchent ensemble". "Le bureau centralisateur reprend tous les décomptes et affiche tous les résultats des bureaux et le résultat général. Et les bureaux de vote affichent aussi" normalement les résultats, explique-t-elle. Dans les faits, les bureaux "oublient souvent d’afficher", raconte Matthieu Seingier, avocat au barreau de Paris, mais qui a aussi officié en tant que directeur d'un bureau de vote dans la capitale lors du premier tour de la présidentielle. "Normalement, après le dépouillement, on proclame les résultats. On appelle la mairie, on donne les résultats, puis on y va physiquement pour donner une feuille qui les établit. On a une également une deuxième feuille que l'on affiche dans le bureau. Mais elle est enlevée parfois le soir-même ou le lendemain", poursuit-il.David Pilorge, avocat spécialiste en droit public "les avis sur la combinaison de ces deux articles sont assez partagés", mais il fait remarquer que le Conseil constitutionnel, chargé par l'article 58 de la Constitution de veiller à la régularité de l'élection du Président de la République, ne mentionne sur son site pour chaque bureau de vote que l’établissement des procès-verbaux sans faire état de l’affichage lorsqu'il s'agit du "recensement des résultats dans les grandes communes". "En ne visant cette formalité d’affichage que pour le seul bureau centralisateur, le Conseil constitutionnel pourrait n’imposer cet affichage qu’au bureau centralisateur", explique-t-il, mais appelle également à "rester mesuré". "En tout état de cause, quand bien même chaque bureau de vote serait tenu de procéder à un tel affichage, les conséquences sur le scrutin seraient nulles", précise-t-il. Une différence entre irrégularité et invalidité Les avis des experts interrogés par l'AFP à ce sujet sont unanimes. Quand bien même un bureau manquerait d'afficher les résultats, cela ne constituerait pas en soi une "fraude" ou "la preuve d'une fraude"."Un défaut d’affichage est sans influence sur les résultats, ne révèle pas une manœuvre et plus globalement n’affecte pas la régularité du scrutin", affirme David Pilorge."La notion de sincérité, c’est le critère principal, le juge de l’élection est très pragmatique", abonde Matthieu Seingier. "Lorsqu’un juge examine une contestation de résultats d’élections, dès lors qu’une omission d’application d’un texte n’a pas d’incidence sur la régularité du scrutin, le juge va rejeter le recours", analyse l'avocat, qui cite également une décision du Conseil d'Etat en décembre qui avait conclu qu'un manquement à l'article R67 n'impliquait pas de faire tomber automatiquement le scrutin. Un défaut d'affichage d'un bureau, "honnêtement pour l'élection présidentielle on s'en fiche un peu", estime Valérie Farrugia. "Pour les municipales, c’est le bureau centralisateur qui va proclamer les résultats finaux. Mais pour les présidentielles, il n’y a en quelque sorte qu’une seule circonscription, la France. Et c’est le Conseil constitutionnel qui va proclamer les résultats". "Il va d'abord regarder les PV des bureaux de vote, voir s'il y a eu des remarques faites pendant le scrutin, va en tirer les conséquences", et "avant il y a une commission départementale de recensement qui déjà fait un premier tri", détaille l'avocate. Interrogée par l'AFP, la préfecture des Pyrénées-Atlantiques a fait valoir que "l'affichage dans les bureaux de vote ne peut être réalisé tant que tous les bureaux de vote du territoire ne sont pas fermés, à 20h dans les grandes villes . D'où l'affichage qui se fait au centralisateur après 20h". "En l'espèce, il n'y a pas eu d'infraction au code électoral constatée et la commission départementale de recensement des votes composée de trois magistrats, réunie lundi 11 avril 2022, n'a pas fait remonter cette observation au Conseil Constitutionnel", a détaillé la préfecture.Enfin, le Conseil constitutionnel a indiqué le 13 avril avoir annulé 10.216 suffrages, sur 35.923.707 voix exprimées. Aucun de ces cas ne mentionne une invalidation causée par un manquement d'affichage des résultats par un bureau. 14 avril 2022 Revoici avec photo de header
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