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Une publication partagée plus de 2.500 fois depuis le 19 août affirme que "la plupart des comités scientifiques" ont interdit le masque "suite aux recommandations de l’OMS du 5 juin dernier". C’est faux : le 5 juin dernier, l’OMS conseillait au contraire l’élargissement du port du masque. Une recommandation faite également par les comités scientifiques en France et en Belgique, où cette publication est partagée, selon les avis de ces comités disponibles en ligne. De plus, ce visuel contient plusieurs fausses affirmations sur les dangers du masque pour la santé. "Le port d’un masque est interdit par la plupart des comités scientifiques suite aux recommandations de l’OMS du 5 juin dernier", affirme cette publication qui justifie cette prétendue interdiction : "car le port d’un masque diminue l’apport en oxygène et force à respirer le gaz carbonique et les toxines", "affaiblit le système immunitaire, vous rendant plus fragile aux maladies", ce qui provoquerait "une seconde pandémie bien plus grave". Capture d’écran réalisée le 9 septembre 2020 sur FacebookCe document est signé du "Conseil National de transition", un mouvement de citoyens liés au "Mouvement du 14 juillet", comme l’expliquent nos confrères des Inrocks dans cet article. Il se définit comme "la seule autorité légitime de la nation française" et comme "un gouvernement en exil". Il souhaite, entre autres, l’interdiction des vaccins.Cette publication a été partagée plusieurs milliers de fois en France et en Belgique. Mais elle est fausse: l’OMS n’a jamais recommandé aux gouvernements d’interdire le port du masque. Au contraire, au 5 juin 2020, elle conseillait aux gouvernements d’élargir le port du masque obligatoire.Des conseils également repris par les comités scientifiques en France et en Belgique. Ces comités ont un rôle de conseil auprès du gouvernement et non de décision. Que dit l’OMS ?L'OMS a évolué dans ses conseils. Au début de l'épidémie, elle ne recommandait pas le port du masque en l'absence de symptômes. Le 5 juin, l’organisation a publié de nouvelles directives concernant le port du le masque. Dans le document reprenant ces nouvelles recommandations, l’OMS conseille désormais aux autorités, "pour prévenir efficacement la transmission de la COVID-19 dans les zones de transmission communautaire, d’encourager le port du masque par le grand public dans des situations et lieux particuliers", dans lesquels la distanciation physique ne peut pas être respectée. Capture d’écran des nouvelles recommandations sur le port du masque publiées le 5 juin 2020 par l’OMS. Pour l’OMS, le port du masque "s’inscrit dans le cadre d’un ensemble de mesures anti-infectieuses propres à limiter la propagation de certaines affections respiratoires virales, dont la COVID-19 fait partie". L'Organisation précise que "le seul port du masque ne suffit toutefois pas à assurer un niveau adéquat de protection dans ces deux cas et d’autres mesures doivent également être adoptées au niveau personnel ou communautaire contre la transmission des virus respiratoires". Si l'Organisation évoque bien des inconvénients potentiels liés au port du masque (irritation, fausse impression de sécurité, inadéquation pour les jeunes enfants...), on ne trouve dans la liste aucun de ceux cités dans cette publication.Les comités scientifiques belges et français ont émis les mêmes recommandationsCet autoproclamé "gouvernement de la France libre" affirme que les comités scientifiques ont également interdit le port du masque. Or c’est faux : les comités scientifiques de référence en France et en Belgique (où la publication est partagée) ont au contraire recommandé le port du masque. En FranceEn France, le principal comité scientifique chargé de conseiller le gouvernement sur les décisions à prendre pour gérer la pandémie de coronavirus est le Conseil scientifique Covid-19. Son rôle est consultatif, comme expliqué dans son règlement intérieur. Il ne peut donc pas interdire une mesure comme le port du masque.Le 8 juin, trois jours après la mise à jour des recommandations de l’OMS , le Conseil scientifique Covid-19 publiait un avis listant les mesures à prendre pour l’organisation de la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Les scientifiques y expliquent que "certaines mesures doivent nécessairement être poursuivies à l’échelle individuelle, comme le maintien de la distance physique, des gestes barrières, le port du masque, mais aussi à l’échelle collective, comme le port du masque dans les transports en commun, les limitations de rassemblements publics, la fermeture de lieux recevant du public".Dans un entretien avec l’AFP publié le 9 juillet, le président du Conseil scientifique Covid-19 Jean-François Delfraissy a réaffirmé l’importance du port du masque : "On sait que les endroits où il y a des foules, où les gens se touchent, les lieux fermés, sont particulièrement à risque, donc le port du masque et la distanciation sont un élément essentiel." Le port du masque a depuis été élargi en France : dans les lieux collectifs clos, mais aussi dans les entreprises et dans les écoles. En Belgique En Belgique, les décisions politiques sur la situation sanitaire sont prises par le Conseil National de Sécurité, qui travaille avec plusieurs instances scientifiques. Parmi elles, le Conseil Supérieur de la Santé, qui rend des avis - consultatifs - au Service Public Fédéral Santé publique.Contacté par l’AFP le 9 septembre 2020, Fabrice Peters, du Conseil Supérieur de la Santé, a expliqué qu’aucun scientifique n’a jamais recommandé l’interdiction du masque :"Nous n’avons jamais envisagé d’interdire le port du masque. La situation en Belgique a évolué, il y a eu plusieurs évaluations à des moments donnés, qui prenaient en compte l’avis de l’OMS et celui des experts belges. Comme tous les comités scientifiques, nous avons suivi ces recommandations. Nous avons commencé à recommander le port du masque à partir du début du déconfinement (le 4 mai en Belgique, NDLR)".Depuis le 23 juillet, le port du masque est devenu obligatoire dans tous les endroits à forte fréquentation de Belgique. Il l'était déjà dans la plupart des lieux publics clos depuis le 11 juillet, pour toutes les personnes de plus de 12 ans. Il est également devenu obligatoire dans tous les espaces publics de Bruxelles le 12 août.Le masque n’est pas dangereux pour la santéContrairement à ce qu’affirme cette publication, le masque ne diminue pas dangereusement l’apport en oxygène, expliquait en juillet Yves Coppieters, médecin épidémiologiste et professeur de santé publique à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) : "Le masque n’est pas un circuit clos, il laisse passer l’oxygène. Il peut éventuellement diminuer légèrement l’apport en oxygène et gêner la respiration d’une personne avec des problèmes cardiaques ou respiratoires. Il peut aussi y avoir une sensation d’inconfort qui provoque une impression d’étouffer, mais c’est psychologique. Dans le cas d’une personne en bonne santé, il n’empêche pas du tout d’effectuer des activités quotidiennes normalement".Dans sa rubrique "En finir avec les idées reçues", l’Organisation Mondiale de la Santé explique que le masque n’est pas dangereux pour la santé, s’il est porté correctement : "L’utilisation prolongée de masques médicaux peut être inconfortable, mais elle n’entraîne ni intoxication au CO2 ni manque d’oxygène. Au moment de porter un masque médical, veillez à ce qu’il soit correctement ajusté et qu’il soit suffisamment serré pour vous permettre de respirer normalement. Ne réutilisez pas un masque à usage unique et changez-le dès qu’il s’humidifie".Le masque ne provoque pas non plus la ré-inhalation de toxines ou de gaz carbonique, comme l’expliquait dans l’article cité plus haut Jean-Luc Gala, chef de clinique à la clinique universitaire Saint Luc à Bruxelles et spécialiste des maladies infectieuses : "On n’exhale pas de toxines, on exhale du dioxyde de carbone".Vinita Dubey, médecin hygiéniste à l'agence de santé publique de Toronto au Canada, a expliqué dans un mail à l'AFP en juin dernier que le masque servait de barrière aux particules de virus, tout en laissant passer le dioxyde de carbone : "L'utilisation prolongée du masque de protection, y compris le N95 -équivalent du FFP2 en France, ndlr-, n'a pas été reliée à des cas d'empoisonnement au dioxyde de carbone chez les personnes en bonne santé. Si du CO2 s'accumule dans le masque, c'est dans de petites quantités tolérables", a-t-elle estimé.Les masques ne provoquant pas de manque d’oxygène ni d'inhalation dangereuse de dioxyde de carbone, ils n’ont donc aucun impact sur le système immunitaire : "Les personnels de santé passent huit heures par jour avec un masque et ils ne développent pas d’infection secondaire ou de problèmes de santé", rappelle Yves Coppieters. Cette théorie a déjà été fact-checkée dans un précédent article de l’AFP. Le masque ne risque donc pas non plus de provoquer une "seconde pandémie bien plus grave". Fabrice Peters, du Conseil supérieur de la Santé, a confirmé à l’AFP l’efficacité du masque : "Les scientifiques avec qui on a travaillé disent tous : c’est une barrière en plus. Le masque protège les autres de la projection de gouttelettes contaminées, lorsqu’on tousse par exemple".Un rapport de la revue scientifique de la Royal Society au Royaume-Uni, mis à jour le 7 juillet 2020, concluait que "les preuves que les masques, y compris les masques en tissu, empêchent les risques de transmission et d’infection continuent de s’accumuler".Mis à jour le 10/09/2020: Ajoute recommandations de l'OMS au début de l'épidémie
(fr)
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