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Une vidéo montrant des milliers de manifestants défiler dans les rues d'Al-Qatif, en Arabie saoudite, est relayée sur les réseaux sociaux par des internautes assurant qu'il s'agit de protestations massives passées sous silence par les médias occidentaux après l'exécution, le 12 mars, de 81 condamnés à mort dans le pays. Mais cette vidéo date de novembre 2014 et montre les funérailles de huit victimes tuées au cours d'une attaque perpétrée lors des célébrations chiites de l'Achoura dans l'Est du pays.Alors que l'Arabie saoudite a procédé samedi à l'exécution de 81 personnes condamnées à mort, une vidéo a abondamment été relayée sur les réseaux sociaux. Sur ces images, des milliers de manifestants défilent dans les rues, habillés des vêtements traditionnels saoudiens."Manifestations d'aujourd'hui à Al-Qatif, en Arabie saoudite, en réponse au massacre et à la décapitation de 81 jeunes hommes par le gouvernement. Le silence des médias et des politiques occidentaux (Allo les médias français le gouvernement pas de respect pour 81 jeunes décapités ?) est écœurant et montre qu'ils n'ont aucun intérêt pour les droits et les valeurs de l'homme", écrivent des internautes indignés dans la légende qui accompagne ces images.Cette publication a circulé sur Twitter, Facebook, et a également été visionnée plus de 67.000 fois sur la chaîne Telegram de Silvano Trotta, figure de proue de la sphère anti-vaccins en France. Le texte semble avoir été traduit littéralement de publications en anglais, relayées plusieurs milliers de fois depuis le 12 mars. Capture d'écran prise sur Telegram le 15/03/2022 Capture d'écran prise sur Twitter le 15/03/2022 Une vidéo datant de 2014Une recherche d'image inversée grâce à l'extension InVID-WeVerify permet de remonter jusqu'à la plus ancienne occurrence de la vidéo, publiée sur YouTube le 8 novembre 2014. La légende indique qu'il s'agit "des funérailles des martyrs de Dalwa". Dans les commentaires, des internautes indiquent que la vidéo a été tournée dans la ville saoudienne d'Al-Qatif.En effectuant une recherche de la ville d'Al-Qatif, en Arabie saoudite, dans Google Maps, il est possible de retrouver l'emplacement exact d'où a été filmée la vidéo. Plusieurs indices sont reconnaissables, comme le montre la comparaison ci-dessous entre la vidéo filmée en 2014 à gauche, et la place visible sur Google Maps. Une recherche des mots clés "Dalwa", "funérailles" et "2014" permet de retrouver plusieurs articles qui évoquent ce rassemblement, le 7 novembre 2014, soit la veille de la publication de la vidéo sur YouTube.Ces articles indiquent que plusieurs millions de chiites s'étaient réunis à l'occasion des funérailles de huit fidèles chiites, dont des enfants, tués le 3 novembre 2014, lors des célébrations religieuses de l'Achoura, temps fort du calendrier chiite, comme le rapportait à l'époque l'AFP. Le ministère de l'Intérieur avait attribué l'attaque à des suspects liés au groupe EI.Une autre vidéo montre le même rassemblement filmé sous un angle différent à partir de 2'57. L'AFP avait également publié une série de photos de cet événement prises le même jour sous un angle quasiment identique. Des Saoudiens en deuil assistent, le 7 novembre 2014, aux funérailles de huit victimes chiites tuées dans la ville d'Al-Dalwa, dans la province orientale de l'Arabie saoudite. Sept des morts ont été tués lorsque des hommes armés ont ouvert le feu sur une foule, alors que les chiites commémoraient l'Achoura, l'une de leurs occasions les plus sacrées ( AFP / STR)La légende indique que "des Saoudiens en deuil assistaient, le 7 novembre 2014, aux funérailles de huit victimes chiites tuées en début de semaine par des hommes armés masqués dans la ville d'Al-Dalwa, dans la province orientale de l'Arabie saoudite". Les victimes avaient été tuées par "alors que les Chiites commémoraient l'Achoura, l'une de leurs occasions les plus sacrées", précise le texte.D'autres photos de l'AFP montrent la foule amassée autour des cercueils des victimes. Des Saoudiens en deuil assistent, le 7 novembre 2014, aux funérailles de huit victimes chiites tuées par des hommes armés masqués dans la ville d'Al-Dalwa, dans la province orientale de l'Arabie saoudite ( AFP / STR)La minorité chiite, qui représente entre 10 et 15% des 33 millions d'habitants du royaume, se plaint de marginalisation et se dit victime de la montée des tensions entre l'Arabie saoudite et l'Iran, le grand rival régional chiite. La plus importante exécution de masse organisée en Arabie saouditeSi cette vidéo a de nouveau circulé récemment, c'est en raison de l'exécution le 12 mars en l'Arabie saoudite de 81 hommes, comme a annoncé le ministère saoudien de l'Intérieur.Cette exécution de masse, la plus importante organisée dans le pays depuis des décennies, a suscité l'indignation de nombreux observateurs internationaux.Soixante-treize Saoudiens, sept Yéménites et un Syrien avaient été "reconnus coupables d'avoir commis de multiples crimes odieux" dans le pays, affirmait l'agence de presse officielle SPA. Parmi eux, figureraient, toujours selon l'agence, des hommes liés à l'organisation jihadiste Etat islamique (EI), au réseau Al-Qaïda, aux rebelles Houthis du Yémen et à "d'autres organisations terroristes".L'Arabie saoudite, qui présente l'un des taux d'exécutions les plus élevés au monde, a généralement recours à la décapitation pour mettre à exécution les peines capitales. "Le monde doit savoir"La Haut-Commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU a "condamné" lundi ces exécutions et a exprimé des inquiétudes quant à de potentielles violations du droit international, voire des crimes de guerre. "Parmi ceux qui ont été décapités le 12 mars, 41 appartenaient à la minorité chiite et avaient participé à des manifestations contre le gouvernement en 2011-2012 en demandant de pouvoir participer davantage au processus politique, sept autres étaient yéménites et un syrien", a détaillé Michelle Bachelet dans un communiqué.Elle a souligné que, que selon les informations dont disposent ses services, certains des exécutés ont été condamnés à la suite de procès qui ne répondent pas aux normes internationales.De son côté, l'ONG Amnesty International a estimé que l'exécution de 81 personnes en une seule journée montrait "l'urgence d'abolir la peine de mort" en Arabie saoudite."Le monde doit déjà savoir que quand Mohammed Ben Salmane promet des réformes, l'effusion de sang suit", a indiqué sur Twitter l'ONG britannique Reprieve.Reprieve statement following news that Saudi Arabia has killed 81 men in a mass execution today.“The world should know by now that when Mohammed Bin Salman promises reform, bloodshed is bound to follow." 1/4 — Reprieve (@Reprieve) March 12, 2022 "Le prince héritier vient tout juste de dire la semaine dernière à des journalistes qu'il voulait moderniser le système judiciaire pénal, seulement pour ordonner la plus importante exécution en masse de l'histoire du pays", a ajouté l'ONG.Dirigeant de facto du royaume, le prince héritier Mohammed ben Salmane a lancé des réformes sociales et économiques depuis 2017 mais il a dans le même temps réprimé toute dissidence. Le prince héritier Mohammed bin Salman assistant au discours annuel du roi saoudien au conseil de la choura, un organe consultatif supérieur, dans la capitale Riyad le 20 novembre 2019. ( Saudi Royal Palace / HO)En 2021, le royaume a procédé à 69 exécutions. Depuis le début de l'année 2022 et avant les exécutions de samedi, 11 personnes avaient déjà été exécutées, selon un décompte de l'AFP basé sur des déclarations officielles.Monarchie absolue, l'Arabie saoudite est dotée depuis 1992 d'une Loi fondamentale assimilée à une Constitution, reposant sur la charia, la loi islamique. L'homicide, le viol, les attaques à main armée, la sorcellerie, l'adultère, la sodomie, l'homosexualité et l'apostasie y sont passibles de la peine capitale.
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