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Des publications très partagées sur les réseaux sociaux affirment que l'OMS viendrait de reconnaître que les tests PCR généraient en masse des résultats faussement positifs et demanderait même pour cette raison aux laboratoires de baisser le nombre de cycles d'amplification de l'ARN viral effectués par les tests. Ces interprétations sont trompeuses: non seulement l'OMS avait déjà dit que des "faux positifs" pouvaient se produire en cas de mauvaise réalisation des tests mais ces cas sont très rares et ne remettent pas en cause les PCR. De plus, le document de l'OMS parfois fourni à l'appui des allégations ne recommande pas de réduire le nombre de cycles d'amplification.Depuis plusieurs mois, nombre de fausses allégations circulent au sujet des tests PCR, affirmant à tort qu'une immense partie -sinon la majorité- des résultats seraient faussement positifs, une affirmation prisée des milieux complotistes, qui considèrent que la pandémie de Covid 19 est exagérée voire inventée par les gouvernements pour asservir la population.Dans le viseur systématique: les "cycles d'amplification" de l'ARN du Sars-CoV-2, effectués par les machines d'analyse PCR pour détecter le matériel génétique du virus. Selon cette idée, les laboratoires effectueraient un nombre trop élevé de cycles, ce qui surestimerait in fine le nombre de résultats positifs.Mais comme nous allons le voir, c'est loin d'être aussi simple.Ce type d'allégations est revenu en force au mois de janvier 2021, comme on peut le voir dans ce tweet en anglais, datant du 21 janvier et retweeté presque 14.000 fois au moment de la capture d'écran faite par l'AFP, le 22 janvier. Capture d'écran de Twitter effectuée le 22 janvier 2021David Samadi est un médecin urologue, spécialiste du cancer de la prostate, selon son site internet personnel.Il s'y présente aussi comme intervenant notamment sur le site ultra-conservateur Newsmax, apprécié de l'ancien président américain Donald Trump.Le 25 janvier, le tweet avait été supprimé. Mais il avait été traduit en français et relayé, par exemple dans cette publication Facebook, partagée au moins 1.600 fois sur des groupes et des pages publics depuis le 21 janvier, selon le logiciel de mesure d'audience des réseaux sociaux Crowdtangle.Y est mentionnée l'OMS (WHO en anglais), qui recommanderait désormais "aux laboratoires du monde entier de réduire le nombre de cycles [d'amplification, NDLR] des tests PCR pour avoir une vision plus précise des cas de Covid".En réalité, l'Organisation mondiale de la santé a mis en ligne le 20 janvier une mise à jour (datée du 13 janvier) de l'une de ses recommandations aux laboratoires pour leur rappeler d'utiliser les machines d'analyse des tests PCR conformément au mode d'emploi des fabricants pour éviter les erreurs.Il s'agit précisément de la note numéro "2020:5, version 2", que l'on peut lire ici en anglais et là en français sur le site de l'OMS.Cette note a donné lieu à d'autres interprétations trompeuses, notamment ici, avec l'idée que "l’OMS reconnaît enfin que les tests PCR génèrent de faux positifs !"et qu'elle "s’inquiète du fait que les tests PCR, notamment à cause de leur fichu coefficient d’amplification de l’ADN (CT, Threshold Cycle) ne sont pas fiables, il y a bien trop de faux positifs !".Autre exemple en français ici (au moins 680 partages Facebook depuis le 24 janvier).On retrouve cela aussi en anglais ici avec ce titre : "une heure après que [le nouveau président américain, NDLR] Joe Biden a prêté serment, l'OMS reconnaît que leurs tests surestiment énormement les cas positifs au Covid". Le site de vérification américain Politifact a consacré un article à cette fausse allégation, disponible (en anglais) ici.De nombreuses publications en français comme en anglais sous-entendent en plus, comme ci-dessus, sans apporter d'élements en ce sens, qu'il y a un lien direct entre l'entrée en fonction du démocrate Joe Biden comme président des Etats-Unis et la publication de la note de l'OMS, le 20 janvier.Or, comme on va le voir ci-dessous, l'OMS avait déjà publié ces recommandations une première fois en décembre.Que dit l'OMS dans sa mise à jour à propos de tests PCR ?Dans l'"AVIS DE L’OMS À L’ATTENTION DES UTILISATEURS DE TESTS DE DIAGNOSTIC IN VITRO 2020/05", l'institution "demande aux utilisateurs de suivre les instructions fournies dans le mode d’emploi lors de l’interprétation des résultats obtenus pour les échantillons analysés par la méthode PCR". Capture d'écran du site de l'OMS faite le 25 janvier 2021Contrairement à ce qui était affirmé dans le tweet cité au début de cet article, l'OMS ne recommande pas de diminuer le nombre de cycles d'amplification mais de vérifier que la machine est bien calibrée.Interrogée par l'AFP sur ce qui avait motivé la publication de cette note, l'OMS a répondu par mail le 22 janvier que des problèmes de résultats PCR lui avaient été signalés par des laboratoires et qu'en conséquence, elle souhaitait rappeler la nécessité d'utiliser les machines de tests de façon conforme aux réglages recommandés par le fabricant."Depuis début 2020, l'OMS a reçu dix signalements de problèmes liés à des résultats de PCR de détection du Sars-CoV-2 (...), des signalements de mauvais diagnostics, à la fois des faux positifs et des faux négatifs", a indiqué l'organisation internationale.On peut noter d'emblée que, contrairement à ce qu'affirment ou sous-entendent certaines publications trompeuses, l'OMS mentionne un nombre extrêmement réduit de problèmes en proportion du nombre de PCR réalisés à travers le monde.De surcroît, elle mentionne à la fois des cas de "faux positifs" (le test ressort comme à tort comme positif) mais aussi de "faux négatifs", c'est-à-dire de cas où le test est ressorti négatif alors que le patient était pourtant porteur du virus.Il est donc erroné d'affirmer que l'OMS s'alarmerait d'une proportion importante de "faux positifs" ou qu'elle aurait dit que les PCR surestimaient massivement les cas positifs.Et l'OMS de poursuivre dans son mail à l'AFP : "après une enquête complète, l'OMS confirme que ces tests n'étaient pas toujours utilisés de façon correcte et conforme aux instructions fournies par le fabricant"."En particulier, les utilisateurs en laboratoire ont rencontré des problèmes avec ces tests quand ils n'ont pas appliqué le seuil de positivité recommandé, ce qui peut donner des résultats faux négatifs (si le seuil appliqué est plus bas) ou faux positifs (si le seuil appliqué est plus haut)", a poursuivi l'OMS."Le 14 décembre 2020, l'OMS a publié une notice d'information pour expliquer ce qui s'était passé et recommandé un bon usage des modes d'emploi", puis la note "avec les mêmes recommandations a été rediffusée le 20 janvier avec des modifications de formulations pour plus de clarté", a encore précisé l'OMS.Le lien vers la note "2020/5, version 1" datée du 7 décembre et mise en ligne le 14 décembre est archivé ici, où on peut lire en effet qu'y est abordée la même problématique.La note de janvier vient remplacer celle de décembre, est-il précisé sur le site de l'OMS. Une machine PCR à Marseille en janvier 2021 (AFP / Christophe Simon)Cette première publication en décembre explique que l'on retrouve des publications trompeuses sur le sujet dès cette date, comme ici en anglais (au moins 11.500 partages Facebook depuis le 18 décembre) ou là sa version traduite en français (au moins 8.200 partages depuis le 20 décembre).En outre, contrairement à ce que disent plusieurs publications, ce n'est ni en janvier ni même en décembre que l'OMS aurait évoqué pour la première fois la possibilité de résultats "faux positifs".En effet, comme on peut le lire dans ce document titré "Tests diagnostiques pour le dépistage du SARS-CoV-2 : orientations provisoires, 11 septembre 2020", l'OMS mentionnait déjà qu'il "existe également un risque de résultats faux positifs ou faux négatifs lors de la détection du SARS-CoV-2, si le dépistage n’est pas réalisé avec des tests adéquats ou s’il n’est pas effectué dans des conditions adéquates".C'est vers ce document que renvoie d'ailleurs la note "2020/5, version 2" mentionnée plus haut.L'OMS mentionnait donc déjà au moins depuis septembre un risque possible de résultats faux, en cas de mauvaise réalisation du test (ce qui va de la qualité du prélèvement à son analyse en laboratoire en passant par son transport et sa conservation).Les tests PCR, les cycles d'amplification et le seuil de positivitéDes experts ont déjà expliqué dans des articles de l'AFP, notamment ici, que les tests PCR sont fiables et que les résultats "faux positifs" (le test ressort positif alors que le patient n'est pas contaminé) sont extrêmement rares et liés en général à de mauvaises manipulations.Comme on l 'a vu plus haut, pour pouvoir déceler le génome du Sars-CoV-2 dans un échantillon biologique (le plus souvent un prélèvement naso-pharyngé mais aussi parfois salivaire), la machine va procéder à une "amplification" du matériel génétique un certain nombre de fois, à des températures différentes: ce sont les cycles d'amplification.Donc, plus il faut de cycles, moins il y a de quantité de virus et inversement, comme le rappelle d'ailleurs la note de l'OMS mentionnée ci-dessus: "la valeur de cycle seuil (Ct) nécessaire pour détecter le virus est inversement proportionnelle à la charge virale du patient".Les tests PCR sont donc susceptibles de déclarer positifs des échantillons où il n'y a que d'infimes traces de virus.D'où la nécessité d'avoir un seuil de positivité, au-dessous duquel l'échantillon est considéré négatif et au-dessus duquel il est positif. Sauf que ce seuil de positivité est différent d'une machine à l'autre, d'où l'impossibilité de donner un seuil universel. Par exemple, pour une même quantité de virus dans un échantillon, une machine le déclarera positif à 32 cycles mais une autre à 37. Un marin-pompier manipule un échantillon pour un test PCR à Marseille en janvier 2021 (AFP / Christophe Simon)Tout est "très calibré par technique" et "ça dépend du kit de PCR utilisé (...) il y a énormément de variables", expliquait notamment à l'AFP Jean-Paul Feugeas, président SNMB-CHU (Syndicat national des médecins et biologistes des Centres hospitaliers universitaires) le 9 septembre.La valeur CT "peut être variable selon le processus analytique ou selon la technique de RT-PCR utilisés", confirme la Société française de microbiologie (SFM) dans un avis publié le 25 septembre et mis à jour le 6 octobre, consacré à "l'interprétation de la valeur CT" des tests.On peut d'ailleurs voir dans cet avis le caractère variable des CT selon les machines, détaillés dans trois pages de tableaux.Les "valeurs CT ne peuvent pas être directement comparées entre (systèmes de tests) différents- tous les laboratoires n'utilisent pas les mêmes et certains peuvent en utiliser plusieurs différents", est-il aussi expliqué dans ce document des autorités britanniques intitulé "comprendre les valeurs CT dans les tests RT-PCR de Sars-Cov-2"."Chaque laboratoire sait quels sont ses seuils, et leur boulot, c'est de donner les résultats de votre test sur la base de leurs réglages", a aussi expliqué Ben Neuman, virologue de l'Université Texas A&M, cité par Politifact.Et c'est précisément ce que dit l'OMS dans sa note en rappelant aux laborantins de bien vérifier le réglage du seuil de positivité de leur machine, conformément aux plus récentes instructions du fabricant: "les utilisateurs de DIV [diagnostic in vitro, NDLR] doivent lire et suivre attentivement le mode d’emploi pour déterminer si un ajustement manuel du seuil de positivité de la PCR est recommandé par le fabricant", pour éviter les erreurs.On voit néanmoins circuler régulièrement des repères émis par certains chercheurs ou sociétés savantes, évoquant des seuils entre 30 ou 35 cycles comme seuil significatif.Mais comme on peut le voir dans le long avis de la SFM, tout repère chiffré est approximatif et à relativiser tant les valeurs varient selon le réglage de la machine, les réactifs utilisés ou encore le nombre de cibles génomiques du virus identifiées.La SFM comme l'OMS rappellent en outre que le résultat du test ne se suffit pas à lui-même et que le professionnel de santé doit l'interpréter le cas échéant dans le cadre général : les symptômes (et leur évolution) du patient, les antécédents, les éventuels autres tests, le degré de circulation du virus... L'OMS suggère par exemple de refaire le test : "lorsque les résultats du test ne correspondent pas au tableau clinique, il convient de prélever un nouvel échantillon et de répéter le test en utilisant une méthode d’amplification des acides nucléiques identique ou différente".Dans sa note, l'OMS souligne en particulier "que les résultats faiblement positifs doivent être interprétés avec prudence" en prenant en compte d'autres critères, une mise en garde que l'OMS formulait déjà dans sa note détaillée du 11 septembre."Les prestataires de soins doivent donc examiner les résultats en tenant également compte de la date de prélèvement, du type d’échantillon, des caractéristiques spécifiques du test, des observations cliniques, des antécédents du patient, du statut confirmé des contacts éventuels et des informations épidémiologiques" (degré de circulation du virus par exemple), résume l'OMS.Mise à jour le 17/03/2021 pour ajouter lien manquant vers document des autorités britanniques sur l'interprétation des CT
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