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  • 2022-12-15 (xsd:date)
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  • Cette Américaine est secouriste, pas mercenaire, et n'a pas été tuée en Ukraine (fr)
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  • Rebekah Maciorowski, une "mercenaire" américaine de 28 ans, serait morte au front en Ukraine, selon les internautes qui partagent sa photo sur plusieurs pages Facebook africaines très suivies. Cette rumeur a également été abondamment relayée sur des chaînes Telegram prorusses. L'Américaine a pourtant tweeté une vidéo le 14 décembre, trois jours après l'apparition de cette infox sur les réseaux sociaux, pour démentir, affirmant qu'elle était "en vie et en bonne santé" et qu'elle était secouriste sur le terrain de conflit ukrainien, ce que corroborent plusieurs preuves en ligne. Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, les rumeurs prétendant que les Occidentaux présents sur le front ont été arrêtés ou tués sont légion. "Un mercenaire américain a été détruit lors de batailles avec l'armée russe" en Ukraine, affirment plusieurs pages Facebook en partageant la photo d'une femme rousse en treillis. Selon eux, cette "mercenaire" du nom de "Rebecca Maciorowski", originaire de l'Etat du Tennessee, serait allée se battre aux côtés des "nazis ukrainiens" et aurait succombé au front. Ces publications ont été mises en ligne par plusieurs pages rassemblant des dizaines de milliers d'abonnés depuis le 12 décembre (1, 2, 3...). Capture d'écran d'une publication Facebook réalisée le 14 décembre 2022Ce conflit, qui a démarré lorsque la Russie a envahi l'Ukraine le 24 février, se poursuivait encore mi-décembre. Sur le front Est, dans la région de Donetsk, les combats d'artillerie continuent de faire rage, en particulier aux abords de la ville aujourd'hui largement détruite de Bakhmout, que la Russie tente de conquérir depuis l'été, et de Avdiivka, selon la présidence ukrainienne. L'emploi du terme "nazi" par les internautes pour désigner cette Américaine s'inscrit dans une rhétorique russe consistant à comparer les Ukrainiens qui défendent l'intégrité de leur territoire aux "nazis de [ce] temps", comme l'a encore écrit l'ex-président russe et actuel numéro deux du Conseil de sécurité, Dmitri Medvedev, le 11 décembre. Les responsables russes présentent ainsi le président ukrainien Volodymyr Zelensky comme étant à la tête d'une clique de "nazis" ou de "drogués" et fustigent son refus de négocier avec son homologue russe Vladimir Poutine. Le 24 février, Vladimir Poutine avait d'ailleurs qualifié l'intervention militaire russe en Ukraine d'opération de "dénazification". Pour nourrir son rapprochement entre Kiev et l'idéologie néonazie, le Kremlin utilise un argument récurrent: l'Ukraine a été le seul pays, avec les Etats-Unis, à voter en 2021 contre un projet de résolution de l'Assemblée générale des Nations unies soutenu par la Russie et visant à "condamner la glorification du nazisme et du néonazisme". Un raccourci à visée propagandiste qui s'est révélé simpliste et trompeur, selon plusieurs experts interrogés précédemment par l'AFP à ce sujet."En vie et en bonne santé"Pourtant, il n'en est rien : si Rebekah Maciorowski est bel et bien américaine et présente sur le front en Ukraine, elle n'est ni mercenaire, ni décédée dans des combats.En cherchant son nom sur Twitter, on tombe sur plusieurs tweets relayant la rumeur selon laquelle elle serait morte au front (1,2,...). Le premier tweet encore en ligne au 14 décembre annonçant sa mort (en anglais) date du 11 décembre peu après 18 heures (heure française). Mais les publications Facebook que nous vérifions relaient, elles, une capture d'écran d'un tweet aujourd'hui supprimé publié antérieurement, peu après 16 heures par un compte se présentant comme une infirmière du nom d'Angela Wood. Contactée le 14 décembre, l'autrice de ce tweet n'a pas donné suite aux sollicitations de l'AFP. Capture d'écran d'un tweet, réalisée le 14 décembre 2022De son côté, l'Américaine a démenti cette information dans une vidéo publiée le 14 décembre. "On m'a informée que des rumeurs au sujet de ma mort circulaient en ligne", détaille-t-elle dans ce clip de 38 secondes, après s'être présentée et avoir cité la date du jour. "Des détails fantaisistes ont également été partagés au sujet des circonstances et du lieu de mon décès: tout est faux, je suis en vie et en bonne santé", dément-elle fermement. "Par ailleurs, histoire de clarifier, je ne suis pas mercenaire mais secouriste bénévole", ajoute-t-elle. Video update on my status. слава україні! pic.twitter.com/ngUyfrcRPj — Rebekah M (@bekamaciorowski) December 14, 2022 Elle avait d'ores et déjà commencé à démentir cette information dès le 13 décembre vers 13h30 (heure française). Depuis son compte Twitter créé en janvier 2019, elle a par la suite publié plusieurs messages en réponse aux comptes relayant sa mort jusqu'à la fin de la journée du 13 décembre, avant de publier la vidéo précitée le lendemain. Captures d'écran de tweets, réalisées le 14 décembre 2022Dans un de ses derniers tweet, Rebekah Maciorowski indiquait déjà par ailleurs "ne jamais avoir servi au sein de l'armée américaine" et "ne pas être un mercenaire" mais "une bénévole avec une expérience de 11 ans dans le secteur médical, travaillant actuellement comme secouriste" en Ukraine. "Je ne sais pas quelles rumeurs la machine propagandiste russe a décidé de propager sur ma mort, mais je suis absolument en vie et en bonne santé", déclarait-elle dans un autre message daté du 13 décembre, épinglé sur son compte Twitter.Pas mercenaire, mais infirmièreQuant aux accusations concernant sa présence sur le sol ukrainien, plusieurs indices viennent confirmer sa version des faits. En consultant des sauvegardes plus anciennes de son compte Twitter sur Wayback Machine, qui archive les pages web, on tombe sur une capture du 17 octobre 2021 - soit plus de quatre mois avant le début de l'invasion russe. Elle précisait à l'époque dans la biographie de son profil qu'elle était infirmière et se géolocalisait à Denver, dans l'Etat du Colorado (Etats-Unis). Capture d'écran d'une page archivée, réalisée le 14 décembre 2022Sur un site américain recensant les identifiants nationaux des fournisseurs de soins aux Etats-Unis, elle est en effet présentée comme une infirmière immatriculée travaillant à Denver. Lorsqu'on cherche le numéro indiqué sur cette page dans la base de données du site fédéral de l'assurance maladie américaine, on retrouve les mêmes informations la concernant. Capture d'écran du site fédéral de Medicaid et Medicare, réalisée le 14 décembre 2022Par ailleurs, plusieurs photos et un article de presse publiés ces dernières années l'identifient toujours comme une infirmière exerçant au Colorado. Sur un site officiel de l'Armée de l'air américaine et sur un autre appartenant au ministère de la Défense, elle apparaît masquée aux côtés d'un militaire lors d'une tournée auprès de personnes sans domicile fixe en pleine crise du Covid-19; un autre cliché d'elle pendant cette opération a été publié sur le compte Flickr de la Garde nationale du Colorado. Enfin, le magazine Scrubs, spécialisé dans l'actualité du monde infirmier, lui a consacré un article début septembre. Elle y évoque son engagement en Ukraine en tant que secouriste. "Je pense que tout le monde a regardé les informations en février, début mars, et s'est dit : 'Oh, c'est horrible. Quelqu'un devrait faire quelque chose'", racontait-elle à l'époque, exprimant son désir de "ne [pas vouloir] faire partie des spectateurs [mais se] jeter à l'eau et aider". L'article précisait qu'elle "planifiait d'y retourner [en octobre] pour soutenir la résistance". Sur son profil Facebook en effet, elle expliquait dès août avoir rejoint une organisation humanitaire ukrainienne bénévole, Hospitallers, active dans le pays depuis 2014 et l'annexion de la Crimée selon son site. Contacté par l'AFP le 14 décembre, un responsable de cette ONG a confirmé à l'AFP qu'elle faisait partie des secouristes de cet organisme et "se portait bien". Propagande russeMalgré ces démentis et les corrections publiées par plusieurs comptes Twitter qui ont cru et relayé l'annonce de sa mort (1, 2), l'infox a circulé abondamment sur Facebook mais également sur Telegram. Les captures d'écran sur Facebook portent d'ailleurs pour la plupart la mention d'une chaîne Telegram prorusse, @RVvoenkory, affiliée au site de propagande Printemps russe - déjà épinglé par le média d'investigation Meduza comme "l'un des principaux médias de propagande couvrant la guerre russe contre l'Ukraine"."Depuis 2014, [Printemps russe] collecte des fonds auprès de ses lecteurs pour aider les forces russes par procuration et les civils des 'républiques populaires' autoproclamées de Donetsk et de Louhansk (DNR et LNR)", détaille ce média, ajoutant que "depuis [début] 2022, [ce site] popularise des vidéos montrant la mort de soldats ukrainiens et diffuse de fausses informations selon lesquelles l'armée ukrainienne fournirait de la drogue à ses troupes". Capture d'écran d'une chaîne Telegram, réalisée le 14 décembre 2022La fausse annonce de la mort de Rebekah Maciorowski a en effet été publiée sur sa chaîne Telegram "Opération Z: Correspondants de guerre du Printemps russe" dans la soirée du 11 décembre, soit quelques heures avant les premières mentions de cette infox sur Facebook détectées par l'AFP. "Rebecca Maciorovsky est née le 26 janvier 1994 à Knoxville, Tennessee. En été, elle est allée à une guerre étrangère en Ukraine aux côtés des nazis ukrainiens. Les détails de sa liquidation ne sont pas encore connus", affirme ce message, assurant que "l'information a été vérifiée et confirmée par des sources américaines". Ce n'est pas la première fois qu'une fausse information concernant la mort ou la capture d'Occidentaux sur le front ukrainien circule en ligne. L'AFP a déjà vérifié plusieurs fausses informations sur ce même thème: en mars au sujet du sniper canadien "Wali" puis en avril et en mai concernant un haut gradé de l'Otan. (fr)
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