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Une publication totalisant près de 1.000 partages sur Facebook depuis le 8 octobre 2021 prétend qu’un "haut cadre" de l’opération Barkhane, force militaire française contre le terrorisme au Sahel, a été interpellé à l’aéroport de Bamako, au Mali, en possession de deux kilogrammes d’héroïne. C'est faux, ont dit à l'AFP l'Office malien des stupéfiants et l'Etat-major français. "Un haut cadre de la Barkhane du nom de Gérald arrêté à l'aéroport Bko-Sénou avec près 2k de drogue Héroïne", affirme l’auteur d’un post Facebook publié le 8 octobre. Le même message est repris par plusieurs publications (1, 2, 3), certaines avec une illustration différente de celle du post viral. Capture d’une publication virale sur Facebook, réalisée le 14 octobre 2021Ce message circule dans un contexte de tension diplomatique entre Bamako et Paris et alors que la France a entamé le désengagement partiel de la force Barkhane, au Sahel. Les relations entre le Mali et la France se sont envenimées le 25 septembre, lorsque le Premier ministre de transition malien, Choguel Kokalla Maïga, a accusé la France, engagée militairement au Mali depuis 2013, d'"abandon en plein vol". Des critiques censées justifier le possible recours au groupe de sécurité privée russe Wagner, décrit comme proche du président Vladimir Poutine, pour compenser la réduction de la voilure de Barkhane.Ce contexte tendu nourrit un ressentiment anti-français. "A bas la France. Dégage la France", lit-on ainsi dans les commentaires sous la publication que nous vérifions.Mais cette publication virale est fausse et les principales images qui l’accompagnent sont anciennes. "En aucun cas un militaire français de Barkhane"Les informations qui font état de l’interpellation d’un haut cadre de Barkhane "sont erronées et sans fondement", affirme Sadio Mady Kanouté, chef de la division communication et relations publiques de l’Office central des stupéfiants, au Mali, dans un message à l’AFP le 12 octobre. Cette source a également envoyé un communiqué évoquant l’interpellation d’un "ressortissant nigérian". Ce communiqué de la direction de l’Office malien des stupéfiants porte sur une opération de saisie de 1 kg 554 grammes d'héroïne sur un certain Gérald Chukwuma Innocent, le 6 octobre 2021 au Mali. L'opération a été menée par les éléments de la Cellule aéroportuaire anti trafics (CAAT) qui dépend de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime."Les 16 sachets ont donné un poids total de 1kg 554 g pour une valeur de 37.500.000 Fcfa", lit-on dans le communiqué qui note que "selon le suspect, le produit provient du Nigeria et devrait transiter par le Mali avec pour destination finale Chypre". "Cette saisie est le résultat du partage de renseignements et de la bonne collaboration entre la Douane Française, la Cellule de ciblage de la douane du Mali et la CAAT", indique ce communiqué. Capture d’écran du communiqué de presse transmis à l’AFP par la Direction de l’Office malien des stupéfiants. Contacté le 12 octobre 2021, l’Etat-major français lui aussi dément l’interpellation au Mali d’un membre de l’opération Barkhane. "Il ne s'agit en aucun cas d'un militaire français de la force Barkhane", affirme le service de communication de l’état-major français. D’où viennent les images de militaires français utilisées dans les publications ? Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 13 octobre 2021Les résultats d’une recherche d’images inversée avec le moteur de recherche Google images aboutissent à plusieurs publications illustrées avec cette photo, dont un article du quotidien régional français, Ouest France. Dans ce reportage publié le 31 mai 2019 sur l'opération Barkhane au Mali, cette photo est créditée “Ouest France”. L’auteur de ce reportage de terrain est Paul Simon. Nous l'avons contacté et il souligne qu’il est l’auteur de cette image "prise le 6 mai 2019 à Gao", la grande base militaire de l’opération Barkhane au Mali. Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 13 octobre 2021Après une recherche d’images inversée avec le moteur de recherche Google images, on retrouve la photo ci-dessus dans un article publié sur le site du quotidien français "l’Opinion". Elle est créditée “Sipa Press”, une agence française de photojournalisme. Un reporter-photographe de cette agence, Jacques Witt, nous a envoyé l’image d'origine (les images d’archives sur le site ne sont pas libre d’accès) avec la légende qui lui est associée. On y lit qu’elle a été prise le 21 avril 2019, à Gossi, dans le Nord du Mali. Photo d’origine disponible sur le site de Sipa Press D’où vient cette autre image ? Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 14 octobre 2021 Cette troisième image, montrant une dizaine de sachets au contenu marron,apparaît sur Internet dès le 8 octobre 2021, à la suite du communiqué de l’Office central des stupéfiants sur son opération de saisie de 16 sachets de cocaïne. Ce cliché est notamment utilisé par des sites d’information en ligne maliens (1,2,3). "Il ne s’agit pas d’une image d’illustration", affirme Sadio Mady Kanouté, porte-parole de l’Office central des stupéfiants au Mali. "C’est l’une des photos de la drogue qui était dissimulée", explique-t-il. Cette photo a été prise par la cellule aéroportuaire anti-trafics, ajoute-t-il. L’Afrique de l’Ouest, zone stratégique pour le trafic de drogue Selon un rapport de l'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, publié en avril 2021, l'Afrique de l'Ouest (en particulier la Guinée-Bissau) a longtemps fait figure de plaque tournante du trafic de drogue, notamment de cocaïne entre les Amériques et l'Europe. La région est le principal corridor de la cocaïne en provenance de l'Amérique latine qui alimente l’Afrique de l’Ouest et l’Europe. Infographie sur le trafic de drogue en Afrique de l'Ouest réalisée par l'AFP à partir de celle de l'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organiséeD’après ce rapport, l’Afrique de l’Ouest a enregistré des records de saisies de cocaïne entre 2019 et janvier 2021 ; ce qui a attiré l'attention internationale sur le trafic de cocaïne dans cette région. La libre circulation transfrontalière des citoyens de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao)et les frontières poreuses ont pour effet secondaire de profiter aux criminels et suscite des défis pour l’application des lois et les poursuites judiciaires, note le rapport de l'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée.
(fr)
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