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"Le vaccin a ruiné ma vie", aurait assuré la star Justin Bieber, accusant l'injection anti-Covid d'avoir causé la paralysie faciale qui l'a contraint d'annuler une partie de ses concerts. C'est ce que prétendent de nombreuses publications virales sur les réseaux sociaux, se fondant sur un article du "Vancouver Times". Mais attention : il ne s'agit pas d'un média d'information mais un site satirique, et il n'existe à ce jour pas de preuves que l'artiste canadien ait tenu de tels propos. Il avait annoncé être atteint du syndrome de Ramsay Hunt, causé par la réactivation d'un zona. Toutefois, à mi-juin 2022, le lien entre le développement de zona et la vaccination anti-Covid, s'il est "surveillé" par les autorités sanitaires, n'est pas avéré."'Le vaccin a ruiné ma vie' - Justin Bieber admet maintenant qu'il regrette d'avoir pris le vaccin Covid-19, affirmant que cela l'a laissé avec une paralysie permanente au visage. Il aurait l'intention de poursuivre PFlZER", assure un tweet partagé à plus de 2.000 reprises depuis le 17 juin, renvoyant vers un article du site internet en anglais "Vancouver Times".Les mêmes allégations ont été relayées à d'autres milliers de reprises ailleurs sur Twitter, vues plus de 60.000 fois sur la chaîne Telegram de Silvano Trotta, qui relaie régulièrement des allégations fausses ou infondées sur le Covid-19 (ici, là), et reprises des dizaines de fois dans des publications sur Facebook.L'article du "Vancouver Times" a aussi largement circulé en anglais sur Facebook et Twitter. Capture d'écran Twitter, prise le 21/06/2022Ces allégations interviennent alors que le chanteur canadien vient d'annuler des dates nord-américaines de son "Justice World Tour", entamé en février 2022 et prévu jusqu'à mars 2023, en annonçant le 10 juin sur son compte Instagram qu'il souffrait d'un syndrome rare paralysant un côté de son visage."Comme vous pouvez probablement le voir sur mon visage, j'ai ce syndrome, qu'on appelle Ramsay Hunt", avait expliqué l'artiste dans sa vidéo, ajoutant avoir "une paralysie complète de ce côté de mon visage", en montrant qu'il ne parvenait à cligner que d'un seul œil, à bouger une seule narine ou encore à sourire que d'un côté."Donc pour ceux qui sont frustrés par les annulations de mes prochains spectacles, je ne suis tout simplement pas physiquement capable de les assurer. C'est plutôt sérieux, comme vous pouvez le voir. J'aurais aimé que ce ne soit pas le cas, mais mon corps a besoin de ralentir", ajoutait le chanteur de 28 ans.Une "confidence d'un ami proche" introuvableLe premier paragraphe de l'article en anglais vers lequel renvoient les publications sur les réseaux sociaux indique que "Justin Bieber admet à présent qu'il regrette avoir été vacciné contre le Covid-19, expliquant que le vaccin lui a causé une paralysie permanente du visage. Bieber fait la confidence à un ami proche, qui a ensuite fait fuiter l'information auprès du Daily Mail. Bieber prévoit de poursuivre Pfizer pour avoir causé sa paralysie, bien que l'entreprise soit protégée de toutes responsabilités". Pour appuyer ces propos, le "Vancouver Times" renvoie vers un article du Daily Mail daté du 10 juin, qui revient sur l'annonce de Justin Bieber publiée sur son compte Instagram, intitulé "'S'il vous plaît, priez pour moi' : Justin Bieber révèle qu'il est atteint d'une paralysie faciale causée par un syndrome rare et partage ses craintes alors qu'il a du mal à se nourrir après avoir été contraint d'annuler des dates de sa tournée".Cependant, ni l'article disponible sur le site du Daily Mail au 21 juin, ni ses versions archivées en ligne que l'AFP a pu consulter ne mentionnent de citation d'un prétendu proche du chanteur faisant état d'un lien entre sa paralysie faciale et la vaccin anti-Covid, ou encore de poursuites envisagées par l'artiste canadien contre Pfizer. Capture d'écran de l'article publié sur le site du Daily Mail, prise le 21/06/2022Un site satiriqueLe "Vancouver Times", vers lequel renvoient les publications, se présente par ailleurs comme "la plus fidèle source de satire de la côte ouest (américaine, NDLR)"."Nous écrivons des histoires satiriques sur des problématiques qui affectent les conservateurs", précise la page de présentation du site. "Nous ne sommes aucunement affiliés avec des médias traditionnels, et toute similitude entre notre contenu et le travail des médias traditionnels est purement fortuite", y est-il encore indiqué.Sur la page de l'article prétendant citer Justin Bieber, il est par ailleurs mentionné à plusieurs reprises qu'il s'agit de "satire", bien que ces commentaires n'apparaissent pas dans les publications partagées sur les réseaux sociaux. Capture d'écran du site du "Vancouver Times", prise le 21/06/2022Ce n'est par ailleurs pas la première fois que le "Vancouver Times" publie un article relayant des assertions totalement inventées au sujet de personnalités publiques, ensuite reprises sur les réseaux sociaux sans mention de leur aspect parodique.En mars dernier, un article du site avait prétendu que le PDG de Disney aurait été arrêté pour traite d'humains à la suite d'une opération policière d'ampleur aux Etats-Unis, ce qu'avait alors démenti la police auprès de l'AFP. En mai, le Vancouver Times avait à nouveau annoncé la fausse arrestation d'une personnalité, cette fois-ci le vice-président de Pfizer, ce que l'entreprise avait démenti auprès de l'équipe anglophone de l'AFP.Contactée au sujet des allégations circulant au sujet de sa prétendue citation, l'équipe de Justin Bieber n'avait pas répondu à l'AFP au moment de la publication de cet article.Le syndrome de Ramsay HuntLe 10 juin, le chanteur avait annoncé être atteint du syndrome de Ramsay Hunt, un trouble neurologique rare découvert en 1907 par le neurologue Ramsay Hunt, et caractérisé par une paralysie du nerf facial et une éruption cutanée, qui peut affecter l'oreille ou la bouche. D'autres symptômes comme des bourdonnements dans l'oreille (acouphènes), des douleurs à l'oreille (otalgie), une perte auditive neurosensorielle, une hyperacousie (une exacerbation des sons) peuvent survenir. Parfois, les personnes touchées souffrent aussi de vomissements ou de vertiges.Le syndrome de Ramsay Hunt est causé par le virus varicelle-zona, le même virus qui cause la varicelle et le zona. Ce virus peut rester dormant pendant des décennies chez une personne qui a eu la varicelle dans son enfance. Sa réactivation peut survenir "lors d'une baisse momentanée des défenses immunitaires (fatigue, stress...) ou lors d'une maladie entraînant un déficit immunitaire (VIH, cancer, maladie infectieuse...)", détaille le site de l'Assurance maladie.La réactivation du virus entraîne ainsi le zona et, dans certains cas, peut évoluer en syndrome de Ramsay Hunt. La raison pour laquelle le virus est réactivé et affecte le nerf facial dans le syndrome de Ramsay Hunt est inconnue.Ce syndrome affecte autant les hommes que les femmes. Selon l'organisation NORD, spécialisée dans le suivi des maladies rares, cinq personnes sur 100.000 développent ce syndrome chaque année aux États-Unis. Certains chercheurs pensent toutefois que des cas ne sont pas diagnostiqués ou mal diagnostiqués, ce qui rend difficile la détermination de la fréquence réelle du trouble dans la population générale.Toute personne ayant eu la varicelle peut potentiellement développer le syndrome de Ramsay Hunt. Cependant, la plupart des cas touchent les personnes âgées, en particulier celles de plus de 60 ans ou immunodéprimées.A lire aussi : Le syndrome de Ramsay Hunt, dont souffre Justin Bieber : un trouble neurologique rareCe n'est pas la première fois que Justin Bieber prend la parole sur les réseaux sociaux pour évoquer ses problèmes de santé. En janvier 2020, le chanteur avait annoncé être atteint de mononucléose chronique et aussi de la maladie de Lyme. Cette dernière est transmise par la morsure de tiques infectées par une bactérie, la borréliose. Sa manifestation peut se limiter à une rougeur caractéristique autour de la morsure, mais peut aussi provoquer dans certains cas des troubles invalidants et douloureux, notamment neurologiques, articulaires et musculaires.Fin janvier 2020, l'artiste canadien avait publié une série de documentaires sur YouTube, revenant sur ses premières années de succès, mais aussi sur ses problèmes de santé. L'une des vidéos du documentaire expliquait ainsi que les médecins du chanteur lui avaient diagnostiqué "la maladie de Lyme ainsi que le virus Epstein-Barr", qui est à l'origine d'autres maladies comme la mononucléose.Justin Bieber a également évoqué, publiquement et dans certaines de ses chansons, sa santé mentale, expliquant notamment souffrir d'anxiété. Justin Bieber lors d'un concert à Paris, à l'AccorHotels Arena le 20 septembre 2016 ( AFP / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT)Le vaccin et le zonaLes potentiels effets secondaires des vaccins contre le Covid sont surveillés par les autorités sanitaires depuis le début des campagnes de vaccination. En France, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) publie régulièrement des points de surveillance sur les données de pharmacovigilance, recueillies par des centres régionaux de pharmacovigilance.Selon le dernier document de l'ANSM, qui prend en compte les signalements de pharmacovigilance jusqu'à fin mai, les cas de zona survenus après une injection avec les vaccins de Pfizer-BioNTech, Moderna et Janssen sont considérés comme étant des "signaux potentiels", ce qui signifie qu'un lien direct entre le développement de zonas et la vaccination n'est pour l'heure pas avéré, mais fait l'objet de "surveillance".Plusieurs études (ici, là) prenant en compte des patients ayant signalé des zonas après avoir été vaccinés notent qu'un lien est "possible" mais ne peut, pour l'heure, être établi de façon définitive. "Nous n'avons pas pu établir de lien définitif, mais il pourrait y avoir une association possible entre les vaccins contre le Covid-19 et le zona. Des études à grande échelle pourraient aider à comprendre la relation de cause à effet", concluent par exemple les auteurs de recherches publiées fin octobre 2021 dans le Journal of Cosmetic Dermatology, prenant en compte une cinquantaine de cas de zona (dont certains chez des patients à risque).En France, la vaccination contre le Covid-19 est "recommandée pour tous à partir de 5 ans avec deux doses. Un rappel vaccinal est ensuite recommandé pour toutes les personnes de 12 ans et plus", indique le site "vaccination-info-service", mis à jour le 17 juin 2022. "En France, environ 148 millions de doses de vaccins ont été administrées au total depuis le début de la campagne et actuellement aucun des effets indésirables ne remettent en cause le rapport bénéfice risque des vaccins utilisés", indique-t-il encore.Fin mai, la Haute Autorité de Santé (HAS) a recommandé d'anticiper la campagne de deuxièmes rappels de vaccination contre le Covid-19 vaccination des personnes à risque de développer des formes graves.La paralysie de Bell et la vaccinationPar ailleurs, des cas d'un autre type de paralysie faciale, la paralysie de Bell, avaient été rapportés lors des essais cliniques des vaccins de Pfizer et Moderna. Cependant, ces cas étaient ont été considérés comme "rares", et faisaient dès le début du lancement des campagnes de vaccination en décembre 2020 l'objet d'une surveillance particulière.L'Agence européenne des médicaments (EMA) a en outre "conclu à l'existence d’un lien entre le vaccin Vaxzevria (celui d'AstraZeneca, NDLR) et le risque de paralysie faciale. La mention de cet effet indésirable figure désormais dans le RCP et la notice de ce vaccin", indique le point de surveillance de l'ANSM. Cet effet indésirable est cependant considéré par l'EMA comme "rare et disparaît généralement en quelques semaines".Cependant, la paralysie de Bell n'est pas liée au syndrome de Ramsay Hunt, a expliqué le 13 juin à l'AFP Benjamin Davido, infectiologue à l'hôpital de Garches."Ça n'a rien à voir, la paralysie de Bell, ce n'est pas la même entité (...) C'est une paralysie faciale qui, classiquement, s'est déclenchée dans la période de l'automne et de l'hiver, au froid, dans un contexte de stress, de manque de vitamine D, c'est-à-dire qu'il y a un lien environnemental. Cette maladie n'a rien à voir avec le vaccin directement. La paralysie de Bell peut être déclenchée par plein d'éléments (...) C'est un événement qui est rarissime, qui est dû à un agent infectieux, éventuellement à une stimulation du système immunitaire par la vaccination ou par l'infection", détaillait-il."Ces deux entités, paralysie de Bell et le syndrome de Ramsay-Hunt sont deux entités différentes. L'un est environnemental, l'autre dû au virus de la varicelle", résumait encore l'infectiologue.Depuis le début de la pandémie de Covid-19, de nombreuses allégations fausses ou trompeuses ont circulé, donnant lieu à plus de 770 articles de vérification de l'AFP en français au 21 juin 2022.
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