?:reviewBody
|
-
Ne pas manger de glace, ne pas boire d'eau froide, éviter le shampoing... Cinq mises en garde contre des pratiques prétendument dangereuses pour la santé de la femme pendant ses règles circulent sur les réseaux sociaux dans des publications partagées plus de 100.000 fois en France et dans plusieurs pays d'Afrique francophone. Problème, ils ne reposent sur aucune base scientifique, selon des expertes interrogées par l'AFP.Ce post partagé notamment par la page Facebook de "Bazin Et Pagne En Valeur" destiné aux femmes africaines énumère "cinq choses" auxquelles les "filles doivent faire attention pendant les règles". Capture d'écran prise sur Facebook le 27/05/21Il recommande de ne pas boire d'eau froide ou pétillante, d'éviter de faire un shampoing "car les pores de la tête sont ouverts pendant les règles et provoquent des maux de tête", d'éviter "de manger des concombres" dont "la sève" pourrait "provoquer la stérilité", ne "pas être touché par des objets durs, en particulier l'abdomen" car cela pourrait "provoquer des vomissements et l'utérus peut être blessé" et enfin il met en garde contre la consommation de "glace pendant les règles" qui "peut faire en sorte que le sang menstruel reste dans la paroi utérine" et provoquer un "cancer utérin".Il circule depuis au moins deux ans, essentiellement en Afrique et ne cesse de susciter les commentaires reconnaissants de dizaines de jeunes femmes. Des idées erronées"Il n'y a évidemment aucune étude en lien avec ce qui est dit, et aucun lien physiopathologique qu'on puisse mettre en évidence par rapport à ça", explique à l’AFP le Dr Odile Bagot, gynécologue obstétricienne, auteure de de Vagin & Cie, on vous dit tout ! Elle prodigue ses conseils sur la page Facebook Mam Gynéco"Ces publications ne reposent sur aucune argumentation scientifique", confirme auprès de l'AFP le Dr Nadia Tazi-Hobeika, gynécologue à Abidjan, ajoutant que "toutes ces idées sont par conséquent complètement erronées".Ne pas boire d'eau froide ou pétillante : "L'eau froide ou pétillante n'a jamais eu aucun effet sur l'organisme et encore moins sur le système génital", explique le Dr Bagot..Eviter le shampoing: Les "céphalées cataméniales (ou menstruelles, NDLR) oui", ça existe bien, elles "sont liées à la chute brutale en oestrogènes mais ça n'a strictement rien à voir avec les pores de la tête", commente le Dr Bagot.En plus des maux de tête, les menstruations peuvent également causer des crampes abdominales, des ballonnements, une sensibilité accrue au niveau des seins ainsi que des troubles articulaires, digestifs et musculaires. "Les états migraineux pendant les règles sont liés tout simplement à des fluctuations hormonales ou syndrome prémenstruel", précise le Dr Tazi-Hobeika. Du sang bloqué en raison de la consommation de concombre? L'idée que le sang resterait bloqué dans la paroi utérine "correspond au fantasme du mécanisme des règles" qui ferait qu'il "y aurait une accumulation de sang pendant un mois qui va s'évacuer après", selon le Dr Bagot."Les règles c'est la chute de l'endomètre, ce tapis qui tapisse l'intérieur de l'utérus. Il s'épaissit pendant le cycle pour atteindre une épaisseur de pas tout à fait un centimètre et avec la chute hormonale va tomber. Ca peut faire des petits bouts de tissu qu'on ne voit pas forcément mais surtout ça libère des vaisseaux et c'est les vaisseaux qui vont saigner. Ce n'est pas du sang accumulé, c'est du sang qui circule et qui va être évacué", précise-t-elle. "Avec la reprise du cycle hormonal, la fabrication d'oestrogènes, l'endomètre va de nouveau pousser et fermer les vaisseaux", poursuit-elle.Selon l'Institut américain de la santé infantile (ICH), l'infertilité peut être liée à de nombreux facteurs comme des problèmes du cycle menstruel, des anomalies physiques du système reproducteur, des maladies auto-immunes ou sexuellement transmissibles ou l’endométriose.La probabilité de survenue d'une grossesse au cours d'un mois ou d'un cycle menstruel, chez un couple n'utilisant pas de contraception, est de l'ordre de 20 à 25%, selon une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). InfertilitéEviter l'impact d'objets durs? "L'utérus ne peut jamais être blessé parce que quand on est debout, il est derrière la vessie, derrière les intestins", explique le Dr Bagot."Des vomissements pendant les règles ça peut exister chez des femmes qui ont des règles très douloureuses" et, avec d'autres symptômes qui peuvent aller jusqu'à la perte de connaissance, "cela correspond à une réaction vagale", selon elle.Le Dr Bagot souligne toutefois que la crainte que l'utérus puisse être blessé peut s'expliquer par le fait que les femmes africaines ont plus souvent que les femmes d'origine caucasienne un utérus "fibromateux" et donc plus gros et qui peut se sentir à la palpation. "Elles ont de gros utérus, des utérus qui saignent beaucoup et qu'elles peuvent palper à la surface de leur ventre parce qu'ils sont volumineux. Elles ont des règles hémorragiques avec cet utérus fibromateux", précise le Dr Bagot.L'ingestion de glace provoquerait-elle le cancer? "Il n'y aucun lien entre les règles et le cancer", selon le Dr Bagot. "Les facteurs de risque d’un cancer de l'utérus sont bien connus et bien définis", souligne pour sa part le Dr Tazi-Hobeika citant "les traitements hormonaux substitutifs, l'hypertension artérielle, l'obésité, le tabagisme…"Les règles, sources de "fantasmes" D'une manière générale, le Dr Bagot souligne que les règles sont porteuses "de fantasmes, de croyances, de culture" et il n'est "pas étonnant qu'on ait ce genre" d'informations qui circulent. Parmi les fantasmes, elle cite celui du pouvoir "purificateur" des règles ou encore "maléfique" où on prétend que la femme va rater sa mayonnaise ou on lui interdit l'accès au saloir . Dans de nombreuses sociétés les menstruations sont associées à l'impureté. "Dans les sociétés africaines, certaines femmes sont mises à l'écart au moment de leurs règles à cause de ce sang impur", ajoute le Dr Bagot."Toutes les religions ont des croyances sur le cycle menstruel, c'est comme si on avait collé sur ces fluctuations qui sont tout à fait normales des superstitions", estime Gaëlle Baldassari, créatrice du mouvement "Kiffe ton cycle" qui vise "à réhabiliter le cycle menstruel" en aidant les femmes à utiliser les émotions ou l'état d'esprit associé à chaque phase du cycle hormonal pour "mieux vivre".Si les fluctuations hormonales ont des conséquences plus ou moins importantes pour un très grand nombre de femmes, le Dr Bagot estime qu'"il est inacceptable qu'une femme souffre pendant ses règles". "Il y a toujours une solution", selon cette spécialiste.Selon elle, il faut jouer sur les "trois mécanismes des règles douloureuse: inflammation, douleur, contraction" avec un anti-inflammatoire, un antalgique et un anti-spasmodique. "Mais il faut anticiper. Pas attendre d'être pliée en deux", pour prendre ces médicaments, souligne-t-elle. Et si les médicaments ne suffisent pas, la prise d'une pilule contraceptive provoque des fausses règles qui en général ne sont pas douloureuses, poursuit-elle. Mais "si ça ne s'améliore pas, il faut vraiment chercher de l'endométriose", conseille-t-elle.Selon l’Inserm, une femme sur 10 souffre d’endométriose, une maladie gynécologique liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus. Des remèdes de grand-mère ou innovants? "La bouillotte ça marche" pour calmer la douleur, explique le Dr Bagot qui cite également des traitements par "électrostimulation" avec "deux petites électrodes" posées sur le ventre qui avec "de petites impulsions électriques" vont "dévier le circuit de la douleur".Pour que les règles ne soient plus considérées comme un handicap dans la vie des femmes, Gaëlle Baldassari veut transformer ces fluctuations hormonales en "allié" plutôt que de le considérer comme "une punition divine". Les "changements de cocktails hormonaux nous mettent dans différentes énergies tout au long du cycle", explique-t-elle encourageant les femmes à "accepter leur état et de ne pas lutter contre" pour tirer le meilleur parti de ces fluctuations. Dans cette optique, l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) a lancé un programme d'étude intitulé Empow'her dont l'objectif est de "suivre les athlètes féminines individuellement afin d'établir leur profil hormonal et de réponse à la charge d'entraînement pour maximiser leurs performances".Selon une enquête réalisée par la publication spécialisée "Revue médicale suisse", réalisée auprès de 2.400 apprenties et étudiantes, "92% des participantes remplissaient les critères de dysménorrhée" définie "par la présence de douleurs abdominales ou dorsales pendant les menstruations".Les traitements les plus fréquents sont : l’ibuprofène (53%), le paracétamol (51%), la contraception hormonale (40%), la bouillotte sur le ventre (35%), des compléments alimentaires ou la phytothérapie (23%).28 mai 2021 Actualise le nombre de partages et les pays dans lesquels les affirmations circulent
(fr)
|