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Un récent document officiel aurait décalé les dates de péremption des vaccins contre le Covid, faute de preneurs en Guadeloupe, affirme une avocate dans un entretien très partagé sur Internet. Ce document a en réalité été envoyé dans toute la France début octobre et faisait suite à un avis de l'Agence européenne des médicaments, affirment de concert Santé publique France, l'Agence régionale de santé de Guadeloupe et trois soignantes guadeloupéennes. Il s'agit d'une procédure courante dans le cadre d'autorisations de mise sur le marché de ce type de produits, rappelle l'Agence nationale de sécurité du médicament."Il existe aujourd'hui dans nos stocks ici en Guadeloupe des vaccins périmés (...) et ces vaccins périmés, on vous dit : 'nouvelle date de péremption'", affirme une avocate dans un extrait vidéo vu à plus de 200.000 reprises et partagé plus de 16.000 fois sur Facebook et plus de 1.700 fois sur Twitter depuis le 2 décembre.Document au logo de Santé Publique France (SPF) à l'appui, Me Ellen Bessis, une avocate de Pointe-à-Pitre, poursuit : "quand Santé Publique France publie et envoie un document dans toutes les pharmacies (...) en leur disant 'vous avez des stocks de vaccins, vous êtes gentils, vous prenez votre feutre et vous changez la date et vous mettez trois mois de plus', ben écoutez pour moi c'est quand même quelque chose d'extrêmement grave". Capture d'écran Facebook, prise le 07/12/2021La vidéo est un extrait d'un long "débriefing" publié le 30 novembre sur le site de France Soir, qui a relayé plusieurs affirmations infondées ayant fait l'objet d'articles de vérifications de l'AFP (comme ici) et d'autres médias (1, 2, 3) depuis le début de la pandémie, en partenariat avec l'association Bon Sens, qui comptait parmi ses membres fondateurs Silvano Trotta et la députée Martine Wonner (1, 2), dont plusieurs affirmations ont déjà été épinglées par l'AFP.Un document daté d'octobre "Ca concerne, tenez vous bien, une extension de la durée de conservation (...) du vaccin Comirnaty, c'est le Pfizer. Quand vous allez plus bas dans le texte (...) il existe aujourd'hui dans nos stocks, ici en Guadeloupe, des vaccins périmés", affirme Me Ellen Bessis, qui renvoie vers des lignes du document dans lesquelles on peut effectivement lire des numéros de lots de vaccins, avec des "dates de péremption initiales" et des "nouvelles dates de péremption", fixées trois mois plus tard. Capture d'écran de la vidéo Facebook, prise le 07/12/2021En regardant de plus près le document, on peut cependant remarquer qu'il est daté du 6 octobre 2021, et non de fin novembre comme le sous-entend la vidéo. Capture d'écran de la vidéo Facebook, prise le 07/12/2021Sollicitée par l'AFP au sujet de cette lettre, Santé publique France confirme avoir, en octobre, adressé un courrier "à tous les établissements de France qui disposent des moyens de conservation du vaccin". L'agence de santé publique explique aussi ce dernier faisait alors "suite à un avis de l'Agence européenne des médicaments (EMA)".Des recommandations identiques dans toute la France"L'Agence européenne du médicament, qui est l'agence indépendante qui délivre sur la base d'études scientifiques les autorisations des vaccins et encadre les modalités de leur utilisation, a validé le 13 septembre 2021 le prolongement de la durée de conservation des flacons du vaccin Pfizer-BioNTech Comirnaty d'une durée de trois mois, si ceux-ci avaient été conservés à une température comprise entre – 60°C et – 90°C à l'abri de la lumière", détaille ainsi l'agence de Santé publique française auprès de l'AFP le 6 décembre."La durée de conservation initiale de ces flacons à ces températures était auparavant de 6 mois. Ce prolongement du délai de péremption à 9 mois s'applique à l'ensemble des pays européens et donc pour la France entière. Il ne s'agit en aucun cas d'une décision qui ne concernerait que la Guadeloupe", abonde encore SPF.Enna Hamot, qui est médecin généraliste à Pointe-à-Pitre, et référente d'un centre de vaccination géré par l'URPS, confirme: "nous avons reçu cette note pour dire que les dates de certains lots étaient prolongées, mais ce n'était pas adressé uniquement à la Guadeloupe"."Ce qui est dit dans la vidéo n'a pas de fondement, ou du moins fait clairement suite à une incompréhension des protagonistes. Les mesures prises sont nationales et ne concernent en aucun cas uniquement la Guadeloupe", résume aussi la pédiatre Frédérique Dulorme, présidente de l'union régionale des médecins libéraux (URPS) de Guadeloupe. 9 mois de conservation à très basse températureEn effet, en consultant la fiche d'informations sur le vaccin disponible sur site de l'EMA (à gauche ci-dessous), on retrouve ces mêmes informations concernant la durée de conservation du vaccin. Cette modification apparaît aussi dans le document de l'EMA recensant toutes les mises à jour au sujet de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) donnée au vaccin Comirnaty.L'encyclopédie des médicaments Vidal indique également, dans sa version en ligne (image à droite), que le vaccin de Pfizer-BioNTech peut être conservé "9 mois en cas de conservation entre -90 °C et -60 °C". La fiche de produit du vaccin Comirnaty, capture d'écran prise sur le site de l'EMA le 06/12/2021 Capture d'écran du site du Vidal, prise le 07/12/2021 Sur le site d'informations sur les vaccins "Mes Vaccins.net", on retrouve aussi, sur la page dédiée au vaccin Comirnaty, mention de cette modification de recommandation de durée de conservation. Capture d'écran du site "Mes Vaccins", prise le 06/12/2021La note de prolongation concerne "les lots dont les numéros étaient précisés", et uniquement les vaccins pas encore décongelés, souligne aussi Enna Hamot, la référente du centre de vaccination de l'URPS.Des augmentations de durée de conservation "très fréquentes" dans le cadre d'AMMLa décision de repousser une date de péremption "relève par ailleurs de processus courants dans la gestion des autorisations de mise sur le marché au niveau européen", indique SPF.Le 21 décembre 2020, le vaccin de Pfizer-BioNTech a reçu une première autorisation de mise sur le marché européen, comme indiqué dans sa fiche disponible sur le site de l'EMA.Cette AMM, dite conditionnelle, "permet l'autorisation de médicaments qui répondent à un besoin médical non satisfait avant que des données à long terme sur l'efficacité et la sécurité ne soient disponibles", indique le site de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).Cette AMM conditionnelle demande ainsi aux développeurs du vaccin de soumettre des données supplémentaires, provenant d'études nouvelles ou en cours, après le feu vert des autorités, contrairement à une AMM classique où la totalité des données doit être préalablement soumise.Dans le cadre de cette procédure d'urgence, qui a permis d'accélérer considérablement la mise à disposition des vaccins contre le Covid, l'EMA a accordé des autorisations pour un an, renouvelables. Le processus d'évaluation des vaccins, capture d'écran du site de l'ANSM prise le 07/12/2021"Les demandes d'augmentation de durée de conservation après obtention d'AMM sont très fréquentes que ce soit pour les médicaments chimiques que biologiques. Au fur et à mesure, les études de stabilité se poursuivent et ensuite, les durées de conservation sont augmentées sur la base d'un dossier de modification d'autorisation de mise sur le marché que soumet le laboratoire à l'ANSM ou à l'agence européenne du médicament selon l'AMM initiale", détaille ainsi l'ANSM à l'AFP le 6 décembre."En particulier pour les médicaments biologiques [dont font partie les vaccins, ndlr], la demande de modification de la durée de conservation est quasiment systématique après une demande d'AMM, car le laboratoire continue les études de stabilité même après avoir obtenu son AMM, et peut donc justifier d'une conservation plus longue que lors de sa demande d'AMM", ajoute encore l'agence.Tania Foucan, vice-présidente de la Commission médicale d'établissement (CME) du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, confirme : "on reçoit régulièrement ces alertes sanitaires, des documents officiels qui peuvent signaler des changements de dates de péremption de certains médicaments".Elle ajoute aussi avoir "vu passer" la note envoyée en octobre par Santé Publique France au sujet des vaccins Comirnaty présentée dans la vidéo."Ce changement de durée de conservation s'applique à tous les lots fabriqués conformément au dossier d'AMM mis à jour. Cela peut donc s'appliquer rétroactivement à certains lots déjà mis sur le marché, dont les numéros de lots sont listés dans le courrier envoyé par SPF dans le cas présent", ajoute l'ANSM."Cette mesure étant rétroactive, les flacons concernés peuvent ainsi porter une contre-étiquette indiquant la nouvelle date de péremption prolongée. La qualité et la sûreté des vaccins reste la même", assure aussi Santé Publique France. Le centre de vaccination de Pointe-a-Pitre, le 4 août 2021 ( AFP / Cedrick Isham CALVADOS)Des "horribles mensonges" selon l'ARS L'Agence Régionale de Santé (ARS) de Guadeloupe dément également l'idée que des vaccins périmés puissent être injectés à la population, faisant valoir qu'il s'agit "d'horribles mensonges", fondés sur des "fausses informations qui circulaient déjà il y a plusieurs mois"."Au début de la campagne de vaccination, on entendait déjà que les Guadeloupéens ne voulaient pas se faire vacciner parce que les vaccins étaient périmés", déplore l'ARS auprès de l'AFP le 6 décembre 2021."Jamais les autorités sanitaires ne donneraient ces consignes, et jamais le personnel soignant ne laisserait faire ça", atteste-t-elle. "De toute façon, dans notre CHU comme ailleurs, quand on a un médicament dont la date de péremption est dépassée, le personnel soignant ne le donne pas", ajoute la Dr. Tania Foucan du CHU de Pointe-à-Pitre.La situation en GuadeloupeDepuis le début de la pandémie, la Guadeloupe a particulièrement été touchée par la circulation d'informations infondées liées au Covid-19, comme le détaillait déjà cet article de l'AFP Factuel fin novembre.Dans la même vidéo, Ellen Bessis affirme ainsi aussi que les soignants du CHU de Guadeloupe ont eu pour "ordre" de ne pas comptabiliser les patients vaccinés admis pour Covid, pour faire croire à la population à une plus grande proportion de non-vaccinés hospitalisés. Cette information a été démentie par l'ARS et la vice-présidente de la Commission médicale d'établissement du CHU. "De nombreuses inexactitudes circulent : la situation est complètement gangrénée par ces fausses informations", regrette Frédérique Dulorme, la présidente de l'URPS de Guadeloupe auprès de l'AFP le 7 décembre. "C'est très important pour nous, soignants, de contrer ces fake news", conclut-elle.Selon les dernières données de Santé Publique France, au 30 novembre, environ 36% des Guadeloupéens avaient reçu une dose de vaccin, contre 77,4% en moyenne en France, et 33,7% d'entre eux étaient complètement vaccinés, contre 75,8% de la population totale du pays.La Guadeloupe, mais aussi la Martinique et Saint-Martin, connaissent en outre ces dernières semaines un fort mouvement social, né du refus de l'obligation vaccinale pour soignants et pompiers et qui s'est étendue à des revendications politiques et sociales, notamment contre la vie chère, occasionnant violences, pillages et incendies.
(fr)
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