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Des publications basées sur les propos d'une neurologue allemande, partagées des milliers de fois sur Facebook en plusieurs langues depuis début octobre, affirment que le port du masque de protection provoque des "dommages neurologiques irréversibles" par privation d'oxygène. Faux, selon plusieurs experts interrogés par l'AFP, qui rappellent que les masques laissent passer l'air."Une neurologue allemande met en garde contre le port du masque : 'La privation d’oxygène provoque des dommages neurologiques irréversibles'", peut-on lire dans un article du 11 octobre en français, partagé des centaines de fois sur Facebook. (capture d'écran réalisée sur Cogiito le 27 octobre)On retrouve une publication identique le 8 octobre en français ici.Ces deux articles s'appuient sur une vidéo d'une vingtaine de minutes, tournée par la neurologue allemande Margareta Griesz-Brisson et disponible sur Youtube ici.La vidéo a été partagée plus de 30.000 fois sur Facebook en allemand. Elle a déjà fait l'objet d'un article de vérification par l'équipe d'AFP Factuel à Berlin.Des extraits de cette vidéo ont toutefois été traduits en anglais et en français puis partagés dans des publications Facebook, comme ici et là par exemple. (capture d'écran réalisée sur Facebook le 18 octobre 2020)Dans sa vidéo, Margareta Griesz-Brisson critique les mesures prises par les autorités allemandes pour freiner la propagation du Covid-19. Elle affirme que le port du masque provoque un manque d'oxygène et qu'ils empoisonnent les utilisateurs par inhalation de dioxyde de carbone.Elle dit également que les cellules du cerveau sont susceptibles d'être détruites à jamais à cause d'un manque d'apport en oxygène.Qui est Margareta Griesz-Brisson ?Dans la vidéo, elle se présente comme une neurologue travaillant entre son cabinet à Londres et l'Allemagne.Sur la page d'accueil du site de son cabinet à Londres, il est écrit que Mme Griesz-Brisson possède un doctorat délivré par l'université de Fribourg en Allemagne. Une thèse écrite par Margareta Griesz, datée de 1989, est effectivement disponible dans les archives numériques de l'université.Dans cette vidéo de 2017, diffusée sur la plateforme Vimeo, elle évoque son attrait pour la médecine douce. Dans celle-ci, publiée sur Bitchute le 5 octobre 2020, elle se propose d'écrire des certificats d'exemption de port du masque à ceux qui le souhaitent.Nous n'avons pas retrouvé de publications scientifiques de Mme Griez-Brisson sur les plateformes Google Scholar ou PubMed.Les masques provoquent-ils un manque d'oxygène ? "La réinhalation de l'air que nous respirons va incontestablement générer un déficit en oxygène et une saturation en dioxyde de carbone", affirme la neurologue.L'idée d'une hypoxie induite par les masques est très répandue dans les publications anti-masques. Le masque ne provoque pas d’insuffisance en oxygène, ont pourtant expliqué de nombreux médecins à l'AFP.Car "le masque n’est pas un circuit clos, il laisse passer l’oxygène", a souligné le Pr Coppieters, médecin épidémiologiste et professeur de santé publique à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Une policière dans une rue de Munich (sud-est de l'Allemagne), le 22 octobre 2020 (Christof Stache / AFP)"Étant donné que la quantité d'air derrière le masque est très faible et qu'il est mélangé à de l'air frais chaque fois que vous inspirez, cela n'a aucun effet sur les niveaux d'oxygène et de dioxyde de carbone mesurés dans le corps", abonde Philipp Lepper, membre de la Société allemande de pneumologie et de médecine respiratoire (DGP) et médecin-chef de l'hôpital universitaire de la Sarre."Une molécule d'oxygène a une taille d'environ 260 picomètres. La taille des pores des masques chirurgicaux est d'environ 100 000 à 1 000 000 fois plus grande qu'une molécule d'oxygène", a-t-il déclaré à l'AFP.Un masque chirurgical ne retient donc aucun des composants de l'air – ni l'oxygène, ni même le CO₂.Corollaire de l'infox concernant l'hypoxie, l'idée, erronée elle aussi, que l'on respirerait dangereusement notre propre CO₂ est également très populaire chez les anti-masques.Mais, comme souligné plus haut, le masque n'est pas hermétique et laisse circuler l'air : l'oxygène inspiré et le gaz carbonique expiré."Un masque n'est pas un circuit fermé. Presque tout l'air expiré s'échappe du masque donc vous ne respirez pas votre propre CO2", explique Shane Shapera, directeur du programme des maladies pulmonaires de l'hôpital public de Toronto (Canada).Il peut en revanche y avoir "une sensation d’inconfort qui provoque une impression d’étouffer, mais c’est psychologique. Mais dans le cas d’une personne en bonne santé, il n'empêche pas du tout d’effectuer des activités quotidiennes normalement", estime le Pr Coppieters.Sur son site, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) assure : "l'utilisation prolongée de masques médicaux peut être inconfortable. Cependant, cela n'entraîne pas d'intoxication au CO₂ ni de carence en oxygène".Dangereux pour les neurones ? "Nous savons que le cerveau humain est très sensible à la privation d'oxygène. Il y a des cellules nerveuses, par exemple dans l'hippocampe, qui ne peuvent pas rester plus de trois minutes sans oxygène – elles ne peuvent pas survivre", explique Mme Griesz-Brisson dans sa vidéo.Selon Peter Berlit, secrétaire général de la Société allemande de neurologie, il est vrai qu’il existe des cellules nerveuses qui ne survivraient pas plus de trois minutes sans oxygène.Cependant, comme expliqué ci-dessus, cela ne peut pas être la conséquence du port d'un masque, car il ne provoque pas de manque oxygène.Selon Mme Griesz-Brisson, "les symptômes d'alerte (de l'hypoxie) sont les maux de tête, la somnolence, les vertiges, les problèmes de concentration, le ralentissement du temps de réaction – qui sont des réactions du système cognitif".Mais selon Peter Berlit, ces symptômes ne peuvent pas être causés par le port du masque chirurgical ou en tissu. "Ces symptômes peuvent survenir lors d'une réinhalation à long terme de CO₂, par exemple en respirant dans un sac en plastique hermétique", explique-t-il.Contacté par mail le 14 octobre 2020, Mme Griesz-Brisson n'a pas répondu aux questions de l'AFP sur sa vidéo, mais a appelé à respecter son travail et son expérience de neurologue. Lors de ces échanges, elle a réitéré ces critiques sur l'obligation de port du masque en Allemagne.
(fr)
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