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Des publications, partagées plusieurs milliers de fois sur Facebook, affirment que les "Nations unies" ont admis l'existence des chemtrails, du nom d'une théorie selon laquelle certains avions lâcheraient à dessein derrière eux des trainées de produits chimiques pour empoisonner la population. Ils s'appuient sur la vidéo d'un discours lors d'une conférence organisée par l'ONU. Mais la personne qui s'exprime ne représente pas les Nations unies, ne parle pas de "chemtrails", et ne fait que dénoncer les risques qu'elle associe à des projets de géo-ingéniérie sur l'agriculture. "Les Nations Unies dévoilent les chemtrails : la preuve irréfutable que nous sommes empoisonnés" affirme l'auteur de l'une de ces publications, précisant : "c’est reconnu officiellement. [nota : Il existe différents types de trainées, celles classiques dues à la différence de température entre les gaz à la sortie des réacteurs et l’air ambiant qui créent de la condensation et celles qui sont créées par l’épandage de produits chimiques toxiques" Capture d'écran du site Profession Gendarme, prise le 13 avril 2021Pour appuyer ce propos, ces publications diffusent des photos de trainées derrière des avions de ligne, mais aussi une vidéo, censée démontrer leur objectif de nuire. Capture d'écran du site Profession Gendarme, prise le 13 avril 2021Premier problème, il n'est pas spécifié que cette vidéo ne peut pas dévoiler une prise de position récente de la part de l'ONU, puisqu'elle a été prise le 6 septembre 2007, date à laquelle une conférence sur le changement climatique a été organisée par l'ONU, dans laquelle est intervenue Rosalind Peterson. Deuxième point important, cette dernière ne travaillait pas pour les Nations unies. Rosalind Peterson était une experte en règlement de sinistres agricoles, et la fondatrice d'une association de défense de l'Agriculture. Elle ne s'exprimait pas au nom des Nations unies. Quoi qu'elle puisse dire dans cette vidéo, cela n'a donc rien à voir avec quelque chose de "dévoilé" par l'ONU, comme le prétendent les publications qui nous intéressent aujourd'hui. Enfin, dans son intervention, elle ne dit pas à un seul moment que des avions de ligne largueraient des produits chimiques destinés à empoisonner la population. Elle fustige des projets de géo-ingénierie, qui, selon elle, en voulant lutter contre le réchauffement climatique en larguant des composés chimiques dans l'atmosphère, finiraient par polluer les sols. Cette controverse existe toujours aujourd'hui, notamment autour d'un projet de ballon pour étudier la dispersion de particules dans la stratosphère dans le but de contrôler le rayonnement solaire, et dont nous vous parlions dans cet article en janvier 2021. Elle s'en prend également aux composés chimiques lancés par la Nasa dans la haute atmosphère ou la ionosphère, pour traquer par exemple des vents atmosphériques. L'agence américaine s'est par ailleurs toujours défendue de larguer des composés en quantité suffisante pour causer des dommages aux populations au sol (voir ici et ici). Si elle évoque bien des trainées persistantes de condensation derrière des avions de ligne, ce qu'elle appelle des "nuages fabriqués par l'Homme", elle ne se prononce pas sur leur composition. Mieux, Rosalind Peterson a même déclaré lors d'une interview en 2012, en réponse à l'interpellation d'un auditeur, qu'elle n'avait pas de "preuve vérifiable selon laquelle les avions de ligne larguent autre chose que du carburant". Dans son intervention lors de la réunion organisée par les Nations unies, elle déplore l'impact de trainées persistantes sur le réchauffement climatique, et par ricochet sur l'agriculture (soit directement, soit parce qu'elle considère que l'être humain va devoir avoir recours à des particules dangereuses pour lutter contre ce réchauffement).Le fait que les trainées de condensation persistantes puissent jouer un rôle dans le réchauffement climatique est une préoccupation partagée sur le fond par des scientifiques. Mais ce n'est pas parce qu'une trainée persiste derrière un avion que l'on peut en tirer des conclusions sur sa composition, comme l'ont déjà expliqué plusieurs experts à l'AFP. "Quand on voit des traînées blanches, il s'agit de condensation, des gouttelettes d'eau liquide" dont la durée et la taille dépendent "des conditions très locales de température et de pression", a expliqué auprès de l'AFP le 24 mars la directrice de l'observatoire physique du globe de Clermont-Ferrand, Nathalie Huret."À un degré près, on peut avoir condensation d'une gouttelette ou pas", a-t-elle précisé."Dans les hautes couches atmosphériques, la variabilité des conditions de température est beaucoup plus lente car elle dépend des phénomènes météorologiques à grande échelle", a poursuivi la professeure des universités en physique et chimie de l'atmosphère, prenant l'exemple d'un "système dépressionnaire" [caractérisé par une pression atmosphérique plus basse, NDLR] : "pendant relativement longtemps et sur une grande distance vous auriez les conditions favorables à ce qu'il y ait condensation de la vapeur d'eau"."Si la traînée dure longtemps, ça veut dire que cette condensation est piégée dans un niveau de l'atmosphère où l'humidité est plus forte" dans une zone de "stabilité atmosphérique", a abondé Jean-Christophe Canonici, directeur-adjoint du SAFIRE (entité de recherche atmosphérique rassemblant le CNRS, Météo-France et le CNES), interrogé par l'AFP le 23 mars. Au contraire, "si elle disparaît très vite, c'est que l'avion est dans une zone sèche" où les masses d'air circulent et dispersent la vapeur d'eau, a-t-il précisé.
(fr)
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