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Une publication Facebook virale de 2017, à nouveau très partagée début octobre 2020, affirme, photos à l’appui, que "le roi Kabambe, plus vieux et plus grand gorille" de République démocratique du Congo "a été sauvagement abattu par des braconniers rwandais". C’est faux: ces photos montrent un gorille nommé Senkwekwe, tué en 2007, ont assuré à l’AFP l’auteur des photos et un porte-parole du parc national dans lequel se sont déroulés les faits. Et l'implication de "braconniers rawandais" n'est pas prouvée."Le roi KABAMBE, le plus vieux et plus grand gorille de notre République, a été sauvagement abattu par des braconniers rwandais qui insécurisent toute la partie Est de notre pays" (sic), annonce l’auteur d’une publication partagée 2.200 fois depuis sa diffusion le 30 septembre 2017. L’auteur se livre ensuite à un discours anti-Rwandais. "L'insécurité a atteint un niveau insupportable et ces acolytes de Kagame (le président du Rwanda, ndlr) n'épargnent personne et s'attaquent à anéantir tout celui qui est congolais et tout ce qui est du Congo" (sic), écrit-il notamment.Le ton devient ensuite clairement hostile, appelant notamment à "la vengeance pour cet acte et pour tous les autres meurtres orchestrés sur notre sol". Ce texte est accompagné de trois photos: deux montrent un gorille mort entouré et porté par un groupe d’hommes, et une autre un gorille avec un petit sur son dos. Capture d’écran prise le 02 octobre 2020.Depuis le 1er octobre, cette publication accusatoire de 2017 est de nouveau abondamment partagée sur Facebook. Capture d’écran CrowdTangle réalisée le 02 octobre 2020Elle a refait surface au moment où le prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege, a dénoncé l’impunité autour des tueries et viols perpétrés depuis près de 30 ans dans l'Est de la RDC, à l'occasion du 10e anniversaire d'un rapport-choc de l’Onu resté lettre morte.Cette prise de position du docteur Mukwege a fait grand bruit en RDC.Ce rapport, connu sous le nom de rapport mapping, revient sur les deux guerres du Congo (1998-2003), durant lesquelles ont été recensés au moins 617 "événements", des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, commis par des armées et groupes armés, congolais comme étrangers de pays voisins (Rwanda, Ouganda…). Ce rapport a toujours été rejeté par les autorités rwandaises. Deux photos d’un gorille tué en 2007, et non 2017Une recherche d’image inversée sur Google Images permet de retrouver les deux clichés du gorille mort sur le site internet du magazine américain Time. Ils font partie d’une série de 17 photos intitulée "Gorilla in Congo" réalisée en 2007 par le photographe Brent Stirton. Capture d’écran réalisée le 02 octobre 2020Ces images figurent également sur le compte Instagram de Brent Stirton.Contacté par l’AFP le 2 octobre, ce dernier a confirmé en être l’auteur et les avoir prises en 2007 dans le parc national des Virunga, située dans l’est de la République démocratique du Congo.Plus ancienne réserve naturelle d'Afrique inaugurée en 1925, le parc des Virunga est un sanctuaire de gorilles de montagnes, qui abrite aussi une petite population de gorilles des plaines menacée d'extinction.Le parc s’étend sur 7.800 km2 dans la province troublée du Nord-Kivu, à la frontière avec le Rwanda et l'Ouganda.Une troisième photo de gorille libre de droits Une recherche d’image inversée avec la troisième photo, celle présentant un bébé gorille sur le dos d’un adulte, révèle qu’elle est en réalité une photo de stock, libre de droits, que l’on retrouve sur le site istockphoto.com.Selon la légende, elle a été prise dans le parc national Kahuzi Biega, dans la province du Sud-Kivu, par le photographe Guenter Guni. Capture d’écran du site istockphoto.com, réalisée le 7 octobre 2020.Le gorille tué ne s’appelait pas Kabambe Contacté par l’AFP le 2 octobre, le parc des Virunga, qui dépend de l’Institut Congolais pour la Conservation de la nature, a mis en garde contre les affirmations de ces publications."Le drame a eu lieu en mai 2007 au parc des Virunga", a confirmé Joël Wengamulay, directeur des relations extérieures du parc national des Virunga, en évoquant le gorille mort présent sur les deux premières photos.Ce gorille ne s’appelait pas "le roi Kabambe", ni "Mufalme", comme le prétend la publication."Il s’agit de Senkwekwe, c’était le plus âgé", a-t-il indiqué, précisant qu’"aucun autre gorille n’a été tué au parc après cet incident de 2007"."A (sa) connaissance", il n’y a eu aucun gorille nommé Kabambe dans le parc.Actuellement, "les plus vieux gorilles s’appellent Mapuwa et Kabirizi. Ils ont autour de 40 ans", a-t-il ajouté. Rien ne prouve l’implication de braconniers rwandais Ni le porte-parole du parc des Virunga, ni Brent Stirton n’ont par ailleurs évoqué l’implication de braconniers rwandais."Les enquêtes n'ont pas déterminé les auteurs de ce crime", a déclaré Joël Wengamulay.Dans ses réponses à l’AFP, Brent Stirton a, lui, affirmé que "les gorilles ont été tués par des membres d'un groupe de charbonniers basé à Goma (ville de l’est de la RDC, ndlr), qui utilisaient illégalement les Virunga pour s'approvisionner en bois dur dans des zones où vivaient les chimpanzés et les gorilles". "Les gorilles ont été tués pour intimider les gardes (les "rangers" du parc, ndlr) qui essayaient de les en empêcher. Un des directeurs du parc et des rangers étaient impliqués", affirme-t-il.L’AFP n’a pas pu confirmer ces accusations auprès de sources officielles en RDC.Le parc des Virunga est le repaire de dizaines de groupes armés actifs dans la région depuis près de 30 ans et qui se livrent à toutes sortes de trafics. Le 24 avril, 17 personnes, dont 12 rangers du parc national des Virunga, ont été tuées dans une embuscade près du quartier général du parc.La direction du parc national des Virunga avait alors accusé "le groupe armé FDLR-FOCA" d'être "l'auteur de cette tuerie".Les FDLR sont un groupe de rebelles hutu rwandais réfugiés en RDC, dont certains fondateurs au début des années 2000 ont participé au génocide en 1994 au Rwanda. Leur chef Sylvestre Mudacumura a été tué dans le Nord-Kivu en septembre 2019.Dans un communiqué publié trois jours plus tard, les FDLR avaient nié toute responsabilité dans cette embuscade, en accusant le régime de Kigali.
(fr)
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