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Un changement du cycle menstruel indiquerait une infidélité, selon plusieurs publications Facebook virales en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale. Attention: selon les spécialistes consultés par l'AFP, les relations sexuelles, quelles qu'elles soient, ne peuvent bouleverser physiologiquement le cycle menstruel. Ce dernier peut être perturbé par une variété de facteurs, comme le stress, souvent de manière bénigne. La désinformation au sujet de la santé reproductive peut en revanche avoir de graves conséquences sur la vie des personnes qui y sont exposées."Si son cycle menstruel change, c’est parce qu’elle a couché avec quelqu’un d’autre", assurent plusieurs publications sur Facebook. "Sinon les règles des femmes ne changent jamais", poursuivent-elles. Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 26 avril 2022A l'image de ces publications, partagées plus de 680 fois depuis le 19 avril sur Facebook (1, 2, 3...) par des pages dédiées au divertissement et à la santé, de nombreuses autres infox traitant de la santé reproductive ont circulé ces derniers temps sur les réseaux sociaux. L'AFP en a vérifié plusieurs (ici ou ici par exemple). Or selon plusieurs spécialistes interrogés par l'AFP, le fait d'avoir ou non des relations sexuelles n'a pas d'impact physiologique sur le cycle menstruel."Mensonge""Aucune relation adultère, relation sexuelle consentie ou pas consentie, adultérine ou légale, ne peut avoir un impact sur le cycle menstruel", physiologiquement, a déclaré le 26 avril à l'AFP Dr. Abdoulaye Diop, gynécologue-obstétricien et secrétaire général de l’Association sénégalaise de gynécologie-obstétrique. L'affirmation relayée par ces messages viraux est purement et simplement un "mensonge", abonde Dr Nasrine Callet, gynécologue à à l'Institut Curie-Hôpital René Huguenin à Saint-Cloud en banlieue de Paris, consultée par l'AFP le 26 avril."La relation sexuelle ne peut pas changer le cycle", confirme-t-elle. Qu'il soit "menstruel ou ovulatoire, [ce dernier] est sous la dépendance des sécrétions hormonales qui viennent de l'hypophyse [une glande du cerveau] (...), ça n'a rien à voir avec la fidélité", poursuit cette spécialiste.Par ailleurs, "c'est tout à fait normal d'avoir une perturbation du cycle menstruel; toute personne, toute femme dans sa vie aura au moins une fois une perturbation de son cycle menstruel sans que cela ne soit pathologique", reprend Dr Abdoulaye Diop. Causes multiplesLes causes de ces changements peuvent être multiples: dans la vie d'une personne, le premier de ces changements est la puberté, souligne le gynécologue, ainsi que la ménopause ou la pré-ménopause.Le stress est quant à lui "la première cause de modification du cycle menstruel" à travers la vie; il peut le rallonger ou bien le réduire, selon Dr Abdoulaye Diop. Les chocs émotionnels peuvent en effet causer des perturbations, abonde Dr. Nasrine Callet, tout comme les changements d'environnement, de fuseau horaire, par exemple, ou de climat."Comme le cerveau dirige les ovaires et sécrète les hormones, tout ce qui est traumatisme psychologique peut perturber le cycle" - un viol peut par exemple causer une telle perturbation, mais c'est alors le stress engendré par cet acte violent qui cause le dérèglement et pas le rapport en lui-même, précise cette spécialiste.Les traitements médicaux peuvent également changer le cycle, en le régularisant, comme la pilule contraceptive, ou en cas de prise de médicaments qui le bloquent - comme les "traitements anti-cancéreux", souligne la gynécologue. Des pilules contraceptives de troisième génération le 2 janvier 2013 à Lille, dans le nord de la France ( AFP / PHILIPPE HUGUEN)Plus récemment, des témoignages sur les réseaux sociaux ont alerté au sujet de changements de cycle juste après avoir reçu un vaccin contre le Covid-19.Une étude parue en janvier 2022 dans la revue américaine Obstetrics & Gynecology est venue apaiser ces inquiétudes: le cycle menstruel est rallongé de moins d'une journée en moyenne après ce type de vaccin, un effet non grave et qui apparaît comme temporaire, selon ces recherches.Elle a permis aussi de pouvoir opposer des données claires et solides -- les premières sur la question -- aux peurs et fausses affirmations qui ont pu circuler sur les réseaux sociaux.D'autres hypothèses de facteurs exogènes sont également étudiées actuellement, notamment l'exposition aux gaz lacrymogènes dont l'un des composants irritants pourrait perturber l'organisme, comme l'explique cet article de Numerama.Que faire alors si vous remarquez des changements dans votre cycle? "Aller voir un professionnel de santé", répond Dr Abdoulaye Diop: "votre sage-femme ou même un médecin généraliste, qui va vous examiner et va vous faire une échographie, va vous demander un bilan sanguin, un bilan hormonal, et pourra rapidement connaître la cause de la perturbation du cycle menstruel" et "proposer un traitement médical adéquat". Les deux médecins interrogés par l'AFP appellent en tout cas à ne pas s'alarmer. "En gynécologie, on dit que le cycle est régulier entre 25 et 45 jours", rappelle Dr. Nasrine Callet.Elle conseille de consulter "quand les règles n'arrivent pas plusieurs mois de suite" ou quand au contraire elles arrivent "plusieurs fois dans le mois". Souvent, ces perturbations peuvent être hormonales et bénignes, conclut-elle, même si le Dr. Abdoulaye Diop rappelle également qu'elles peuvent être, plus rarement, symptômes de pathologies "plus graves". Des biens de première nécessité, dont des protections périodiques, sont empaquetés pour un envoi à destination des réfugiés ukrainiens en Pologne, au White Eagle Club, un centre social polonais, à Balham, dans le sud de Londres (Royaume-Uni), le 2 mai 2022. ( AFP / JUSTIN TALLIS)"Désinformation menstruelle"Ces rappels permettent de lutter contre la multiplication des infox liées à la santé reproductive dans certains médias et sur les réseaux sociaux. Il existe en effet une forme de "désinformation menstruelle" sur ces plateformes, comme le souligne cet article du média Coda - des publications sur Instagram affirmant par exemple qu’il est possible de "réguler ou prévoir son cycle menstruel en fonction de son signe astrologique", d’autres sur Facebook expliquant que l’utérus double presque de volume pendant les règles.Ces fausses informations peuvent avoir des conséquences "dévastatrices" sur les filles et les jeunes femmes, comme le soulignait en 2021 une étude de l'Organisation non gouvernementale (ONG) Plan International menée dans 33 pays: selon cette enquête, 87% des personnes interrogées subissent des "répercussions négatives" liée à la désinformation. Les personnes issues de minorités (ethniques, religieuses, sexuelles ou de genre) parmi cette population étaient encore "davantage susceptibles d'être très ou extrêmement préoccupées" que les autres par ces phénomènes en ligne. "Les filles et les femmes sont souvent très dépendantes à l’égard des informations disponibles en ligne sur certains sujets – par exemple, le sexe et la sexualité, les questions liées à la santé, les droits des filles et le féminisme – dont elles ne peuvent pas nécessairement discuter librement à la maison ou à l’école", rappelle ce rapport."De ce fait, la présence de fausses informations est d’autant plus problématique", poursuivent ses auteurs, car "le fait d’avoir à se repérer au sein d’une multitude de contre-vérités, de demi-vérités et de préjugés les empêche de jouir de leur droit à acquérir les connaissances et les compétences qui les aideraient à remettre en cause les attentes imposées aux filles et aux jeunes femmes au fil des siècles". Le continent africain n'est pas épargné par ce phénomène. "Il existe un réservoir sans fond de mésinformation et de désinformation dangereuses visant les femmes sur Facebook et Instagram en Afrique, qui sape les informations crédibles au sujet de la santé reproductive et de la sexualité", a en effet déclaré le 27 avril à l'AFP Kristina Wilfore, co-fondatrice de #ShePersisted, une initiative mondiale pour lutter contre les infox liées aux questions de genre.
(fr)
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