?:reviewBody
|
-
"Songez qu’aujourd’hui à Sciences Po, une copie qui n’est pas rendue en langue inclusive est pénalisée": cette phrase de la députée Annie Genevard a provoqué de fortes réactions sur les réseaux sociaux, Twitter en particulier. L’institut politique parisien a démenti cette information, et les syndicats étudiants interrogés le 19 février par l’AFP n’ont pas connaissance d’une telle pratique. La vice-présidente de l’Assemblée nationale reprenait une affirmation de son collègue François Jolivet, qui a appelé avec une soixantaine de députés à "interdire l'écriture inclusive dans les documents administratifs".La phrase a été prononcée lors d’une intervention dans l’émission "Les Grandes Gueules" sur RMC. Annie Genevard, députée LR du Doubs et vice-présidente de l’Assemblée nationale, a cosigné une proposition de loi de son confrère de l’Indre François Jolivet (LREM), soutenue par une soixantaines d’élus issus de la majorité et de l’opposition LR principalement (lire la dépêche AFP sur ce sujet)."Il y a là un militantisme qui ne veut pas réaliser à quel point il porte atteinte à ce qui devrait être le patrimoine commun de tous les Français", estime Mme Genevard au cours de l'entretien."C’est l’usage qui détermine les changements et pas la volonté militante qui doit imposer sa règle. Songez qu’aujourd’hui à Sciences Po, une copie qui n’est pas rendue en langue inclusive est pénalisée", assure-t-elle. Capture d'écran Twitter prise le 19/02/2021Le tweet de l’émission a déclenché une centaine de commentaires, à la fois outrés et en défense de Sciences Po.Une affirmation non fondée, selon Sciences Po Paris."Sciences Po dément cette information. Il n'existe pas de consignes en ce sens", a déclaré une porte-parole de l'institution le 19 février, par email.Les syndicats étudiants de tous bords, interrogés le même jour, ont également été surpris par une telle affirmation."A notre connaissance, les copies rendues qui ne sont pas en écriture inclusive ne sont pas pénalisées. Selon les informations en notre possession, les enseignants et étudiants sont libres d'employer l'écriture inclusive, nous notons cependant son usage répété dans les documents administratifs bien que l'UNI Sciences Po demande qu'elle ne soit ni utilisée ni promue", a expliqué à l’AFP Quentin Coton, responsable à Sciences Po du syndicat UNI (proche de LR). "Je peux vous confirmer que c’est une affirmation qui est complètement erronée. A aucun moment les professeurs n’ont la consigne ou ont pris l’initiative de pénaliser des devoirs qui ne seraient pas écrits en écriture inclusive", a dit de son côté Raphaël Zaouati, de NOVA, une organisation "100% Sciences Po, indépendante et transpartisane".Du côté de l’UNEF (gauche), Thomas Le Corre souligne qu’en tant que responsable syndical, il participe à des conseils où les participants discutent notamment de la façon de noter. "A aucun moment depuis deux ans (qu’il est élu, ndlr) il n’a été question de sanctionner des étudiants qui n'utiliseraient pas l’écriture inclusive", a-t-il assuré. Selon lui, il n’y a aucune obligation à l’utiliser, et certains professeurs y sont d’ailleurs hostiles, prêts à le considérer comme des fautes d’orthographes.A la suite de la polémique déclenchée par l'interview, les syndicats ont toutefois rapporté le cas d'un examen, confirmé le 2 mars par la direction de Sciences Po, dans lequel le professeur propose non une pénalité mais "un demi-point bonus" aux étudiants qui tenteront d'utiliser l'écriture inclusive. "Un cas isolé d'un enseignant ayant fait une expérimentation pédagogique", explique Sciences Po dans un courriel à l'AFP."Nous souhaitons rappeler que les modes d'expression utilisés doivent respecter l'équité entre les étudiants, en particulier pour les étudiants étrangers dont le français n'est pas la langue maternelle. Nous rappellerons dans le cadre de nos consignes générales que la présence ou l’absence d’écriture inclusive ne peut en aucun cas être un moyen de sanctionner une copie", est-il ajouté.Un débat relancé par une proposition de loiContactée le 19 février par l’AFP, l’entourage d’Annie Genevard explique qu’elle reprenait sur ce point les propos de François Jolivet. Invité de L’Heure des Pros sur Cnews le 18 février (à partir des 53 min sur cette vidéo), le député de l'Indre a déclaré: "Quand vous avez des élèves ou des étudiants qui vous disent qu'une copie qui n'est pas écrite en écriture inclusive n'est pas corrigée, ça c'est scandaleux". "Quand vous avez des écoles très célèbres qui forment les futurs dirigeants de l’Etat français qui exigent l’écriture inclusive dans des copies, Sciences Po pour ne pas citer (...), je ne comprends pas", poursuit-il.Contacté par l’AFP, François Jolivet a explicité ce propos: "Sur le site de Sciences Po Paris il y a des trucs en inclusif, il y a de la communication en écriture inclusive éditée par l’école. Je n’ai pas eu de témoignages de ce type, j’ai eu des témoignages en revanche d’autres Sciences Po en extérieur (d’Instituts d’Etudes Politiques autres que celui basé à Paris, ndlr), comme quoi il y avait des copies qu’il valait mieux faire en inclusif, en tous les cas lorsque le professeur pose une question en inclusif il fallait mieux répondre de la même manière".Il évoque également des universités "qui écrivent en inclusif et lorsqu’un étudiant, semble-t-il, ne répond pas en inclusif, il attend un peu plus longtemps la réponse que d’autres"."Alors peut-être que tout cela ne sont que des initiatives individuelles de gens qui reçoivent les courriers. En revanche, ça me paraît complètement inadmissible", a-t-il déclaré.Sciences Po a mis en oeuvre un "Guide pour une écriture inclusive destiné au personnel administratif", comme annoncé dans un communiqué de presse en 2017. Il s’agit, selon une porte-parole, de recommandations d'utilisation si jamais un salarié décidait d'utiliser l'écriture inclusive.François Jolivet a expliqué à l’AFP que son combat était motivé par un accès égalitaire à l’information diffusée par des institutions chargées de missions publiques, en particulier pour les personnes atteintes de troubles “DYS” comme la dyspraxie, la dysphasie ou la dyslexie, ou les malvoyants.Avec ce texte, à la portée surtout symbolique à ce stade, il veut surtout "alimenter le débat, sensibiliser et inciter les ministères à prendre des circulaires à l'instar d'Edouard Philippe en 2017", avait-il déjà indiqué à l'AFP mercredi, au moment de la publication de sa proposition.Dans une circulaire du 21 novembre 2017 sur "les règles de féminisation", l'ex-Premier ministre Edouard Philippe avait "invité" ses ministres, "en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel de la République française, à ne pas faire usage de l'écriture dite inclusive".Mise à jour du 2 mars 2021: ajoute l'existence d'un cas rapporté à la suite de la polémique
(fr)
|