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Selon plusieurs publications virales sur Facebook, le gynécologue congolais Denis Mukwege, sacré prix Nobel de la paix en 2018, serait officiellement candidat pour prendre la tête de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) dans son pays natal, la République démocratique du Congo (RDC). Mais aucune annonce en ce sens n'a été faite, et son équipe de communication ainsi que sa fondation démentent formellement toute candidature. "URGENT", alertent plusieurs publications qui circulent sur Facebook: "le Docteur Denis Mukwege réclame officiellement la présidence de la CENI [Commission électorale nationale indépendante]", institution politique stratégique chargée d'organiser les élections dans le pays. Capture d'écran d'une publication Facebook réalisée le 5 mai 2021Ces publications, partagées près de 300 fois depuis le 3 mai sur Facebook (1, 2, 3, 4, 5, 6) et sur Twitter (1, 2, 3), circulent alors que le processus de nomination d'un nouveau président de la commission, dont le précédent, très contesté, n'a jamais pris ses fonctions, est en cours.En RDC, la loi charge les huit confessions religieuses officiellement reconnues de désigner le président de la Commission électorale nationale indépendante, choix qui doit ensuite être entériné par l'Assemblée nationale, avant nomination officielle par le chef de l’Etat.Denis Mukwege ne s'est pas officiellement porté candidatPourtant, cette affirmation n'a aucun fondement: elle a été démentie par l'une des fondations qu'a fondée le gynécologue congolais, la fondation Panzi, et par l'équipe de communication de M. Mukwege. "Un message circule sur les réseaux sociaux invoquant la candidature du Dr Denis Mukwege à la présidence du CENI", constate la fondation dans son communiqué. Or "sa charge de travail auprès des malades" ne lui "permettra pas" d’assumer "cette haute responsabilité", ajoute-t-elle, tout en transmettant les remerciements du médecin à "tous ceux qui croient en lui".Denis Mukwege "restera un défenseur tenace des droits des Congolais", conclut le communiqué. Capture d'écran du site de la Fondation Panzi, réalisée le 5 mai 2021Une position confirmée par la chargée de communication du docteur Mukwege, Maud-Salomé Ekila : M. "Mukwege n'est pas candidat à la présidence de la Céni", a assuré cette dernière à l’AFP.Par ailleurs, le gynécologue congolais, pourtant très actif sur Twitter, n'a fait aucune annonce officielle d'une telle candidature. La Céni n'a pas non plus communiquéà ce sujet, que ce soit sur son site ou bien sur son compte Twitter. Sollicitée, la Céni n'a pas fait siute à la demande de l'AFP.La Céni, institution politique cléFin mars, les huit confessions religieuses ont lancé le processus de désignation du nouveau président de la Céni. L'abbé Donatien Nshole, porte-parole des représentants des religions, avait alors déclaré à l'AFP que les huit institutions avaient "tiré des leçons des erreurs du passé" et que "cette fois-ci, chaque confession religieuse présentera trois candidats et le choix se fera à l'unanimité". Mi-2020, le choix d'un successeur au président sortant Corneille Nangaa avait provoqué de graves tensions: la Conférence épiscopale (Cenco) et l’Eglise du Christ au Congo (ECC, principale fédération protestante) avaient mis leur veto à la désignation par les représentants des autres religions de Ronsard Malonda, cadre de la Céni sortante. La Céni a été accusée d'avoir "fabriqué" les résultats des scrutins présidentiel et législatifs de 2018, qui ont propulsé Félix Tshisekedi à la présidence congolaise mais donné le contrôle du Parlement aux partisans de son prédécesseur Joseph Kabila, empêché de se représenter.Mi-avril, M. Nangaa a demandé à l'Assemblée Nationale de nommer dès que possible les "nouveaux membres de la Céni qui vont s'atteler aux préparatifs de la tenue des élections prévues en 2023". Le président de la Céni de la RDC, Corneille Nangaa Yobeluo annonce les résultats provisoires de l'élection présidentielle congolaise à Kinshasa, le 10 janvier 2019 (AFP / Junior D. Kannah)Cet organe est sujet à de nombreuses critiques, notamment celles du Groupe d'étude sur le Congo (GEC), qui a publié courant janvier un rapport appelant à des réformes profondes de la Commission électorale en République démocratique du Congo. Dans ce même document, le GEC estimait irréalisable une dépolitisation de cette institution stratégique avant la présidentielle de 2023.Denis Mukwege, infatigable face aux violations des droits humainsLe célèbre gynécologue, surnommé "l'homme qui répare les femmes", est co-lauréat du prix Nobel de la Paix 2018 pour les soins qu'il apporte dans sa cliniques de Panzi près de Bukavu à des milliers de femmes victimes de violences sexuelles. Il dénonce sans relâche l'impunité des auteurs de tueries et de violences sexuelles dans l'Est de la RDC, déstabilisé par des conflits depuis 25 ans.Politiquement assez actif, Denis Mukwege est une figure de premier plan en RDC: récemment, il a par exemple joint sa voix à celles de dizaines d'ONG qui ont demandé au président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, d'agir contre l'impunité des auteurs présumés de crimes commis pendant les conflits qui déstabilisent le pays depuis près de 30 ans. Le prix Nobel de la paix congolais Denis Mukwege à la fin de sa conférence de presse à Tokyo le 3 octobre 2019 (AFP / Behrouz Mehri)Aux côtés de personnalités, de l'ONU et de plusieurs pays, il a également appelé mi-avril le Conseil de sécurité à sanctionner davantage les auteurs de violences sexuelles dans les conflits, qui se sont multipliées depuis un an notamment en Ethiopie, en Libye, en République démocratique du Congo et au Darfour.En janvier 2021, il avait également commémoré avec le président de la RDC le 60e anniversaire de l'assassinat du "héros" de l'indépendance Patrice Emery Lumumba, éphémère Premier ministre et éternelle icône de la décolonisation.
(fr)
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