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Des publications partagées des centaines de fois en Afrique de l’Ouest prétendent montrer un tweet de Florence Parly, la ministre française des Armées, annonçant que Paris a installé de nouvelles bases militaires dans le nord du Mali, "sur la terre de la république de l'azawad (sic)". Il s'agit d’un faux tweet. Le cabinet de la ministre des Armées dément avoir fait une telle annonce. “Voici là preuve, la France cherche partout moyens de diviser notre cher pays en deux : la République du Mali et la République azawad (sic)”, affirme un internaute en relayant la capture d’écran d’un tweet portant la date du 31 janvier 2022, attribué à la ministre française des Armées, Florence Parly. La publication est partagée sur Facebook depuis le 31 janvier (1,2,3) Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 4 février 2022Selon ce prétendu tweet, Florence Parly a participé à une réunion en Italie avec les groupements d’ex-rebelles maliens. A l’issue de cette rencontre, la France aurait décidé d'installer ses bases militaires sur “la terre de la république de l'azawad (sic)”. Vives tensions entre la France et le MaliLe tweet attribué à la ministre française des Armées est paru dans un contexte de vives tensions entre Paris et Bamako, aggravées par l’expulsion de l'ambassadeur de France au Mali le 31 janvier. Il est supposé avoir été publié le 31 janvier 2022 à midi. Cependant, sur le compte officiel de Florence Parly (@florence_parly), il n’y a aucune trace de ce tweet. "Ce tweet n'a jamais été publié sur le compte Twitter de la ministre des Armées, c'est un montage et un fake. Par ailleurs, la ministre n'a jamais eu de réunion en Italie avec les groupes mentionnés sur ce montage", a déclaré à l’AFP le cabinet de la ministre des Armées contacté le 3 février 2022."L’Azawad", une république ? Le prétendu tweet qualifie l’Azawad de “république”. Il n’en est rien. L'Azawad est le nom donné par les ex-groupes armés rebelles dans le nord du Mali à un vaste territoire dont ils ont réclamé l'indépendance par les armes en 2012. Un accord de paix a été signé en 2015 entre ces groupes et Bamako, entérinant l'unité du Mali. Sa mise en œuvre reste embryonnaire et sujet à tensions.Il y a bien eu une réunion à Rome, en Italie, début février, mais entre des chefs des groupes armés de l'ex-rébellion malienne et des représentants de la junte au pouvoir à Bamako. Un accord de principe, qui ne supplante pas l'accord de paix de 2015, a été signé dans la capitale italienne entre représentants des groupes armés et de l'Etat malien.Des groupes combattus par la FranceSelon ce tweet, la ministre aurait de plus rencontré les groupes jihadistes Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique), Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), Ansar dine. Une rencontre plus qu'improbable: ces groupes jihadistes sont combattus par la France. Les groupes Aqmi et Ansar dine, acteurs de la guerre en 2012, se sont regroupés en 2017 au sein du Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans (GSIM), nébuleuse sahélo-saharienne d'Al-Qaïda dirigée par Iyad Ag Ghali. Le GSIM opère dans le centre et le nord du Mali.Le Mujao, qui avait pris la ville de Gao en 2012 avant d'en être délogé, est par la suite devenu le groupe Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), après avoir prêté allégeance au groupe Etat islamique. Il opère dans la zone dite des trois frontières entre Mali, Faso et Niger. Son chef, Abou Walid Al Sahraoui, a été tué par la France en août, avait annoncé Florence Parly en septembre.Attention à la manipulation sur TwitterCe message présente de plus plusieurs erreurs. Par exemple, il compte plus de caractères (322) que la limite autorisée sur Twitter (280). Tweet attribué à Florence Parly sur les réseaux sociauxOn note aussi que la date du “31Jan” est écrite sans espace et le mot "Android" est mal orthographié dans "Twitter for Adroid". Comme expliqué dans un précédent fact-check, il faut toujours se méfier de la capture d'écran d'un simple tweet. Il est très facile de changer son nom de compte et sa photo de profil pour tromper une audience en usurpant l'identité d'une personnalité ou d'un média.Par conséquent, si vous voyez un tweet ou la capture d'écran d'un tweet, avant de partager, pensez toujours à vérifier si le tweet en question existe bien en tapant le texte dans la barre de recherche du réseau social.Analysez ensuite le compte à l'origine du tweet : Est-il certifié ? Quel est son pseudo et son nom de compte Twitter ? Quand a-t-il été créé ? Quels sont ses anciens tweets ? Dans le doute, évitez de partager !Deux semaines pour déciderLa France se bat au Mali depuis 2013. Elle y a perdu 53 soldats. Face à une junte hostile qui vient d'expulser son ambassadeur et a exigé le départ d'un contingent danois fraîchement déployé au Mali, Paris s'est donné deux semaines pour décider avec ses partenaires européens de l'avenir de leur présence militaire dans ce pays.Si l'option d'un départ est très sérieusement envisagée, la France conserve toutefois la ferme intention de continuer à lutter contre la propagation du jihadisme dans la région, alors que les violences se sont propagées au Burkina Faso et au Niger voisins, ainsi que dans le nord de la Côte d'Ivoire, du Bénin et du Ghana. Un impératif d'autant plus criant que le départ des troupes européennes risque de laisser au Mali un vide sécuritaire favorable aux groupes affiliés à Al-Qaïda et Etat islamique (EI), ainsi qu'aux mercenaires russes de Wagner qui, selon les Occidentaux et malgré les dénégations de Bamako, se déploient dans le pays depuis quelques semaines. Des soldats maliens arrivent sur la base militaire de Tombouctou le 14 décembre 2021 après le départ des soldats français. ( AFP / FLORENT VERGNES)Depuis plus de six mois, la France a entamé une réarticulation de son dispositif militaire au Mali, en quittant ses trois bases les plus au nord. Ses effectifs, de plus de 5.000 militaires au Sahel l'été dernier, ont commencé à décroître avec l'objectif affiché de n'en garder que 2.500 à 3.000 d'ici 2023. Le président Emmanuel Macron avait annoncé en juin 2021 la fin de l’opération extérieure française Barkhane au profit d'une "opération d’appui, de soutien et de coopération aux armées des pays de la région qui le souhaitent".Cette transformation va désormais s'accélérer. Objectif: continuer à soutenir les armées locales dans la lutte antijihadiste mais avec une empreinte plus discrète, à l'heure où le sentiment antifrançais tend à croître dans la sous-région.
(fr)
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