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  • 2021-04-07 (xsd:date)
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  • Manque de moyens de la justice financière: des chiffres erronés malgré une réalité tangible (fr)
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  • Une publication très virale affirme notamment que le parquet national financier (PNF) ne compterait plus que "3 enquêteurs" chargés de la lutte contre la fraude fiscale. Ces chiffres sont inexacts selon les données recueillies auprès du PNF, même si le manque de moyens de la justice financière est une réalité régulièrement pointée du doigt.C'est un écart censé résumer les "priorités" d'Emmanuel Macron: fer de lance de la lutte contre la grande délinquance en col blanc, le parquet national financier (PNF) ne compterait plus que "trois enquêteurs" pour lutter contre la fraude fiscale, contre 12 en 2012, alors que 400 agents ont été embauchés à Pole emploi pour "contrôler" les chômeurs.  Capture d'écran Facebook.Relayée par une sympathisante affichée des "gilets jaunes", la publication qui établit ce parallèle a été partagée près de 400 fois depuis le 28 mars et renvoie surtout à un post similaire de mai 2019 qui cumule, lui, plus de 8.000 partages et assure puiser ces chiffres dans le Canard enchaîné.Si le manque d'effectifs au PNF est une réalité documentée et si le gouvernement a bien augmenté le nombre d'agents dédiés au contrôle des chômeurs, cette publication recèle plusieurs imprécisions, selon les éléments recueillis par l'AFP notamment auprès du PNF et de Pôle emploi.Les effectifs au PNFMis sur pied en 2014 après le scandale des comptes bancaires cachés du ministre du Budget Jérôme Cahuzac, le PNF est chargé de coordonner les enquêtes sur les grandes affaires de corruption et de fraude fiscale et a compétence sur l'ensemble du territoire. Selon les déclarations en mai 2013 de la ministre de la Justice de l'époque Christiane Taubira, il devait permettre "une spécialisation avec une plus forte lisibilité et des moyens dédiés".Il n'a toutefois jamais obtenu les dotations en effectifs qui avaient été jugées nécessaires avant sa création. En 2013, les services de l'Assemblée nationale avaient ainsi estimé qu'"environ 22 magistrats" devraient être affectés à cette nouvelle juridiction et qu'environ 263 dossiers devaient tomber dans son escarcelle.Fin 2020, 17 procureurs étaient en fonction au PNF, gérant environ 600 dossiers, a appris l'AFP vendredi 2 avril auprès de ce parquet spécialisé, qui partage une partie de ses compétences avec les sections financières des autres parquets en France mais est en première ligne lorsque le préjudice est d'ampleur ou que les investigations s'annoncent complexes ou à caractère international.Le chiffre de "3 enquêteurs" mentionné dans la publication Facebook est donc erroné, d'autant que le PNF ne compte pas à proprement parler d'"enquêteurs". Les magistrats qui y travaillent supervisent les enquêtes qu'ils confient à des services de police ou de gendarmerie spécialisés dans la délinquance économique, notamment un des offices centraux regroupés dans la sous-direction de la lutte contre la criminalité financière qui compte 750 enquêteurs "hautement spécialisés", selon un communiqué datant de 2019.Des services d'enquête spécialisés peuvent également être saisis par le PNF telles que la Brigade financière ou la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDP), toutes deux rattachées à la police judiciaire de Paris.Le post ne précise pas à quel moment le PNF aurait compté seulement "3 enquêteurs" dédiés à la lutte contre la fraude fiscale mais cite comme source, sans aucune autre précision, le Canard enchaîné. Après recherche, un article paru dans l'édition du 20 mars 2019 de l'hebdomadaire satirique fait bien mention de ces chiffres pour l'année 2018, qui ne cadrent toutefois pas avec les données officielles.A la mi-2018, le PNF comptait ainsi 18 magistrats, selon la présentation qui en était alors faite sur le site du tribunal de grande instance de Paris.  Capture d'écran de la version du site du tribunal de grande instance de Paris de juin 2018.Fin 2020, 53% des procédures gérées par le PNF concernaient les atteintes à la probité, 40% les finances publiques (fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale) et 7% pour les infractions boursières, selon le parquet. Aucun des magistrats n'est par ailleurs spécialisé sur un domaine, comme le suggère la publication Facebook.Egalement mentionnée dans le post, l'estimation à 100 milliards d'euros du montant de la fraude fiscale ne figure pas dans l'article du Canard enchaîné et correspond, selon les recherches de l'AFP, à la fourchette haute de l'estimation du syndicat Solidaires finances publiques, contestée par l'exécutif.Si les chiffres figurant dans la publication sont sujets à caution, le manque de moyens de la justice financière est, lui, bien réel.Alors procureur de Paris, François Molins avait ainsi fait valoir, lors d'une audition en février 2018 devant l'Assemblée nationale, que les moyens humains et matériels alloués tant aux parquets spécialisés dans la délinquance fiscale qu'aux services d’enquête étaient "notoirement insuffisants".C'est aussi l'avis de l'ONG Anticor, qui lutte contre la corruption et a déposé plusieurs plaintes devant le PNF, notamment contre le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler ou contre le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand."Le parquet national financier est dans une situation difficile tant au niveau des moyens que sur le plan politique", a déclaré à l'AFP vendredi 2 avril Eric Alt, vice-président d'Anticor, en référence aux accusations de partialité portées contre le PNF en marge de l'affaire dites des "écoutes" qui a abouti à la condamnation de Nicolas Sarkozy à un an de prison ferme pour corruption le 1er mars 2021.  Croquis d'audience du procès de Nicolas Sarkozy dans l'affaire des "écoutes", où l'accusation était représentée par le PNF. (AFP / Benoit Peyrucq)Selon lui, le PNF a "les moyens de fonctionner mais en mode dégradé". "On voit déjà que lorsqu'on dépose des plaintes au PNF, nous n'avons pas de réponses dans le délai de 3 mois au terme duquel une réponse doit a priori être apportée. Parfois, nous n'avons même pas de réponses au bout d'un an", déplore M. Alt, par ailleurs magistrat.Après avoir longtemps pensé qu'il y avait, derrière la sous-dotation du PNF, un "manque de volonté politique", M. Alt se dit "plus pessimiste": "Je me demande même s'il n'y a pas une volonté politique de freiner les enquêtes en matière économique de corruption parce que, d'une certaine manière, ça perturbe l'ordre établi".Selon un rapport du Conseil de l'Europe publié en octobre 2020,  la France "affiche le plus petit nombre de procureurs en Europe ou presque (3,0 pour 100.000 habitants)" qui sont pourtant chargés d'un "nombre très élevé d’affaires" et d'''un nombre record de fonctions".Le contrôle sur les chômeursC'est l'autre facette des accusations portées par la publication: tout en appauvrissant les effectifs au PNF, le gouvernement viendrait en parallèle de recruter 400 agents chargés de contrôler les chômeurs. Au-delà du fait que ces deux missions dépendent budgétairement de ministères différents (Justice pour le PNF, Travail pour Pôle emploi), ce chiffre semble renvoyer à la décision gouvernementale annoncée en mars 2018 de "tripler les équipes de contrôle de Pôle emploi", en les faisant passer de 200 à 600 agents.Contrairement à ce que suggère la publication, ces 400 agents supplémentaires ne viennent donc pas d'être recrutés mais l'ont été dans le courant de l'année 2018. Aucun renfort n'a été affecté, depuis, à cette mission, assure-t-on à Pôle emploi, contacté par l'AFP le 6 avril. Promis par le candidat Macron pendant la campagne électorale, le renforcement du contrôle des chômeurs est allé de pair avec un durcissement fin 2018 des sanctions contre les demandeurs d'emplois ayant manqué à leurs obligations.  La sanction en cas d'absence à une convocation à un rendez-vous avec son conseiller Pôle emploi a notamment été portée de un à deux mois de radiation.  Dans une agence Pôle emploi de Marseille en décembre 2020. (AFP / Nicolas Tucat) Ce durcissement avait alors été dénoncé par une partie de la classe politique et par les syndicats qui avaient fustigé un "signal de défiance envers les chômeurs".Contacté par l'AFP, Pôle emploi assure que ces contrôles ont surtout vocation à relancer les démarches de recherche d'emploi. "Les contrôles opérés par Pôle emploi ont pour objectif d’identifier les demandeurs d’emploi qui se découragent et ainsi les accompagner au mieux. Sur 100 contrôles, 88 confirment ou relancent leurs recherche d’emploi», indique-t-on à la Direction générale de Pôle emploi. Pôle emploi précise par ailleurs que 140 auditeurs assermentés sont, eux, spécifiquement en charge de la prévention et de la lutte contre les fraudes aux allocations, mission différente de celle de contrôle des demandeurs d'emplois.En 2019, selon les données de Pôle emploi, 17.662 affaires frauduleuses ont été détectées par ces auditeurs et 212 millions d’euros de préjudices subis et évités au titre de fraudes. (fr)
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