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Au cours d'une intervention publique dont la vidéo a été partagée plusieurs milliers de fois sur Facebook en une semaine, une chercheuse suisse affirme que l’épidémie de Covid-19 est terminée en Suisse, que les tests PCR ne sont pas efficaces, que l'OMS déconseillait le masque jusqu'au 20 octobre… Ces allégations sont fausses, ont expliqué plusieurs experts à l'AFP. Jeudi 19 novembre 2020, quelques centaines de personnes ont manifesté à Genève pour demander la réouverture immédiate des commerces, fermés depuis début novembre dans le cadre des mesures prises par le gouvernement du canton pour lutter contre une nouvelle vague de cas de Covid-19. C’est à cette occasion que la chercheuse suisse Astrid Stuckelberger s'est exprimée. La vidéo de son intervention a été partagée près de 6.000 fois sur Facebook depuis le 19 novembre. Capture d'écran réalisée sur Facebook le 26/11/2020Cette scientifique se décrit sur son propre site comme une "experte internationalement reconnue" spécialisée dans le "vieillissement et les technologies anti-âge, l'innovation et le bien-être". Elle fait partie des intervenants de la production audiovisuelle "Hold-Up", une vidéo évoquant une "manipulation globale" autour de la pandémie et déroulant un argumentaire complotiste. Elle est listée comme formatrice sur le site Escarlmonde, un organisme formant à la naturopathie. Sur son compte Twitter, elle plébiscite le "succès" d'un traitement à base d'hydroxychloroquine contre le Covid-19. Ses propos ont déjà été vérifiés par l'AFP. Astrid Stuckelberger a travaillé avec l'Université de Genève mais son contrat a pris fin à l'été 2016, a indiqué l'institution à l'AFP. "Madame Stuckelberger ne s’exprime en aucun cas au nom de l’Université de Genève, et ses prises de positions ne reflètent pas celles de l’institution", a déclaré Marcon Cattaneo, directeur de la communication de l'Université de Genève, dans un courriel à l'AFP le 24 novembre 2020. Il a également indiqué qu'une "procédure" était en cours concernant la chercheuse, se refusant à de plus amples commentaires. Cette vidéo de 9 minutes contient de nombreuses fausses informations autour de la pandémie de Covid-19, ont indiqué plusieurs scientifiques à l'AFP.La pandémie est terminée FAUX"Il n'y a pas de pandémie. C'est fini", affirme Astrid Stuckelberger au début de son intervention (1'16). Rien n'indique que l'épidémie est terminée en Suisse. Les chiffres de l'Office fédéral de la santé publique montrent plutôt une remontée des courbes des cas, des hospitalisations et des décès depuis le 1er septembre en Suisse et au Liechtenstein. Le quotidien le Temps a compilé les chiffres pour la Suisse ici. Courbes des décès et des cas de Covid-19 en Suisse et dans le Liechtenstein depuis le 24 février 2020. Captures d'écran réalisées le 25/11/2020 sur le site de l'Office fédéral de la santé publique"Il est faux de dire que la pandémie est terminée", a assuré à l'AFP Grégoire Gogniat, porte-parole de l'Office fédéral de la santé publique, interrogé le 23 novembre 2020. La Suisse connaît "une deuxième vague" de Covid-19, a-t-il expliqué : "Ces deux dernières semaines il y a eu 2000 hospitalisations liées au Covid-19, ce n'est pas rien. La courbe tend à baisser, mais la situation reste compliquée."Cette remontée des cas et des hospitalisations ne touche d'ailleurs pas seulement la Suisse mais toute l'Europe, comme l'expliquait cette dépêche de l’AFP début novembre.Pour illustrer une fin supposée de la pandémie, Astrid Stuckelberger évoque par ailleurs l'Asie, qui "va très bien" : "Taïwan n'a pas eu un seul cas depuis 200 jours". S'il est vrai que l'île fait partie des "bons élèves" avec seulement 7 décès du Covid-19 recensés depuis le début de la pandémie, ces bons résultats sont en grande partie dûs à des mesures coercitives bien plus sévères qu'en Europe et ne prouvent pas que l'épidémie est terminée. La Chine, d'où est partie l'épidémie, a réussi à endiguer la propagation du virus mais fait face régulièrement à l'apparition de nouveaux cas de Covid-19, qui poussent le gouvernement à prendre de nouvelles mesures restrictives. Pas de décès "surnuméraires" liés au Covid-19 en Suisse FAUXSelon Astrid Stuckelberger, il n'y a "ni décès", "ni malades surnuméraires" dûs au Covid-19 : "Vous pouvez regarder les courbes de mortalités maintenant en Suisse (...) y'a le même taux de mortalité que les autres années" (1'31).La chercheuse mêle ici deux choses distinctes: le nombre total de décès comptabilisés en Suisse et l’évaluation de la surmortalité, c’est-à-dire le nombre de morts supérieur à la normale pendant la période de circulation du virus.Concernant le nombre total de décès en août, les médias suisses Le Matin et la SonntagsZeitung révélaient en effet que la Suisse avait enregistré moins de morts pendant les sept premiers mois de l’année que durant la même période de certaines années précédentes : "Entre janvier et fin juillet 2020, le pays a comptabilisé 39 211 décès, toutes causes confondues. Ce bilan est similaire en moyenne aux cinq années précédentes, mais inférieur de 538 par rapport à 2019 et de 1685 par rapport à 2015, année où la grippe et la canicule avaient été particulièrement mortelles."Ces chiffres sont disponibles sur le site de l'Office fédéral de la statistique.Cependant, Astrid Stuckelberger omet de préciser que la réduction du nombre de décès est en partie due aux effets du confinement et de mesures sanitaires restrictives, a expliqué à l'AFP Christoph Junker, épidémiologiste à l'Office fédéral de la statistique. Les mesures "contribuent à la propagation moins rapide du virus", a-t-il ainsi déclaré le 23 novembre 2020, bien qu'on "ne puisse pas quantifier exactement l'effet de chacune d'entre elles". En août, l'OMS relevait notamment dans un rapport que "les mesures d'hygiène et de distanciation sociale mises en œuvre par les Etats pour ralentir la transmission du SARS CoV-2 pourraient avoir joué un rôle dans le ralentissement de la circulation de la grippe".Concernant la surmortalité, une étude de modélisation parue le 14 octobre 2020 dans la Revue Nature Medicine montre que 19 nations d'Europe ainsi que l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont enregistré au total "environ 206 000 morts de plus que si la pandémie de COVID-19 ne s’était pas produite" entre mi-février et fin mai. Rapportés dans cette dépêche, ces chiffres comprennent 167 000 morts attribués directement au Covid-19, et environ 40 000 décès provoqués par d'autres maladies et qui n'ont pu être évités du fait de l'encombrement des services de santé. La Suisse fait partie du groupe bas de cette étude, avec "seulement" 1 400 décès excédentaires entre mi-février et fin mai 2020 (contre 8 600 en Belgique et 23 700 en France). Capture d'écran réalisée sur le site de Nature Medicine le 24/11/2020"Nous surveillons en permanence le nombre de décès", a expliqué Christoph Junker à l’AFP le 23 novembre 2020. "Si leur nombre dépasse une limite définie statistiquement, on parle de surmortalité. Si les médecins et les hôpitaux disent que beaucoup de leurs patients meurent d'une maladie particulière, alors nous sommes sûrs que la surmortalité est due à cette maladie." Or, dans le cas de l'épidémie de Covid-19, "le taux de mortalité est 2 à 3 fois plus élevé pendant la période de circulation du virus que pendant les semaines où le virus ne circule pas dans la population", a relevé l’épidémiologiste. Plus précisément, "l'augmentation du taux de mortalité suit environ deux semaines après le pic des cas de Covid-19", ce qui correspond à la période d'incubation du virus et du début de développement de la maladie. Pour ce chercheur de la section Santé de la population de l'Office fédéral de la statistique, on peut donc bien parler de "surmortalité" et de décès "surnuméraires" dans le cadre de l'épidémie de Covid-19.Enfin, sur l'indicateur européen Euromomo, qui compile et compare les chiffres officiels de la mortalité de 24 pays européens, on peut voir que les pics de mortalité observés dans les pays les plus frappés par l'épidémie sont 1,5 à 4 fois supérieurs à la mortalité observée durant les habituelles périodes grippales de l'hiver. Un virus mutant moins dangereux FAUXSelon Astrid Stuckelberger, l'épidémie a connu une grande vague entre février et avril, mais elle est terminée : "Maintenant ce qu'on voit c'est un mutant (...) les virus font partie de nous et ils sont même bons pour notre santé", affirme-t-elle (2'46).Pourtant, aucune publication scientifique ne montre aujourd'hui une baisse de la virulence du Covid-19 ou que le virus ait muté de façon à changer ses effets sur les humains, comme l’AFP l’a déjà expliqué ici ou ici. "Pour l’instant, tous les virologues nous disent que les mutations sont trop faibles pour que l’une d’entre elles soit considérée comme ayant un vrai effet sur le virus", indiquait ainsi à l’AFP Yves Van Laethem, spécialiste des maladies infectieuses et porte-parole interfédéral de la lutte contre le Covid-19 en Belgique, interrogé le 30 septembre 2020. Les tests PCR ne sont pas valables FAUXA propos des tests de détection du Covid-19, Astrid Stuckelberger déclare au cours de son intervention avoir appelé "tous les labos" : "Même les laboratoires avouent que ce test n'est pas valable pour un diagnostic", assure-t-elle (3'38). Pour étayer sa démonstration, elle s'appuie sur l'exemple d'Elon Musk, le milliardaire et patron du constructeur de véhicules électriques Tesla qui a fait parler de lui mi-novembre en réalisant à quatre reprises le même test en un jour. Deux de ses tests sont revenus positifs, deux négatifs. Contacté le 24 novembre 2020, le siège suisse d'Unilabs, qui possède 55 laboratoires d'analyses médicales en Suisse, a assuré à l'AFP n'avoir "jamais parlé avec Mme Stuckelberger". "Le test PCR marche très bien", a déclaré Alistair Hammond, directeur de la communication d'Unilabs. De plus, la chercheuse confond dans sa démonstration deux sortes de tests, les tests antigéniques et les tests PCR, notamment présentés dans cette dépêche de l'AFP. Les laboratoires analysent des tests RT-PCR, qui détectent le virus en utilisant une technique d'amplification de l'ARN (la matériel génétique du virus). Le taux de spécificité (la capacité à repérer spécifiquement le SARS-Cov-2) de ces tests est estimé à quelque 99 %, ce qui signifie que les cas de "faux positifs" sont rarissimes."Les tests PCR sont l'outil le plus efficace aujourd'hui pour détecter le Covid-19", a affirmé le 24 novembre 2020 à l'AFP Patrick Barth, porte-parole du laboratoire pharmaceutique Roche, qui développe plusieurs types de tests. Ces tests sont cependant très sensibles, nuance Valérie d'Acremont, infectiologue au centre universitaire de médecine générale et de santé publique de Lausanne : "Certaines personnes qui développent le coronavirus restent positives même lorsqu'elles ne sont plus contagieuses, car le test détecte encore des résidus de matériel génétique du virus", a-t-elle expliqué à l'AFP le 25 novembre 2020, "il faut donc les interpréter dans leur contexte clinique." Dans le cas d'Elon Musk, ce ne sont pas des tests PCR qui ont été utilisés, mais des tests antigéniques, produits par l'entreprise de technologie médicale BD, comme le milliardaire l'explique dans son tweet du 13 novembre 2020. Capture d'écran réalisée sur Twitter le 24/11/2020 Ces tests antigéniques détectent les protéines virales du virus, sur lesquelles se fixent les anticorps que nous produisons pour lutter contre le virus. Ils se font par prélèvement naso-pharyngés, comme les tests PCR, mais un délai d'attente de 15 à 30 minutes suffit pour détecter la présence de la maladie, indique le site de l'entreprise. Cette forme de tests présente l'avantage de ne pas nécessiter d'analyses en laboratoire et constitue "un autre élément important dans la lutte contre la pandémie", a expliqué Patrick Barth, du laboratoire Roche, qui prévient qu'ils restent moins précis que les tests de diagnostic dits RT-PCR. "Les tests rapides sont moins sensibles que les PCR, mais ils détectent de plus grosses quantité de virus, et restent donc positifs moins longtemps", a confirmé Valérie d'Acremont. Elle explique qu'ils permettent aux patients guéris du Covid-19 de ne pas penser qu'ils sont encore malades ou contagieux un mois après avoir développé l'infection. En France, la Haute autorité de santé recommande dans une note publiée le 8 octobre 2020 d'utiliser des tests antigéniques "jusqu’à 4 jours inclus après apparition des symptômes". Des tests rapides antigéniques sont disponibles en Suisse depuis le 2 novembre 2020. Le site de l'Office fédéral de la santé publique indique que ces tests permettent "d’augmenter le nombre de personnes dépistées et de faciliter l’accès aux tests", mais rappelle qu'ils sont "moins fiables" que le test PCR. Plus tard dans la vidéo, Astrid Stuckelberger conseille, quand on présente des symptômes, de "faire des tests antigènes" qui seraient "bien plus fiables" selon elle (8'05), une déclaration en contradiction avec l’exemple qu’elle donnait elle-même quelques minutes auparavant concernant les résultats du test d'Elon Musk. Quant à l'affirmation selon laquelle "au plus on est immunisé, au plus vous allez être testés positifs", elle est imprécise: les tests PCR "ne détectent pas les anticorps, mais des composants spécifiques du virus", a expliqué Christoph Junker à l'AFP. Les tests d'anticorps, ou sérologiques, eux, peuvent "montrer si le système immunitaire a réagi à l'exposition au virus", a complété Patrick Barth, ajoutant: "la question de savoir si cela est associé à l'immunité et combien de temps elle dure fait actuellement l'objet d'études". Les tests sérologiques (par prise de sang) permettent de détecter des anticorps contre le Covid-19, mais à ce jour les scientifiques ne savent pas si les anticorps protègent complètement contre le virus, et jusqu'à quand.Les tests de détection du Covid-19 font l'objet de plusieurs fausses informations depuis le début de la pandémie. L'AFP en a vérifié plusieurs ici, ici ou encore ici. Inutile de se faire tester si on n'a pas de symptômes FAUXAstrid Stuckelberger conseille de se faire tester "seulement quand vous êtes malades", c'est-à-dire avec des symptômes et ajoute: "Si vous êtes en bonne santé y'a pas de raison". Or, certaines personnes peuvent être porteuses du SARS-Cov-2 sans développer aucun symptôme, ce qui ne les empêche pas d'être contagieuses, comme l'expliquait l'AFP dans un précédent article. L'OMS a déconseillé le masque jusqu'au 20 octobre FAUX"L'OMS change tout le temps (...) Jusqu'au 20 octobre ils ont dit: ne mettez pas de masque". "Et maintenant tout à coup ils ont dit de mettre les masques", affirme Astrid Stuckelberger (à 7'50). Dans le documentaire Hold-Up, elle affirmait déjà que l'OMS ne conseillait pas le port du masque. C'est faux. Si au début de l'épidémie, l'OMS ne conseillait pas le port du masque en l'absence de symptômes, les recommandations ont changé depuis. Le 5 juin, l’organisation publiait de nouvelles directives dans lesquelles elle recommandait aux autorité, "pour prévenir efficacement la transmission de la COVID-19 dans les zones de transmission communautaire, d’encourager le port du masque par le grand public dans des situations et lieux particuliers", où la distanciation physique ne peut pas être respectée.Les changements de cap de l'OMS depuis le début de la pandémie de Covid-19 en ont fait la cible de nombreuses critiques et fausses informations : début septembre, des publications affirmaient ainsi, à tort, que l'OMS avait recommandé l'interdiction du port du masque. La Suisse ne respecte pas le Règlement Sanitaire International INFONDÉ"Il y a un règlement sanitaire international de l'OMS qui a été signé par tous les pays pour les plans de préparation de pandémies (...) et ce n'est pas respecté par la Suisse", affirme Astrid Stuckelberger à la fin de la vidéo (7'35). Le Règlement Sanitaire International (RSI) est entré en vigueur en 2007. Adopté par 196 pays, il a pour objectif, indique le site de l'OMS, d'"éviter la propagation internationale des maladies, à s’en protéger, à la maîtriser et à y réagir par une action de santé publique proportionnée et limitée aux risques qu’elle présente pour la santé publique, en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux". Le RSI définit notamment le cadre de l'état d'urgence mondiale, déclaré le 30 janvier 2020 pour faire face à l'épidémie de coronavirus en Chine. La Suisse fait partie des Etats signataires et l'Office fédéral de la santé publique a affirmé à l'AFP que le gouvernement respecte ses engagements : "La Suisse applique le RSI de l’OMS afin de se prémunir de certaines menaces aiguës pour la santé publique", a déclaré le porte-parole de l'Office fédéral de la santé publique Grégoire Gogniat, qui a relevé les bons résultats de la Suisse dans le rapport de l'évaluation externe conjointe (JEE) de l'OMS sur l'application du RSI en Suisse en 2017. Christoph Junker a également qualifié cette accusation d'"injustifiée". Cependant, il rappelle certains manquements au début de la pandémie de coronavirus : "Il est apparu que, par exemple, les stocks de masques de protection et de désinfectants étaient insuffisants." EDIT 26/11/2020 : merci de bien lire "les tests d'anticorps, ou sérologiques" dans la partie sur les tests PCR et non "les tests antigéniques" comme écrit par erreur
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