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  • 2022-03-02 (xsd:date)
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  • Attention à ces publications sur des soldats ukrainiens décédés en "héros" sur l'île des Serpents (fr)
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  • Après avoir présenté des soldats ukrainiens comme morts "en héros" sur l'île des Serpents jeudi 24 février, les autorités ukrainiennes ont quelques jours plus tard indiqué être "très heureuses" que ces derniers soient finalement "vivants", après que l'armée russe ait largement communiqué sur le retour de ces soldats ukrainiens sur la terre ferme, sous contrôle de l'armée russe. Cet épisode qui a fait l'objet de nombreuses reprises sur Internet, mêlant "propagande" et "contre-propagande" des deux camps, est avant tout représentatif du "brouillard d'informations" en temps de guerre, ont analysé deux chercheurs auprès de l'AFP."'Allez vous faire foutre' ont été les derniers mots des 13 gardes frontières ukrainiens aux sommations russes sur l'île aux serpents en Mer noire", affirme une publication Twitter partagée des centaines de fois depuis le 25 février 2022."Hommage aux 13 gardes frontières ukrainiens de l'île des serpents qui avant l'assaut final ont dit aux soldats russes 'd'aller se faire foutre'. Ils sont morts en héros. Ils seront nommé (sic) Héros de la Nation. Respect", renchérit une autre, aimée par près de 1.000 personnes.Des milliers d'autres internautes francophones (1, 2, 3) ont relayé cette histoire sur les réseaux sociaux, parfois avec un enregistrement sonore qui aurait capturé les dernières paroles des militaires ukrainiens prétendument décédés après un dernier acte de bravoure. De nombreux médias français (1, 2) s'en sont aussi fait les relais dès le 25 février. Capture d'écran Twitter, prise le 02/03/2022 Capture d'écran Twitter, prise le 02/03/2022   Capture d'écran Twitter, prise le 02/03/2022 Capture d'écran Twitter, prise le 02/03/2022  Cependant, l'information selon laquelle ces soldats seraient décédés a été démentie par les camps russe et ukrainien dans les jours qui ont suivi. Les militaires ukrainiens auraient en fait été emprisonnés lors de l'assaut de l'île des Serpents par les forces russes. Des rumeurs de décès héroïques relayées par les autorités ukrainiennesJeudi 24 février, premier jour de l'offensive russe sur l'Ukraine, les garde-frontières ukrainiens ont annoncé, via leur page Facebook, que l'île des Serpents, en mer Noire, était visée par des premières "menaces" de vaisseaux se rapprochant de l'île. Un message audio provenant de "l'agresseur" russe, dans lequel il aurait été demandé aux personnes se trouvant sur l'île de se rendre, a été partagé dans la même publication des gardes-frontières.L'île des Serpents, aussi appelée île Zmiïnyï ou île Zmeïny, ukrainienne depuis la chute de l'URSS en 1991, se situe à une petite cinquantaine de kilomètres des côtes de l'Ukraine, et à plus de 300 km à l'est de la Crimée, région annexée par la Russie en 2014. Un article publié en août 2021 par deux chercheurs de l'institut de recherches américain "Atlantic Council" suggérait que, du fait de sa position "stratégique", l'île pourrait devenir un lieu clé "en cas de guerre de Vladimir Poutine en Ukraine". Tout au long de la journée du 24 février, les garde-frontières ukrainiens ont détaillé l'évolution de l'assaut russe de l'île, dans plusieurs publications Facebook (ici, puis là), avant d'annoncer qu'elle avait été "prise" par l'armée russe en début de soirée. Un peu plus tard dans la soirée, Anton Herashchenko, conseiller du ministre ukrainien de l'Intérieur, a diffusé sur les réseaux sociaux Telegram et Facebook un message annonçant que, tentant de défendre l'île des Serpents, "13 garde-frontières" ukrainiens seraient décédés. Il y a également associé l'enregistrement audio présenté ensuite dans de nombreuses publications comme témoignant des dernières paroles des soldats, comme l'a aussi relevé CheckNews dans un article de vérification dédié aux événements survenus sur l'île des Serpents.Le 25 février, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a repris l'information dans une adresse aux Ukrainiens, qualifiant ces hommes prétendument morts pour la nation lors de la première journée d'offensive russe de "héros". "Tous les garde-frontières de notre île Zmiïnyï sont morts héroïquement en la défendant jusqu'au bout. Ils n'ont pas renoncé. Ils recevront tous, à titre posthume, le titre de Héros de l'Ukraine", a-t-il déclaré. Dès lors, ces informations ont été relayées par de nombreux médias et internautes, dans plusieurs langues.Des informations contradictoires du camp russeLe 25 février au matin, le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konashenkov, a quant à lui annoncé, comme l'a rapporté l'agence de presse russe TASS, que "82 militaires de l'île des Serpents dans la mer Noire se sont volontairement rendus aux forces armées russes", sans faire part d'aucun décès sur l'île.Le lendemain, un nouveau communiqué, des garde-frontières ukrainiens cette fois, publié sur Facebook, a fait part d'un "solide espoir" que tous les soldats présumés morts présents sur l'île des Serpents soient finalement "en vie". En parallèle, des images affirmant montrer le retour sur terre des 82 prisonniers ukrainiens, arrivés à Sébastopol, ont été diffusées sur plusieurs chaînes de télévision russes. Dans un reportage publié le 26 février par la première chaîne russe, équivalent de TF1 en France (et dont l'accès sur YouTube a été bloqué pour les utilisateurs européens le 2 mars 2022), un reporter indiquait ainsi que tous les prisonniers ukrainiens de l'île des Serpents, qui avaient "déposé leurs armes", allaient être reconduits "vers leurs familles". Le même reportage affirmait également que les autorités ukrainiennes, en "enterrant leurs morts" prématurément et en qualifiant de héros posthumes des hommes vivants, réaliseraient une "propagande horrible".La marine ukrainienne "très heureuse" que les soldats soient en vieEnfin, lundi 28 février, les forces navales ukrainiennes, ont publié un communiqué sur Facebook dans lequel elles ont finalement indiqué que les militaires présents sur l'île des Serpents seraient en fait en vie, mais détenus par l'armée russe. "Concernant les marines et les gardes-frontières faits prisonniers par les envahisseurs russes sur l'île des Serpents, nous sommes très heureux de savoir que nos frères sont vivants et que tout va bien pour eux", peut-on ainsi y lire.Tous ces rebondissements illustrent "le brouillard d'informations dû à la guerre" et "le désir de propagande" des deux camps, analyse Arnaud Mercier, professeur en communication à l'Université Paris-II Panthéon-Assas, et auteur d'Armes de communication massive, qui analyse la communication politique pendant la guerre d'Irak."La rapidité avec laquelle le gouvernement ukrainien s'est saisi de l'histoire de ces soldats révèle surtout la fluidité de la situation, et la variation de ce qui est vrai à un moment T et peut ne plus l'être ensuite en zone de guerre", ajoute Stéphanie Lamy, spécialiste des opérations sémantiques et autrice d'Agora Toxica, dans lequel elle décrypte des mécanismes de désinformation politique visant à fragiliser les démocraties."Avec cette guerre, c'est la première fois que des civils ont à leur disposition des ressources étatiques dans l'effort de guerre informationnel, y compris la connectivité assurée par l'Etat et la coordination des campagnes sur les médias sociaux", ce qui peut faire émerger des récits de courage et d'héroïsme, ajoute-t-elle.Un "premier moment d'héroïsation de cette guerre"L'histoire des soldats de l'île des Serpents est "un épisode de jeu à somme nulle" dans le combat d'information entre les côtés russe et ukrainiens, estime par ailleurs Arnaud Mercier. D'une part, côté ukrainien, les prétendues dernières paroles des soldats ukrainiens s'apparentant "à un acte jugé héroïque" ont pu être "du pain bénit", permettant de "montrer que le peuple ukrainien sait faire preuve de panache". Selon lui, "les autorités ukrainiennes ont préféré surinterpréter que d'attendre des confirmations, pour en faire un premier moment d'héroïsation de la guerre : il y a un effet d'aubaine".D'autre part, "l'armée russe s'est empressée d'utiliser l'affaire pour affirmer que l'armée ukrainienne fait de la propagande mensongère, et tente de faire de cette histoire un symbole qui montrerait que toutes autres formes d'héroïsme ukrainien seraient des mensonges", abonde le spécialiste de la communication. Cette première passe d'arme de communication depuis l'invasion russe de l'Ukraine le 24 février, n'aura ainsi pour lui pas d'impact négatif sur la confiance des Ukrainiens envers leur gouvernement. "Les autorités ukrainiennes ont trouvé une porte de sortie honorable en reconnaissant qu'ils sont ravis que les hommes de l'île des Serpents soient toujours vivants : cela ne décrédibilisera probablement en rien les autorités ukrainiennes auprès des Ukrainiens et de leurs soutiens. A l'inverse, la communication russe confirme la défiance anti-ukrainienne", résume Arnaud Mercier.Stéphanie Lamy rappelle quant à elle aux internautes, surtout lorsqu'ils ne se trouvent pas sur place, à "la retenue" et "à avoir du recul sur ce type de contenu, émouvant", et à ainsi "éviter de partager" les publications dont les informations sont impressionnantes, pour limiter la "mésinformation".Au 2 mars 2022, septième jour de l'invasion de l'Ukraine lancée par Vladimir Poutine, des troupes aéroportées russes ont débarqué à Kharkiv, deuxième ville du pays, selon l'armée ukrainienne. En parallèle, la Russie pilonnait une série de villes ukrainiennes, dont Kharkiv, alors que de nouveaux pourparlers russo-ukrainiens semblaient se confirmer. Cartes d'Ukraine comparant les zones sous contrôle russe au 24 février à 19h GMT, au 25 février à 18h GMT, au 26 février à 18h GMT, au 27 février à 20h GMT, au 28 février à 20h GMT et au 1er mars à 20h GMT ( AFP / Cléa PÉCULIER, Sophie RAMIS, Laurence SAUBADU)2 mars 2022 Ajout précisions dans la deuxième citation de la chercheuse Stéphanie Lamy (fr)
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