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Alors que la ville de Rennes a lancé le 20 septembre une seconde ligne de métro chiffrée à 1,34 milliard d'euros, l'économiste Philippe Herlin a assuré que le coût de ce projet pour la métropole reviendrait à "12.200 euros par usager" soit "le prix d'une voiture". Pour autant, si le calcul de l'économiste est mathématiquement exact, il n'en est pas moins trompeur, pointent des spécialistes interrogés par l'AFP. Ils soulignent que Philippe Herlin rapporte le coût initial de cette nouvelle ligne à la fréquentation quotidienne sans tenir compte de la durée de vie de l'infrastructure ni du service rendu, et en oubliant plusieurs facteurs de nuisance évités comme la pollution, l'usure de la route ou les embouteillages, qui ont également un coût pour une collectivité.Maintes fois retardée, la ligne B du métro de Rennes, qui relie le sud-ouest au nord-est de la capitale bretonne, a finalement ouvert le 20 septembre 2022.A pleine capacité, ce métro automatique, en partie aérien, prévoit de transporter jusqu'à 110.000 personnes par jour, avec une fréquence de 67 secondes entre les trains aux heures de pointe. Mais le lancement de cette deuxième ligne, projet chiffré selon la métropole à plus d'un milliard d'euros alors que la ville ne compte que 215.000 habitants, a suscité un vif débat sur les réseaux sociaux."La nouvelle ligne de métro à Rennes coûte 1,342 milliard [d'euros, NDLR] avec l'objectif de transporter 110.000 voyageurs par jour, soit 12.200 euros par personne, c'est-à-dire le coût d'une voiture", a notamment fustigé dans un tweet partagé plus de 2.000 fois le jour de l'inauguration l'économiste Philippe Herlin concluant qu'on "construit trop de transports en commun en France". Capture d'écran prise sur Twitter le 22/09/2022Bons chiffres, calcul trompeurLes données sur le coût et la fréquentation avancées par l'économiste sur le métro sont justes. L'agglomération évoque bien un "coût global" de 1,342 milliard d'euros pour"100.000 voyages attendus chaque jour" en soulignant que "le coût à la livraison respecte l'enveloppe initiale" . Toujours selon la métropole de Rennes, "la ligne mesure 14 km, soit 96 millions d'euros du km, ce qui paraît être le bon ordre de grandeur pour ce type de métro type VAL partiellement en viaduc", a pointé le 23 septembre auprès de l'AFP Cloé Chevron, experte pour "Le conseil by Egis", groupe de conseil et d’ingénierie notamment dans les domaines des transports. La ligne B du métro de Rennes, le 19 septembre 2022. ( AFP / DAMIEN MEYER)Pour autant, le calcul de Philippe Herlin à partir de ces données n'a pas vraiment de sens, ont souligné auprès de l'AFP plusieurs spécialistes."Diviser un coût d'investissement, valable pour toute la durée de vie du métro, soit plusieurs décennies, par un nombre d'usagers quotidiens est aussi absurde que diviser le coût d'achat d'une voiture par le nombre de personnes transportées chaque jour, soit généralement une ou deux", a relevé le 23 septembre pour l'AFP Bruno Cordier, directeur d'Adetec, un bureau d'études en transports et déplacements."Le raisonnement ne tient pas (...), une telle infrastructure a une durée de vie de 50 à 100 ans pour les ouvrages de génie civil et de 30 ans pour le matériel roulant, soit beaucoup plus qu'une voiture renouvelée tous les 10 ans environ (...) sur la même durée, il aurait donc fallu renouveler le véhicule à 12.000 € environ 5 fois (moyenne entre durée des infrastructures et durée du matériel) engendrant un coût beaucoup plus important que les 1,3 milliard d'euros du métro", abonde Cloé Chevron. Les experts soulignent que le calcul devrait consister à additionner le coût de l'investissement et celui de l'exploitation, en divisant le tout par le nombre de voyages sur la durée de vie de l'infrastructure."Supposons que l'investissement dure 50 ans avant de nécessiter de grands travaux (c'est l'ordre de grandeur). Pendant ces 50 années, il y aura 110.000 voyages X 365 jours X 50 ans = 2,0075 milliards de voyages. Le coût de l'investissement par voyage sera donc de 1,342 / 2,0075 = 0,67 € par voyage", estime alors Bruno Cordier.Pollution, embouteillages, usure des routesIl faut aussi tenir compte des "externalités", générées par un moyen de transport, terme économique qui désigne une série de facteurs qui peuvent avoir une influence et un coût pour l'agglomération.Les automobilistes français ne payent en moyenne que 36% des coûts qu'ils font supporter à la société, avait estimé une étude de Bercy publiée en avril 2021. Un automobiliste engendre en effet des coûts à la fois pour les autres usages en usant la route, en provoquant des embouteillages ou des accidents et des coûts pour la collectivité avec la pollution de l'air, les émissions de gaz à effet de serre ou encore le bruit.Or, les différentes taxes existantes ne compenseraient pas ces coûts, selon les travaux de Bercy, qui conclut que "selon la théorie économique, il serait optimal que l'usager de la route paie les coûts engendrés pour la collectivité par sa décision de circuler". Capture d'écran prise sur le site tresor.economie.gouv.fr le 22/09/2022A l'inverse, a souligné auprès de l'AFP le 22 septembre Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations des usagers des transports (Fnaut), "quand vous prenez le tramway ou le métro, le prix de votre voyage prend en compte le coût de construction de la voie, celui de son exploitation et le coût pour l'opérateur d'exploiter des services sur la voie. C'est un coût complet"."L'agglomération aurait effectivement théoriquement pu acheter une voiture à 12.000 €, probablement une voiture thermique d'occasion, à chacun des voyageurs quotidiens attendus sur la ligne. Ces véhicules additionnels sur les routes de l'agglomération de Rennes auraient augmenté la congestion (engendrant des pertes de temps pour les usagers) ainsi que de la pollution avec des émissions de gaz à effets de serre. A l'inverse, la mise en œuvre du métro va permettre des gains de temps pour les usagers et entraîner un basculement de la voiture particulière vers les transports en commun", pointe Cloé Chevron. Autre facteur à prendre en compte, le nombre de passagers potentiels. En 2002, Rennes était devenue la plus petite ville au monde à disposer d'un métro et avait déjà évoqué, un an avant le lancement de celle-ci, la construction d'une seconde ligne.Mais, pointent les spécialistes, un moyen de transport comme le métro dessert une agglomération entière avec les habitants de la périphérie immédiate, et non juste une commune.Or, la métropole de Rennes compte 452.000 habitants et non 215.000 qui est la population de la commune. Et, des exemple comparables se trouvent à l'étranger, comme par exemple le métro de Lausanne, en Suisse, et ses deux lignes pour environ 400.000 habitants dans l'agglomération. Un passager prend le métro de Lausanne, en Suisse, le 11 mai 2020. ( AFP / FABRICE COFFRINI)La France et les transports urbainsAvec son versement transport, devenu versement mobilité, une contribution due par les employeurs qui emploient plus de 10 salariés et sert à financer les transports en commun, la France a "longtemps été précurseur" pour développer son réseau de transports collectifs, estime Bruno Gazeau. "Concernant les transports urbains dans les zones de centre-ville, la France n'a pas à rougir, mais elle a encore des efforts à faire pour ces grands ensembles urbains en travaillant sur le maillage des première et deuxième couronnes. Pour faire ça, il faut allonger les lignes de métro ou de tramway et les relier entre elles par des bus ou en se raccordant au réseau ferré pour permettre un meilleur accès aux zones périurbaines", estime le président de la Fédération nationale des associations des usagers des transports Bruno Gazeau.3 octobre 2022 Remplace "sociétés" dans l'avant-dernier paragraphe par "employeurs"
(fr)
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