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  • 2023-01-10 (xsd:date)
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  • Non, une "étude publiée" n'a pas démontré qu'il n'y a "aucun" lien entre CO2 et réchauffement climatique (fr)
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  • Bien que l'origine humaine du réchauffement climatique soit établie par la communauté scientifique, des publications virales sur les réseaux sociaux relaient ce qu'elles présentent comme une "étude publiée" qui aurait récemment "démontré" qu'il n'y a "aucun lien entre la teneur en CO2 et les changements de températures". C'est doublement faux : le texte évoqué n'est pas une étude mettant en avant de nouvelles recherches mais est un article d'opinion dont l'auteur s'appuie sur des sources et déductions peu rigoureuses pour relayer des théories climato-sceptiques pourtant déjà maintes fois démystifiées, ont expliqué plusieurs spécialistes du climat à l'AFP. Il existe aujourd'hui un large consensus établissant l'origine humaine du dérèglement du climat, largement due aux émissions de CO2."Une étude publiée démontre qu'il n'y a AUCUN lien entre la teneur en CO2 et les changements de températures", prétend un tweet partagé plus de 1.400 fois depuis le 3 janvier, qui renvoie vers "l'étude" en question, un article intitulé : "Alors que le climat a toujours changé et changera toujours, il n'y a pas de crise climatique".Les mêmes affirmations ont circulé sur d'autres réseaux sociaux dont Telegram, VKontakte et Facebook au début du mois de janvier 2023, alors que la Météo-France a confirmé que 2022 était l'année la plus chaude jamais enregistrée en France métropolitaine, ce que l'organisation a qualifié de "symptôme du changement climatique". Capture d'écran Twitter, prise le 06/01/2023Ces allégations sont néanmoins fausses : le document présenté comme une "étude publiée" est un article qui reflète uniquement l'opinion de son auteur, réutilise des arguments climato-sceptiques anciens sans apporter de nouvelles données et s'appuie sur des sources peu fiables, ont relevé quatre climatologues interrogés par l'AFP.Les théories véhiculées vont par ailleurs à l'encontre des connaissances de la communauté scientifique internationale à l'heure actuelle, qui s'accorde sur le rôle déterminant de l'activité humaine dans le réchauffement climatique. Dans plusieurs de ses rapports, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a alerté sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter la hausse des températures.Pas une étude rigoureuse mais plutôt un article d'opinionL'article mis en avant sur les réseaux sociaux a été publié dans le "Journal of Sustainable Development", une revue peu connue et peu citée dans d'autres publications scientifiques, émanant du "Canadian Center of Science and Education". Cette organisation, qui se targue d'éditer "plus d'une quarantaine" de revues, figure sur la liste de Beall (du nom de son créateur, le bibliothécaire Jeffrey Beall), qui répertorie des éditeurs et revues potentiellement "prédatrices", c'est-à-dire qui sont susceptibles de publier des contenus peu fiables et infondés scientifiquement, souvent en contrepartie de paiements. L'université de Liège a mis en place un test en ligne qui vise à aider à identifier la fiabilité de publications scientifiques afin de débusquer de potentielles revues prédatrices. En répondant à ces questions avec l'exemple du "Journal of Sustainable Development", les résultats de notre test indiquent que cette revue est "fort douteuse". Deux tests préalables réalisés à partir du même journal par d'autres internautes l'avaient classé dans les catégories "à risque" et "fort douteuse". Capture d'écran du résultat du test en ligne de l'université de Liège qui vise à aider à déterminer la fiabilité de revues, prise le 09/01/2023Plusieurs éléments peuvent en effet alerter le lecteur. Pour commencer, l'article n'a qu'un auteur, Wallace Manheimer, présenté comme un physicien "retraité". De façon générale, les études scientifiques sont souvent co-écrites par plusieurs spécialistes d'un sujet, pendant leur période d'activité. En outre, l'article se fonde sur plusieurs sources, dont certaines apparaissent comme peu rigoureuses. Outre quelques études scientifiques, on peut ainsi retrouver dans la liste des documents cités une page Wikipédia (l'encyclopédie libre en ligne qui peut être modifiée en permanence par des contributeurs), cinq autres articles signés par Wallace Manheimer lui-même, ou encore un graphique réalisé sur le portail Statista, qui permet de mettre en avant des statistiques provenant elles-mêmes de diverses sources.Certaines des données viennent par ailleurs de recherches sur Google réalisées par l'auteur, comme il le mentionne d'ailleurs dans son article. Capture d'écran de l'article publié dans le Journal of Sustainable Development, et de la mention d'une recherche Google utilisée pour trouver des graphiques, prise le 06/01/2023 Capture d'écran de l'article publié dans le Journal of Sustainable Development, et de la liste des ressources utilisées, prise le 06/01/2023  S'il est précisé que l'article "n'a été soutenu ou financé par aucune organisation", la liste des sources mentionne néanmoins la "CO2 coalition", une organisation américaine qui vise à promouvoir l'"intérêt du CO2 dans notre quotidien" dont l'auteur se dit "fier d'être membre".La "CO2 coalition" a par ailleurs déjà été épinglée par plusieurs sites et médias spécialistes de l'environnement pour avoir relayé des affirmations trompeuses sur le dérèglement du climat, comme ici ou là.Un texte "publié dans une revue obscure par une personne inconnue (et retraitée), qui va à l'encontre de ce que résume le GIEC (qui fait l'état de l'art des publications scientifiques) doit être traité avec beaucoup de prudence, et ne devrait pas être considéré à priori comme une étude fiable", met en garde Pierre Friedlingstein, directeur de recherche au département de Géosciences de l'Ecole Normale Supérieure et expert carbone et climat, le 5 janvier 2023 auprès de l'AFP, notant également le temps particulièrement court (cinq semaines) entre la réception de l'article et sa publication.Trois autres climatologues interrogés par l'AFP ont aussi estimé que cet article ne pouvait pas être considéré comme une "étude fiable".A lire aussi : "Selon une étude..." : comment faire pour s'y retrouver ?Une comparaison trompeuseDans le résumé de son article, l'auteur assure notamment qu'il n'y "a pas de crise climatique".Pour le justifier, il avance notamment que "le forçage radiatif lié au dioxyde de carbone est d'environ 0,3% du rayonnement [solaire, NDLR] incident, bien moins que les autres effets sur le climat". Mais l'auteur n'explique pas comment il parvient à ce chiffre de 0,3%, qui laisse penser -à tort- que le rôle du CO2 dans le réchauffement climatique est très faible, ont détaillé plusieurs climatologues interrogés par l'AFP. Le "forçage radiatif" désigne "l'impact sur le bilan radiatif (énergétique) de la Terre lorsqu'on modifie un paramètre, en supposant que rien d'autre ne bouge", explique François-Marie Bréon, chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE) et président de l'Association française pour l'information scientifique (Afis), auprès de l'AFP le 6 janvier.Le bilan radiatif désigne les facteurs qui influent sur la température de la Terre, qui reçoit le rayonnement du Soleil, en absorbe une partie tandis qu'une autre partie est réémise vers l'espace sous forme d'infrarouges, ce qui permet à la Terre de connaître une température vivable. Mais certains facteurs, en particulier les gaz à effet de serre, viennent perturber cet équilibre en limitant la réémission des infrarouges vers l'espace, c'est le forçage radiatif."Pour le CO2, c'est donc la diminution du rayonnement infrarouge qui sort de l'atmosphère vers l'espace (ce qui permet à la Terre de se refroidir) lorsqu'on augmente la concentration de CO2 dans l'atmosphère. Le concept de forçage radiatif permet de quantifier l'impact sur le climat d'une perturbation, qu'elle soit naturelle ou anthropique", développe-t-il.Néanmoins, le chiffre avancé par l'auteur de l'article de "0,3% du rayonnement incident" (le rayonnement solaire incident est le rayonnement qui arrive à la surface terrestre) repose sur un calcul erroné, selon François-Marie Bréon.Le forçage radiatif des gaz à effets de serre (dont le CO2 l'un des gaz principaux) est estimé à environ 3 Watt par mètre carré (W/m2) par le GIEC."Le flux solaire qui arrive au sommet de l'atmosphère est de l'ordre de 1370 W/m2. Mais, une partie (environ 30%) est réfléchie par les nuages, l'atmosphère, et les surfaces. Il reste donc près de 960 W/m2. Du coup, je suppose que l'auteur fait le calcul 3/960 ≈ 0,3%. Ce faisant, il fait une énorme erreur" car cela revient à considérer que le rayonnement solaire parvient uniformément sur toute la surface terrestre, poursuit le scientifique.Or, "la Terre est partiellement éclairée par le Soleil. En permanence, la moitié de la surface de la Terre est 'dans la nuit', et le reste reçoit moins que ce qu'on reçoit lorsque le Soleil est à la verticale", c'est pourquoi la comparaison de Wallace Manheimer n'est pas pertinente, explique encore M. Bréon. Les chiffres du forçage radiatif lié au CO2 et du rayonnement solaire incident "ne sont pas comparables car à l'équilibre, le rayonnement incident est compensé par du rayonnement sortant de la planète (infrarouge et une partie du rayonnement incident qui est réfléchie) et la température est stable. Le rayonnement incident varie très peu [...] et ne peut pas expliquer l'augmentation de température", relève aussi Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement. A l'inverse, le chapitre 7 du dernier rapport du GIEC mentionne bien l'effet du forçage radiatif des gaz à effet de serre, dont le CO2, sur le réchauffement du climat. Principaux points du troisième volet du rapport du Giec, publié le 4 avril, sur les solutions pour réduire les émissions de CO2 ( AFP / Kenan AUGEARD, Sophie RAMIS)"Si on regarde les variations (la différence entre la fin du 19ème siècle et aujourd'hui), alors l'effet du CO2 est bien l'effet dominant sur le bilan énergétique de la Terre", complète François-Marie Bréon.Frédéric Parenin, directeur de recherche à l'Institut des Géosciences de l'Environnement (IGE), explique aussi que la hausse de la concentration en CO2 mène à la modification du climat en influant sur d'autres paramètres. "Il y a tout un tas de rétroactions climatiques positives qui accentuent cet effet radiatif initial. Par exemple, si l'on réchauffe l'atmosphère un petit peu, la couverture de neige et de glace de mer diminue, et celles-ci avaient un effet radiatif refroidissement sur le climat à cause de leur couleur blanche (effet d'albédo)", développe-t-il le 6 janvier 2023 auprès de l'AFP.C'est d'ailleurs ce qui est expliqué sur le site de vérification de fausses informations autour du climat Skeptical Science : "Le CO2 d'origine humaine dans l'atmosphère a augmenté d'un tiers depuis l'ère préindustrielle, créant un forçage artificiel des températures mondiales qui réchauffe la planète. Bien que le CO2 dérivé des combustibles fossiles ne représente qu'une infime partie du cycle mondial du carbone, le CO2 supplémentaire est cumulatif car l'échange naturel de carbone ne peut absorber tout le CO2 supplémentaire", comme déjà expliqué dans cet article de l'AFP.D'après l'association Réseau Action Climat qui a vulgarisé, en partie, plusieurs publications du GIEC, les concentrations de CO2 en 2019 n'avaient ainsi jamais été aussi élevées depuis deux millions d’années, et celles de méthane et de protoxyde d'azote, depuis au moins 800.000 ans."C'est un article rédigé par un négationniste du climat qui fait fi des réalités scientifiques démontrées, et la déduction est complètement erronée", conclut Frédéric Parenin.L'Homme est responsable du dérèglement du climatDans son résumé, l'auteur de l'étude prétend aussi qu'"au cours de la période de la civilisation humaine, la température a oscillé entre plusieurs périodes chaudes et froides, la plupart des périodes chaudes étant plus chaudes qu'aujourd'hui", et qu'"au cours des temps géologiques, la température et le niveau de dioxyde de carbone ont varié sans qu'il y ait de corrélation entre eux", sous-entendant que les émissions de CO2 d'origine humaine ne seraient ainsi pas responsables du dérèglement du climat.Il s'agit en réalité d'une simplification menant à une confusion entre les variations du climat naturelles et les variations du climat anthropiques, c'est-à-dire celles engendrées par l'Homme."Les climatologues n'ont jamais prétendu que le CO2 était le seul paramètre pour expliquer le climat de la Terre. Faire croire cela est une imposture. Lorsque les climatologues attribuent le réchauffement récent à la hausse des concentrations de CO2 (et autres gaz à effet de serre), ils le font sur la base d'une compréhension de la physique des processus, et pas sur la base d'une corrélation passée qu'ils extrapoleraient sur le présent", précise Pierre-Marie Bréon."Sur des millions d'années, le climat a principalement varié en raison du positionnement de la Terre par rapport au Soleil, et donc de l'orbite terrestre. Sur des échelles de temps encore plus grandes, ça fait intervenir la tectonique, personne ne met cela en doute. En revanche, depuis 150 ans, les variations climatiques sont dues à l'Homme. L'un n'empêche pas l'autre", expliquait déjà le chercheur Pierre Friedlingstein dans cet article de l'AFP en juin 2022.Les auteurs du GIEC sont d'ailleurs formels à ce sujet dans leur résumé publié en 2022 : "l'influence de l'homme sur le système climatique est clairement établie, et ce, sur la base des données concernant l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, le forçage radiatif positif, le réchauffement observé et la compréhension du système climatique"."Le réchauffement climatique des XXe et XXIe siècle est à 100% dû à l'activité humaine", observait en outre Pierre Friedlingstein en juin auprès de l'AFP. "On n'arrive pas à expliquer l'augmentation de la température sans prendre en compte les gaz à effet de serre, car on sait, grâce à des modèles scientifiques, que la variabilité naturelle du climat ne contribue quasiment pas au réchauffement du siècle dernier". Carte des émissions de CO2 par habitant, et de l'index ND (vulnérabilité au changement climatique) par pays ( AFP / Julia Han JANICKI, Laurence SAUBADU, Valentin RAKOVSKY)Le dernier rapport du GIEC indique que ce réchauffement est sans précédent depuis les 2000 dernières années : depuis 1750, soit le début de la révolution industrielle, la température terrestre s'est élevée d'1,1°C.Cette période correspond au développement de l'utilisation intensive des énergies fossiles, qui relâchent du CO2 en masse dans l'atmosphère. Le lien entre concentration de CO2 dans l'atmosphère et hausse de la température est donc bien établi communauté scientifique."Le GIEC a démontré de manière claire et précise que le climat a changé, change, et continuera à changer, et que les conséquences seront dramatiques pour les sociétés humaines et pour les écosystèmes", rappelle aussi Frédéric Parrenin.Les auteurs du GIEC indiquent en effet dans leur dernier rapport que les impacts du réchauffement climatique, déjà observables depuis plusieurs années, vont continuer à se multiplier et à s'intensifier si le changement climatique se poursuit au même rythme.L'existence du changement climatique causé par l'homme est régulièrement remise en question par des utilisateurs sur les réseaux sociaux. L'AFP a déjà vérifié des affirmations erronées prétendant ce n'est pas l'activité humaine mais le soleil ou les modifications de l'orbite terrestre qui sont responsables du réchauffement climatique ou encore que les émissions de CO2 ne seraient pas responsables du changement climatique. (fr)
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