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Une publication, partagée sur Facebook et Twitter, prétend montrer des petites filles afghanes "enceintes" après avoir été mariées de force. Il y a bien des mariages forcés de mineures en Afghanistan, mais ces photos sont sorties de leur contexte. Elles montrent des enfants souffrant de maladies qui provoquent un gonflement du ventre. "Ces photos de petites filles afghanes, prépubères et enceintes, datent de quelques années mais sont toujours d'actualité car le mariage d'enfants est une pratique qui ne connaît pas de frontières ni de limites dans l'horreur", dénonce une publication Facebook, accompagnée de photographies montrant trois petites filles au ventre bombé. Capture d'écran prise sur Facebook le 14/08/20Suscitant l'indignation de nombreux internautes, la publication virale a été partagée plus de 12.000 fois sur Facebook en espagnol, mais aussi en anglais ou encore en portugais.Plusieurs de ces publications citent comme source un article anglais du site grainoftruth.ca, assurant que ces photos montrent des "mariages islamiques" en Afghanistan. Mais les petites filles photographiées sont en réalité des enfants malades. La thalassémieEn effectuant une recherche inversée de la photo de l'enfant à la robe bleue via Google et Yandex, on retrouve une occurrence du cliché sur le site turc Dogrula, qui affirme que les photos ne montrent pas une fille enceinte, mais atteinte d'une thalassémie. Pour appuyer son propos, il renvoie vers le site de l'ONG Child Foundation. Capture d'écran prise sur Facebook le 14/08/20 Capture d'écran prise le 14/08/20 En naviguant sur le site de l'ONG américaine d'aide à l'enfance, on retrouve un article expliquant que la jeune fille afghane, nommée Roya, souffre de thalassémie majeure. Child Foundation évoquait sa maladie en janvier 2019. Elle était alors âgée de 8 ans, selon l'organisation. Capture d'écran du site de l'organisation Child Foundation prise le 14/08/20La thalassémie est une maladie héréditaire qui affecte le sang. Les personnes touchées par cette maladie ont un taux d'hémoglobine et de globules rouges inférieur à la normale. Les symptômes de la maladie peuvent comprendre un gonflement de la rate, comme dans le cas de Roya, selon l'ONG.Le président de l'Association espagnole de lutte contre les hémoglobinopathies et les thalassémies, Antonio Cerrato, a précisé à l'AFP que cette maladie "est une anémie grave". Les personnes touchées le sont parce que leurs deux parents présentent cette altération génétique. Elles "ont besoin de transfusions sanguines pour survivre dès la naissance", en plus d'un traitement pour éliminer le fer des transfusions.Masoud Modarres, conseiller de la Child Foundation, a par aillleurs lui aussi démenti les rumeurs de grossesse concernant l'enfant: " Roya n'a jamais été enceinte", a-t-il expliqué à l'AFP. La petite fille afghane a reçu un traitement dans un hôpital de la ville de Mazar-e-Sharif où la Child Foundation aide les enfants atteints de thalassémie, ainsi qu'en Iran, selon lui. CardiopathieLes deux autres photographies de la publication virale sont marquées du logo de l'agence Getty Images. Une recherche sur le site de cette dernière permet de retrouver les deux clichés (1, 2). Capture d'écran prise le 14/08/20 Capture d'écran prise le 14/08/20 La légende des photos, qui datent de 2003, explique qu'elles ont été prises pendant que : "l'épouse du président français Jacques Chirac, Bernadette (Chirac), fonde l'hôpital de la Mère et de l'Enfant, premier hôpital dédié aux mères et aux enfants à Kaboul, en Afghanistan, le 27 mai 2003".Le suite de la légende précise que : "Le Dr Cheysson examine une enfant dans le cabinet médical du Dr Nilab. La petite fille fait partie des enfants qui seront transférés à l'hôpital Georges Pompidou à Paris pour un meilleur traitement de son cas". Les images ont été prises par le photographe français Raphaël Gaillarde, pour l'agence Gamma-Rapho, puis postées sur Getty Images.Sur les photographies, il est possible d'identifier deux médecins français : Éric Cheysson et Alain Deloche. Eric Cheysson est spécialisé en chirurgie thoracique et vasculaire. Alain Deloche est chirurgien cardiaque et fondateur de La Chaîne de l'Espoir, une association humanitaire française qui vient en aide aux enfants les plus pauvres.L'AFP a contacté l'organisation pour connaître les détails des situations des deux petites filles présentes sur les clichés. L'ONG, qui avait déjà démenti en janvier 2019 les rumeurs affirmant qu'elles étaient enceintes, a abondé auprès de l'AFP : "Les publications qui circulent à leur sujet sont des 'fake news'. Ces deux filles souffraient de graves maladies cardiaques. Elles ont été soignées par La Chaîne de l'Espoir en juin 2003, emmenées en France et opérées à l'âge de huit ans, à l'hôpital Georges Pompidou à Paris".L'insuffisance cardiaque, dont souffraient les deux petites filles, peut entraîner une accumulation de liquide dans l'abdomen car le cœur ne peut pas pomper suffisamment de sang pour répondre aux besoins de l'organisme. Les pieds, les chevilles, les jambes, le bas du dos et le foie peuvent également être affectés par la rétention d'eau, en fonction de la gravité de la maladie. Une série de photos, également prise par Raphaël Gaillarde en juin 2003, retrace étape par étape l'opération de l'une des deux petites filles à l'hôpital Georges Pompidou, en présence du professeur Deloche. La légende de l'une des photos indique : "Ghulam Sultami Masoura est l'une des deux jeunes filles afghanes sélectionnées pour se faire opérer à l'Hôpital George Pompidou quand le président français Jacques Chirac et sa femme Bernadette était en déplacement officiel à Kabul - installation d'une valve tricuspide" (valve entre le ventricule droit et l'oreillette droite du coeur, NDLR). Une autre photo de Raphaël Gaillarde, publiée le 10 septembre 2003, montre les deux petites filles afghanes reçues, après leur opération, à l'Elysée en présence de Bernadette Chirac et des médecins Eric Cheysson et Alain Deloche. Capture d'écran prise le 17/08/20Mineurs mariées en AfghanistanSelon un document intitulé "le mariage des enfants en Afghanistan", publié en 2018 par l'UNICEF, l'article 70 de la loi civile afghane dispose que l'âge légal du mariage dans le pays est de 16 ans pour les femmes et 18 ans pour les hommes. Mais un autre document de l'agence de l'ONU, qui date de 2019, souligne que 9% des filles Afghanes sont déjà mariées à 15 ans, et 35% d'entre elles le sont à 18 ans (contre 7% des garçons).Les complications liées aux grossesses et aux accouchements constituent par ailleurs la première cause de décès chez les adolescentes à l’échelle mondiale.
(fr)
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