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Une publication très virale s'étonne des prix actuels des carburants en assurant qu'ils étaient moins élevés en 2008 alors que le baril de pétrole atteignait pourtant des niveaux records. Cette affirmation entretient toutefois une confusion entre prix en dollars et en euros même si l'envolée des prix à la pompe est bien réelle aujourd'hui, portée par une combinaison de facteurs dont la fiscalité.Le baril de pétrole près de deux fois moins cher qu'en 2008 et un prix de l'essence pourtant plus élevé ? C'est ce que suggère cet internaute dans une publication partagée 16.000 fois sur Facebook depuis la mi-janvier. Il compare un prix de "1,32 euro" le litre d'essence en 2008 au moment où le baril de pétrole aurait été de "147 euros", au prix actuel de "1,70 euro" le litre d'essence avec un baril à "83 euros". "Cherchez l'erreur", ajoute-t-il. capture d'écran de Facebook le 16 février 2022Cette affirmation, sans être totalement erronée, doit toutefois être nuancée. Il n'existe pas à proprement parler de prix du pétrole sur une année mais l'internaute semble se référer au pic atteint par le baril de brut le 11 juillet 2008. Il commet toutefois une erreur sur les devises: le prix du baril ce jour-là n'était pas de 147 euros comme indiqué dans la publication mais de 147 dollars.La précision est cruciale: à l'époque, la devise européenne s'était fortement appréciée par rapport au dollar. Le 11 juillet 2008, un euro s'échangeait ainsi contre 1,57 dollar.En appliquant ce taux de change, le baril de brut valait donc à cette époque 93,74 euros et non 147 euros comme indiqué dans la publication."La différence de prix a été complètement gommée par la différence du taux de l’euro", explique à l'AFP Olivier Gantois, le Président de l'Union Française des Industries Pétrolières (Ufip). Le choix de la devise est également crucial pour mesurer l'évolution du prix du baril de Brent depuis ce pic de l'été 2008.En dollars, le prix de l'or noir, après de nombreuses fluctuations, a considérablement chuté depuis l'été 2008 pour avoisiner les 93 dollars le 21 février.En revanche, en euro, la baisse du prix du baril entre les deux périodes est bien moins marquée: il est passé de 93 euros le 11 juillet 2008 à environ 82 euros le 21 février.Malgré la baisse du baril de Brent depuis l'été 2008, le prix de l'essence est toutefois, comme le relève la publication, plus élevé aujourd'hui en raison d'une combinaison de plusieurs facteurs. capture d'écran du site carbu.com le 16 janvierLe prix du carburant, qui est actuellement de 1,798 euro pour un litre de sans plomb 95, ne dépend pas uniquement du prix du baril de pétrole, mais résulte de trois autres composantes: les marges de raffinage, de transport-distribution et la fiscalité.Les marges de raffinage restent "marginales", selon Thierry Bros, professeur à Sciences Po Paris et spécialiste des énergies.La marge de distribution a, en revanche, augmenté de quelques centimes depuis 2008, passant de 9,63 centimes d'euros par litre d'essence à 16,05 centimes en 2021. Cette augmentation est due notamment à l'introduction des biocarburants et des "certificats d'économies d'énergie" (CEE). "Grâce à une partie de ces marges, les distributeurs financent le bioéthanol ou subventionnent des travaux de rénovation " énergétique, explique François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et fondateur du site Fipeco.Deux taxes s'ajoutent au prix des carburants: la TICPE (qui inclut la "taxe carbone") et la TVA. Elles représentent entre 50 et 60% du prix des carburants, selon l'Union Française des Industries Pétrolières (Ufip). capture d'écran du site de l'UFIP le 17 février 2022La TICPE est la plus importante et représente à elle seule 40% du coût du carburant à la pompe. Depuis 2014, elle intègre une "composante carbone", qui doit financer la transition énergétique et devait augmenter progressivement chaque année jusqu'en 2022.Mais face au mouvement des "gilets jaunes", qui contestait la hausse du prix des carburants, le gouvernement a fait marche arrière en décembre 2018 et gelé son augmentation. Comme le montre le tableau ci-dessous, il n'y a donc pas eu d'augmentation de cette taxe depuis 2018. Capture d'écran du guide 2021 sur la fiscalité des énergies du ministère de la Transition écologiqueReste la TVA, passée de 19,6% à 20% en métropole sur les produits pétroliers en 2014. Depuis 2008, les taxes sur les carburants ont donc bel et bien augmenté mais cette hausse n'explique pas, à elle seule, la récente flambée des prix à la pompe, également alimentée par les fluctuations du marché de l'or noir. Sur fond de reprise de l'activité, le prix du baril s'est ainsi de nouveau envolé cet hiver, produisant un effet démultiplicateur pour le consommateur: cette hausse entraîne un renchérissement des deux taxes, qui augmentent du même coup plus fortement le prix à la pompe."Plus le prix du pétrole augmente, et plus les recettes de la TVA augmentent", résume Thierry Bros."Le cours du baril est le résultat de la confrontation entre l'offre et la demande", rappelle à l'AFP François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et fondateur du site Fipeco. "La demande de pétrole a repris en même temps que l'activité en 2021, au lendemain des confinements, tandis que certains pays producteurs de pétrole comme l'Arabie saoudite ont de telles capacités de production qu'ils peuvent se permettre de la réduire pour contrôler l'offre", constate-t-il.Profitant de cette forte hausse des cours des hydrocarbures, TotalEnergies a engrangé un énorme bénéfice net de 16 milliards de dollars en 2021.Jusqu'à la crise actuelle des prix des carburants, la hausse de la fiscalité sur les carburants ne se ressentait pas sur le prix à la pompe parce qu'elle était compensée par un cours du pétrole plus bas.Toutefois, la publication que nous examinons témoigne des nombreuses inquiétudes face à la hausse du prix des carburants et la perte de pouvoir d'achat qu'elle génère. Parmi les revendications des participants aux "convois de la liberté" début février figurait ainsi la baisse des taxes sur les carburants.Pour tenter d'éteindre la crise, le gouvernement avait annoncé fin 2021 des mesures d'urgence (chèque énergie supplémentaire et indemnité inflation) sans toutefois convaincre certaines associations de consommateurs.Parmi elles, 40 millions de consommateurs appelle à une baisse de la fiscalité sur les carburants, qu'elle juge trop élevée et préjudiciable au pouvoir d'achat des automobilistes.Même son de cloche du côté de François Carlier, délégué général de l'Association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV): "Quand les prix du pétrole flambent comme ça, dit-il, on aimerait a minima que la taxe joue un effet contracyclique pour alléger la facture de façon transitoire".
(fr)
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