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Des publications, partagées plus de 5000 fois sur Facebook depuis le 28 janvier, prétendent relayer une "astuce" de l'avocat Alberto Brusa permettant aux restaurateurs de recevoir des clients, en dépit de la fermeture de leurs établissements depuis le 30 octobre à cause de la crise sanitaire. Pour cela, il leur suffirait de créer une association, puis "de faire signer des papiers d'adhésions" à "tous les clients". Mais cette allégation est fausse, selon Bercy et plusieurs juristes. Alberto Brusa a de plus assuré à l’AFP que ses propos avaient été déformés."L'avocat Carlo Brusa de l'asso Réaction 19 propose aux restaurateurs de servir dans le cadre d'une association loi 1901. Il suffit de faire rentrer tout le monde, puis de fermer la porte et de faire signer des papiers d'adhésion à tous les clients", avance un visuel partagé 5.400 fois sur Facebook (1,2,3) depuis le 28 janvier. Ce prétexte permettrait aux restaurants fermés depuis le 30 octobre excepté pour la vente à emporter et le "click and collect", d'accueillir de nouveau leurs clients, en toute légalité . Capture d'écran réalisée sur Twitter le 04/02/2021 Capture d'écran réalisée sur Facebook le 04/02/2021 Ces publications ont pris de l'ampleur après l'appel d'un restaurateur du Doubs à ouvrir le 1er février afin de défendre leur "droit à travailler". L'"astuce", censée protéger les restaurants qui décideraient de suivre ce mouvement, a ainsi été relayée 900 fois sur Twitter (1,2) et Telegram. "Comment justifier qu'un commerce déclaré en restauration devienne du jour au lendemain une association ? C'est vraiment possible ?", s'interroge un internaute. Capture d'écran prise sur Twitter le 04/02/2021 Capture d'écran prise sur Twitter le 04/02/2021 Contacté le 3 février par l'AFP, Alberto Brusa nie pourtant avoir pas tenu de tels propos. "Je n'ai pas donné de conseils pour violer la loi", affirme l'avocat, expliquant avoir conseillé un restaurateur qui souhaitait ouvrir le 1er février. Alberto Brusa, dont la notoriété à explosé pendant la pandémie, est connu pour avoir pris la défense de stars du football lors de carrière comme Franck Ribéry, Zinédine Zidane, Laurent Blanc ou encore Didier Deschamps. Très critique de la gestion de la crise sanitaire, il a lancé, lors du premier confinement, son association Réaction 19, qui propose des formulaires pré-remplis à ses adhérents pour qu'ils puissent déposer des plaintes contre les autorités ou les laboratoires.L'un de ces textes permettrait par exemple aux parents de refuser que leurs enfants soient dépistés pour le Covid-19 à l'école. L'avocat publie régulièrement des vidéos sur sa chaîne Youtube, fustigeant le confinement, le port du masque ou encore les vaccins à ARN. Sa chaîne cumule quasiment 3 millions de vues. L'une publiée, le 27 janvier, évoque la possibilité pour les restaurateurs de créer une association. Très relayée sur les réseaux sociaux, elle semble avoir inspiré les publications qui assurent citer l'avocat. Capture d'écran réalisée sur Facebook le 04/02/2021Mais Alberto Brusa affirme que son message a été "mal compris". Pour "clarifier la situation", l'avocat annonce la mise en ligne d'une vidéo dans les prochains jours visant à "éclairer les restaurateurs sur la problématique des associations". Une association ne peut être à but lucratifLe raisonnement de ces publications apparaît "fantaisiste" pour Xavier Dupré de Boulois, professeur de droit à l'université Paris-I, car l'article 40 du décret du 29 octobre 2020 dispose que les restaurants ne peuvent accueillir du public. Or, "le procédé dit de l'association loi 1901 n'autorise en rien à contourner cet article 40", explique-t-il, ajoutant "qu'aucun juge ne ferait crédit à ce genre d'élucubration juridique". Contacté par l'AFP le 3 février, Bercy nie également les allégations selon laquelle il existerait une telle faille juridique car "l'interdiction concerne toutes les activités des ERP (établissements recevant du public) et leur forme juridique est inopérante, c'est-à-dire qu'elle n'a rien à voir avec leur statut (entreprise, association…)""Ça me paraît être un gros détournement de procédure", abonde Serge Slama, professeur de droit public à l'université de Grenoble-Alpes. "C'est vrai qu’il est possible de se réunir dans un local associatif en prenant les distances nécessaires. Le problème, c'est que le régime fiscal d'une association n'est pas compatible avec un système de restauration", estime-t-il.En effet, "faire basculer une entreprise en association est discutable car le restaurant reste à but lucratif", rappelle Eric Péchillon, professeur de droit public à l’université Bretagne-Sud. Or, une association n'est pas autorisée à faire des bénéfices. Le restaurateur pourrait donc, en théorie, créer une association et recevoir ses adhérents mais sans tirer de profit des repas qu'il leur servirait. L’affirmation selon laquelle les clients ne "payent pas le menu mais une cotisation", est également réfutée par Eric Péchillon, qui assure que "faire passer la facture en cotisation est plus que discutable, car cela revient à fixer une cotisation à chaque sortie du restaurant et la cotisation ne serait pas la même pour chaque adhérent"."Depuis le début de la pandémie, on nous a sorti des centaines de failles juridiques, il y en a aucune qui s'est vérifiée à ma connaissance", met en garde le juriste Serge Slama. Les restaurateurs risqueraient grosPour le vice-président de l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (UMIH) Hervé Becam, "il est hors de question de soutenir une action telle que celle-là, parce que c'est complètement irréaliste". La première organisation patronale du secteur, contactée le 3 février, explique avoir entendu parler de cette rumeur mais n'a pas connaissance de restaurateurs qui auraient tenté d'ouvrir selon cette méthode. Le secteur de la restauration vit une crise inédite depuis l'apparition du nouveau coronavirus en France. Fortement touchés par les mesures prises pour éviter la propagation du virus, les restaurateurs ont connu une nouvelle désillusion, alors que la réouverture de leurs établissements, initialement prévue le 20 janvier, a de nouveau été reportée à une date inconnue. Mais contrairement à ce que laissent entendre ces publications, les restaurateurs qui décideraient d'enfreindre les règles sanitaires pour servir de nouveau des clients à table encourent des sanctions. Leur accès au fonds de solidarité, qui s'élève à 10 000 euros mensuels (ou une indemnisation de 20% du chiffre d'affaires 2019 dans la limite 200 000 euros par mois), pourrait être "suspendu pendant un mois", a prévenu le ministre de l'Economie Bruno Le Maire le 1er février.Cette menace a déjà été mise à exécution pour 24 restaurants clandestins découverts en janvier à Paris, et qui font aussi l'objet d'une fermeture administrative de 15 jours. L'aide de l'Etat aux restaurateurs pourrait même être définitivement supprimée en cas de récidive, a mis en garde le gouvernement.
(fr)
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