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Deux visuels partagés plusieurs centaines de fois depuis fin avril prétendent donner le nombre de décès dus aux vaccins Pfizer et AstraZeneca à partir de données de l'Agence européenne des médicaments. En réalité, le calcul réalisé pour aboutir à ces chiffres s'appuie sur une utilisation trompeuse de la base de données européenne sur les déclarations d'effets secondaires potentiels, a expliqué l'EMA à l'AFP : elle recense tous les cas de décès notifiés après une vaccination, pas forcément en raison de celle-ci."Déjà 4457 MORTS en Europes" écrit l'auteur de cette publication au sujet du vaccin de Pfizer-BioNtech, affirmant que ces données ont été "vérifiées sur le site de l'Agence Européenne des Médicaments". Il publie à l'appui une compilation de "décès enregistrés par pathologie" à jour au 17 avril. Une autre publication similaire prétend donner le nombre de décès dus au vaccin d'AstraZeneca, soit 1706 morts au 17 avril 2021, à partir de la même source: une base de données de l'Agence européenne des médicaments (EMA). Captures d'écran réalisées le 06/05/2021 sur Facebook Ces visuels ont été publiés sur la page belge de "Réinfocovid", un collectif fondé par Louis Fouché, dont les affirmations sont régulièrement vérifiées par l'AFP. Des publications similaires sont partagées sur Instagram comme celle-ci, qui évoque 8 430 décès liés aux quatre vaccins autorisés en Europe au 24 avril, en citant là encore la base de données EudraVigilance de l'EMA. Elles circulent également dans d'autres pays et ont été vérifiées par l'AFP notamment aux Pays-Bas et en Allemagne.En français aussi, des publications prétendant calculer le nombre de décès dus aux vaccins grâce aux mêmes chiffres de l'EMA apparaissent régulièrement sur les réseaux sociaux et ont déjà été vérifiées ici et ici par l'AFP. Des chiffres, y compris de décès, classés sous différentes catégories de troubles (du système nerveux, cardiaque, vasculaire…) sont bien disponibles dans cette base de données de l'EMA pour chacun des vaccins anti-Covid autorisés dans l'Union européenne - ceux du 17 avril ne sont plus disponibles car ils ont depuis été actualisés. Mais comme l'explique l'EMA, ces remontées d'"effets indésirables suspectés" ne disent rien d'un éventuel lien de causalité entre décès et vaccins. L'agence a en outre expliqué à l'AFP qu'il n'est pas pertinent d'additionner ces chiffres comme le font les publications. Aucun lien de causalité confirmé Les chiffres repris dans ces visuels sont calculés à partir de la base de données Eudravigilance de l'Agence européenne des médicaments, qui recense les effets indésirables suspectés des médicaments et dont le site précise d'emblée que son contenu ne reflète "aucune confirmation d'un lien potentiel entre le médicament et le(s) effet(s) observé(s)".Les médecins et les particuliers peuvent y faire remonter l'existence d'effets secondaires potentiels apparus plus ou moins longtemps après une injection, sur lesquels les autorités de pharmacologie devront enquêter pour déterminer si un lien peut ou non être établi avec le vaccin.Contactée le 21 avril par l'AFP, l'EMA a insisté sur le fait que ces chiffres "ne signifient pas nécessairement que les événements rapportés ont été causés par le vaccin". "Les rapports de cas spontanés d'effets secondaires suspectés sont rarement suffisants pour prouver qu'un certain effet suspecté a effectivement été causé par un médicament spécifique", a-t-elle ajouté. Une précision faite également sur le site Eudravigilance, qui explique que les "effets indésirables suspectés peuvent ne pas être liés au médicament ou ne pas avoir été provoqués par ce dernier". "Dans la vie réelle les gens meurent, ont des infarctus, des thromboses, des cancers... Donc vous allez voir tous ces événements mais ça ne veut pas forcément dire qu'ils sont liés à la vaccination. Ce qui aurait été étonnant c'est qu'on ne déclare pas de décès après la vaccination", avait déclaré le 12 mars à l'AFP Jean-Daniel Lelièvre, chef du service des maladies infectieuses de l'Hôpital Henri-Mondor à Créteil et expert sur la question des vaccins à la Haute autorité de Santé, au sujet de cette base de données.Pour parvenir aux chiffres donnés dans les publications que nous vérifions, l'auteur s'est rendu sur le site d'Eudravigilance, puis dans l'onglet "rapports sur les effets indésirables suspectés des médicaments pour les substances" et dans la lettre "C". L'internaute a alors accès à tous les événements rapportés pour chaque vaccin anti-Covid utilisé dans l'Union européenne. Pour chacun, il peut consulter dans l'onglet "Number of Individual cases for a selected reaction" ("Nombre de cas individuels pour une réaction sélectionnée") un chiffre répertoriant des décès ("Outcome: fatal", en bas à droite de la capture d'écran). Capture d'écran réalisée le 05/05/2021 sur le site Eudravigilance Les chiffres partagés dans ces publications viennent de l'addition de ces "fatal outcome" - "issue mortelle" en français - pour chaque type de réaction, comme l'explique par ailleurs la page de Réinfocovid en commentaire d'une des publications. Capture d'écran réalisée le 05/05/2021 sur Facebook Pourtant, une telle addition n'a pas de sens, a expliqué l'EMA à l'AFP : "Il est important de noter qu'une déclaration d'effet secondaire peut contenir plus d'une réaction suspectée et que ces réactions peuvent être classées dans différents groupes de réactions. Par conséquent, la somme du nombre de cas mortels par groupe de réactions ne donnera jamais le nombre total de cas mortels", a expliqué l'agence, prenant l'exemple d'un patient ayant souffert de vomissements et de maux de tête après la vaccination. Ce patient sera alors "comptabilisé dans le groupe de réactions 'troubles gastro-intestinaux' et dans le groupe de réactions 'troubles du système nerveux'", qui ne sauraient donc être additionnés, a expliqué l'EMA. "12.000 personnes meurent chaque jour dans l'UE de causes diverses, dont 83 % sont âgées de plus de 65 ans", a rappelé l'Agence européenne des médicaments. Et les campagnes de vaccination des pays européens ont majoritairement concerné dans un premier temps les personnes âgées, plus susceptibles de développer une forme grave du Covid et d'en mourir.La mise sur le marché des vaccins est strictement encadrée Ces visuels invoquent une date de fin des essais des vaccins de Pfizer/BioNTech et Astrazeneca, en avril 2023 pour le premier, en février 2023 pour le deuxième, pour affirmer que les personnes vaccinées sont "des cobayes". Les vaccins mis au point par BioNTech et Pfizer, Moderna, AstraZeneca et Johnson & Johnson ont reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) dite "conditionnelle", respectivement les 21 décembre, 6 janvier, 29 janvier et 11 mars, comme l'expliquait l'AFP dans ce précédent article de vérification.Cette AMM conditionnelle permet aux développeurs du vaccin de soumettre des données supplémentaires (études nouvelles ou en cours) après le feu vert des autorités, contrairement à une AMM classique où la totalité des données doit être soumise avant, et d'accélérer ainsi la mise à disposition des médicaments, ici des vaccins. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les vaccins mis sur le marché n'ont pas été testés correctement. "L'AMM conditionnelle rassemble tous les verrous de contrôles d’une autorisation de mise sur le marché standard pour garantir un niveau élevé de sécurité pour les patients", précise l'Agence nationale du médicament (ANSM) française sur son site. En dépit d'un processus accéléré, les vaccins ont suivi les étapes imposées à chaque traitement avant une mise sur le marché européen et français.Quant aux résultats de la phase 3 des essais cliniques, qui se déroule sur des milliers de volontaires, ils ont bien été communiqués (ici pour AstraZeneca et ici pour Pfizer, en décembre) et jugés assez solides et convaincants pour autoriser les vaccins anti-Covid, mais peuvent être mis à jour et complétés ensuite. Les dates reprises dans ces visuels correspondent à la fin estimée de la collecte des données (efficacité et sûreté à plus long terme) pour cette phase 3. Comme nous l'expliquions dans cet article, les quatre vaccins autorisés font par ailleurs l'objet d'une quatrième phase, dite de pharmacovigilance, après autorisation, pour suivre de près les effets secondaires des vaccins aussi bien en France, par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), en Belgique, par l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS), qu'à l'échelle européenne, par l'Agence européenne des médicaments.De possibles effets secondaires surveillés de près En revanche, comme l'a rapporté l'AFP, l'EMA a reconnu en avril que les caillots sanguins doivent être répertoriés comme un effet secondaire "très rare" des vaccin AstraZeneca et Johnson & Johnson contre le Covid-19. Elle a reconnu dans les deux cas "un lien possible" entre ces vaccins et "de très rares cas de caillots sanguins inhabituels associés à des plaquettes sanguines basses", tout en estimant dans les deux cas que les bénéfices l'emportent sur les risques. Pour le vaccin AstraZeneca, l'EMA estime le risque de tels caillots à 1/100 000. En France, l'Agence nationale de sécurité du médicament a par ailleurs fait état fin avril de cinq cas de myocardite (une inflammation du muscle cardiaque) déclarés chez des personnes ayant été vaccinées avec le vaccin de Pfizer. L'ANSM a cependant précisé que "les données disponibles n’apportent pas, à ce stade, suffisamment d’éléments pour conclure sur un rôle du vaccin, mais constituent néanmoins un signal potentiel" qui sera surveillé.Au 4 mai 2021, plus de 16 millions de Français avaient reçu au moins une dose de vaccin. En Belgique, qui compte plus de 11 millions d'habitants, plus de 3 millions de personnes avaient reçu au moins une dose au 4 mai 2021. L'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS), chargée de la surveillance des effets indésirables suspectés, a rapporté le 22 avril 11.680 notifications d'effets indésirables suspectés, dont la majorité des cas concernait des notifications de fièvre, de douleurs musculaires, de malaise ou de réaction au point d'injection. Le visuel sur Pfizer affirme aussi que le laboratoire pharmaceutique a été "condamné à des milliards de dollars d'amende", sans donner de date. Comme nous l'expliquions dans un précédent article, le laboratoire américain a en effet été condamné en 2009 par la justice américaine pour avoir fait la promotion d'un médicament anti-inflammatoire pour plusieurs usages et dosages que la FDA (l'autorité sanitaire américaine du médicament) avait refusé de valider en raison de doutes sur les risques associés.
(fr)
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