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  • 2022-12-15 (xsd:date)
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  • Non, il n'y a pas de "crédit social" en Australie pour accéder aux réseaux sociaux (fr)
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  • De nombreux internautes affirment que l'Australie a instauré un système de "crédit social" pour accéder aux réseaux sociaux, obligeant les citoyens à disposer de "100 points d'identification" pour les utiliser. Dénonçant une "dictature", ces internautes font cependant un amalgame trompeur avec le système de "crédit social" qui existe en Chine, où les citoyens disposent d'un capital de points, qui peut croître ou baisser selon leur comportement dans la société. Quant au système australien des "100 points d'identification", il s'agit d'une procédure d'identification pour les démarches administratives. Un rapport parlementaire en 2021 avait bien proposé d'étendre aux réseaux sociaux ce système d'identification pour lutter contre les abus sur internet mais cela n'a jamais été mis en place. Le gouvernement australien doit donner "une réponse formelle" à ce rapport en 2023, ainsi que l'indique le ministère australien des Affaires sociales à l'AFP. Sur Facebook (1, 2, 3) comme sur Twitter (4, 5), des internautes s'inquiètent, depuis le 12 décembre 2022, de la prétendue mise en place, en Australie, d'un système contraignant d'accès à certains services en ligne : "l'Australie, premier pays occidental a instaurer le crédit social", "Ça commence en Australie [...] Le crédit social introduit pour accéder à internet, via votre identifiant numérique."A en croire leurs publications partagées des milliers de fois, les Australiens seraient actuellement soumis à une obligation similaire aux règles mises en place en Chine ces dernières années permettant à la police de sanctionner certaines infractions en retirant des points au "crédit social" du citoyen concerné. Chaque citoyen a un capital de points, qui peut augmenter ou au contraire être réduit selon le comportement de la personne.Les différents systèmes en Chine peuvent par exemple empêcher certains citoyens de prendre le train, l'avion ou d'effectuer une réservation d'hôtel, tandis que le métro de Pékin a annoncé en mai 2019 qu'il avait commencé à enlever des points aux voyageurs qui mangent à l'intérieur des rames.Dans le cas de l'Australie, selon le texte relayé sur les réseaux sociaux, "les citoyens ont besoin de 100 points d'identification pour utiliser les médias sociaux et la police aura accès à vos comptes, y compris la messagerie privée". Capture d'écran réalisée sur Facebook le 15 décembre 2022. Capture d'écran réalisée sur Twitter le 15 décembre 2022.  Pourtant, la vidéo de journal télévisé relayée sur les réseaux sociaux - y compris dans des publications en anglais - en guise de source se montre bien moins affirmative.Et pour cause : il s'agit d'une séquence diffusée le 1er avril 2021 dans l'émission matinale "The Today Show", sur la chaîne australienne Channel 9, qui détaillait des "recommandations formulées dans le cadre d'une enquête parlementaire fédérale", comme l'indiquait Oliver Haig, le journaliste interviewé en duplex. En réponse à la question de la présentatrice Allison Langdon sur la teneur du "plan radical [envisagé] par le gouvernement fédéral pour réprimer les abus sur les médias sociaux", ce dernier indiquait ainsi : "En gros, cela fonctionnerait de la même manière qu'un passeport. Les Australiens [seraient] contraints de présenter 100 points d'identification, comme leur permis de conduire ou leur passeport, lorsqu'ils utilisent des comptes de réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter. La police aurait accès à ces comptes sur les réseaux sociaux.""Tout cela fait partie d'un plan visant à dissuader les gens d'adopter un mauvais comportement [en ligne]. [...] Les réformes [de cette enquête parlementaire] ont toutes été étudiées par le gouvernement Morrison, le responsable [de l'enquête parlementaire, Andrew Wallace] ayant déclaré que 'le fait de supprimer le voile de l'anonymat présente certains mérites'", concluait le journaliste. On retrouve également cet usage du conditionnel dans la légende du tweet de la chaîne accompagnant la séquence originelle : "Le gouvernement réfléchit à une stratégie de répression des dérives sur les réseaux sociaux. [...] Les utilisateurs pourraient bientôt avoir à fournir 100 points d'identification, ce qui ferait disparaître le voile de l'anonymat." Keyboard warriors beware - a plan to crack down on social media abuse is being considered by the government, with users facing defamation suits and fines for bad behaviour. Users could soon have to submit 100 points of identification, lifting the veil of anonymity. #9Todaypic.twitter.com/EFLPrOTrIC — The Today Show (@TheTodayShow) April 1, 2021 "Cette recommandation n'a jamais été adoptée"De fait, la trentième recommandation (p. 31) - sur 88 - de cette enquête "sur les violences conjugales, familiales et sexuelles" réalisée en mars 2021 par le Comité parlementaire de la politique sociale et des affaires juridiques, publiée sur le site du Parlement australien, suggérait plusieurs pistes pour lutter contre les "violences facilitées par la technologie".Ce rapport préconisait notamment que les "clients désirant créer ou continuer d'utiliser un compte sur les réseaux sociaux se voient légalement obligés de s'identifier sur une plateforme en utilisant [le système] '100 points d'identification', à l'instar de l'obligation d'identification requise pour toute personne [utilisant] un téléphone portable ou achetant une carte SIM." Pour certifier leur identité en ligne dans le cadre de certaines démarches administratives (permis de conduire, mariage, décès, etc.) les Australiens doivent en effet certifier leur identité en atteignant les "100 points d'identification" requis, ceux-ci étant obtenus grâce à l'envoi de différents documents personnels, d'une valeur numérique variable selon leur catégorie.Comme l'expliquent différents sites gouvernementaux australiens, dont le site de la police d'Australie du Sud, un certificat de naissance ou un passeport valent par exemple tous les deux 70 points, contre 40 points pour un permis de conduire ou encore 35 points pour un document prouvant un prêt immobilier. "Les réseaux sociaux doivent fournir ces informations d'identification lorsque cela est exigé par le Commissionnaire de l'e-sécurité [l'équivalent australien de la Cnil NDLR], par les forces de l'ordre ou par un tribunal judiciaire", suggérait également la recommandation du rapport parlementaire. Capture d'écran de l'enquête parlementaire australienne "sur les violences conjugales, familiales et sexuelles" (p.31), réalisée le 15 décembre 2022.Mais, depuis qu'elle a été formulée, il y a bientôt deux ans, cette recommandation n'est jamais entrée en vigueur, comme l'a confirmé le 14 décembre 2022 à l'AFP Samantha Floreani, responsable de projet au sein de l'ONG australienne de défense des droits numériques Digital Rights Watch : "Cette recommandation avait entraîné des débats publics et médiatiques mais elle n'a jamais été adoptée." Le gouvernement de l'époque, dirigé par le Premier ministre Scott Morrison, a en outre cédé la place, au terme des élections législatives de mai 2022, à un nouveau gouvernement dirigé par Anthony Albanese. "Depuis l'élection, le nouveau gouvernement australien n'a aucunement manifesté l'intention de mettre en place une obligation d'identification pour accéder aux réseaux sociaux", ajoute Samantha Floreani. Joint par l'AFP, un porte-parole du ministère des Affaires sociales précise que le rapport de 2021 du Comité parlementaire de la politique sociale et des affaires juridiques marquait l'aboutissement "d'un travail entamé en 2020 en vue d'éclairer le prochain Plan national de lutte contre les violences faites aux femmes et à leurs enfants"."Ce rapport et ses recommandations ont éclairé la conception du Plan national pour mettre fin aux violences contre les femmes et les enfants 2022-2032, publié [...] le 17 octobre 2022]. [...] Le gouvernement australien prévoit de donner une réponse formelle au rapport parlementaire en 2023", poursuit le porte-parole du ministère. Un accès aux comptes de réseaux sociaux autorisé en cas de suspicion de certaines activités criminellesDigital Rights Watch s'était ouvertement inquiétée, dans un rapport de janvier 2022, revenant sur les différents points de l'étude parlementaire, de "l'impact" d'un tel système d'identification sur "le droit à la vie privée et la possibilité de rester anonyme en ligne", en déplorant que "l'idée selon laquelle réduire l'anonymat entraînerait naturellement une diminution des violences en ligne est illusoire." "Peu après la proposition de l'identification à travers un système de points, l'ancien gouvernement avait proposé un texte, en octobre 2021, qui, en cas d'adoption, aurait obligé les réseaux sociaux à adopter des mesures efficaces pour vérifier l'âge de leurs utilisateurs, ce qui a de nouveau laissé craindre une obligation de fournir des documents d'identité. Les défenseurs de la vie privée ont vivement critiqué ce projet de loi, qui n'a jamais été adopté", précise aujourd'hui Samantha Floreani. La responsable de projet de Digital Rights Watch souligne en revanche que "l'accès de la police aux comptes sur les réseaux sociaux" évoqué dans ces publications virales est "plus proche de la réalité", une loi adoptée en 2021 dotant les forces de l'ordre de nouvelles prérogatives, parmi lesquelles "la possibilité d'ajouter, de copier, d'effacer ou d'altérer' les données présentes sur un appareil, de prendre la main sur un compte et d'accéder à des réseaux entiers en cas de suspicion d'activité criminelle". Si le gouvernement assure que ces prérogatives - concernant notamment "les comptes sur les réseaux sociaux, les comptes bancaires en ligne et les comptes associés à des forums de discussion" - sont utilisées "de manière proportionnée et ciblée" dans le cadre, uniquement pour des infractions punissables d'au moins trois ans de prisons, Digital Rights Watch s'était inquiété, peu après leur adoption, de qu'elle considère comme un "nouveau mandat de surveillance de masse de l'Australie". (fr)
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