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Dans deux publications partagées plusieurs centaines de fois depuis mi-mai, une avocate luxembourgeoise affirme que le vaccin de Pfizer/BioNTech contre le Covid-19 est "dangereux", "inutile", et même "illégal". Elle plaide pour la suspension immédiate de ce vaccin au motif qu’il pourrait, selon elle, détruire le système immunitaire, rendre stérile, modifier l’ADN, créer des thromboses et favoriser l'émergence de variants plus virulents. Ces affirmations sont fausses ou infondées et ont déjà été vérifiées par l'AFP à plusieurs reprises. "J'ai déposé, au nom de l'association European Forum for Vaccine Vigilance, un recours en annulation de la Décision d'implémentation de la Commission Européenne du 21 décembre 2020 (...) afin d'obtenir la suspension immédiate de circulation, vente, distribution, cession ou importation (du vaccin de Pfizer/Biontech, ndlr) extrêmement dangereux et de nulle effet thérapeutique, au moins pour les buts dans lesquels il est injecté", écrit cette internaute, qui se présente comme une avocate au Luxembourg. Capture d'écran réalisée le 18/05/2021 sur Facebook Dans ce long texte, Nuria Iturralde qualifie le vaccin de Pfizer/BioNtech de "thérapie génique", affirmant notamment qu'il entraîne un "risque de modification génétique (...) pouvant se transmettre à la descendance", qu'il accroît le "risque de contamination aux personnes non-vaccinées" et celui de "création de pandémies virulentes", ou encore qu'il peut provoquer la création "de mutants et de variants" du virus. Ces affirmations sont fausses ou trompeuses et ont déjà été vérifiées par l'AFP. Sur sa page Facebook, Nuria Iturralde, qui figure effectivement dans l’annuaire du barreau du Luxembourg, a partagé plusieurs affirmations déjà vérifiées par l'AFP : elle déclarait ainsi le 10 mars 2021 dans un long post que le masque pouvait provoquer l'hypoxie (un manque d'oxygène) chez les enfants, une affirmation sans fondement qui a été vérifiée par l'AFP à plusieurs reprises, ici et ici par exemple. L'association "European Forum for Vaccine Vigilance", au nom de laquelle elle dit avoir déposé un recours, a notamment relayé sur son compte Twitter les tweets de Geert Vanden Bossche, un scientifique flamand dont une lettre très virale sur les réseaux sociaux a été vérifiée par l'AFP à plusieurs reprises, ici, ici ou encore ici en anglais. Au Luxembourg, au 19 mai 2021, plus de 32% de la population avait reçu au moins une dose de vaccin, celui de Pfizer/BioNTech étant le plus utilisé. Le vaccin risque de provoquer la "destruction du système immunitaire de la personne vaccinée" FAUXLe vaccin mis au point par BioNTech et Pfizer est le premier vaccin contre le covid-19 autorisé dans l’Union européenne: il a reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) dite "conditionnelle" délivrée par l'Agence européenne du médicament (EMA) le 21 décembre 2020. Ce vaccin fonctionne sur une technologie à ARN, développée depuis plusieurs années mais approuvée pour la première fois sur l'homme avec les vaccins contre le Covid-19. Elle consiste en l'injection d'ARN de synthèse, qui va dire aux cellules de l'organisme vacciné de fabriquer une protéine spécifique du virus, appelée "spike" (ou en français protéine "de pointe"). Ces protéines se trouvent à la surface de la cellule et sont détectées par le système immunitaire, qui crée alors des anticorps contre les protéines, et qui, ainsi entraîné, sera à même de nous défendre contre le virus si nous le croisons. Parmi les "risques identifiés" du vaccin de Pfizer par Nuria Iturralde, il y a la "destruction du système immunitaire" de la personne vaccinée qui deviendrait une "usine de production de la protéine spike". Cette théorie avait notamment été évoquée par une immunologue irlandaise en février, qui affirmait que les vaccins à ARN tueraient par une sur-réaction du système immunitaire, qui s'attaquerait aux organes en confondant les protéines du virus et celles initiées par le vaccin. Ses propos ont été vérifiés par l'AFP.Ainsi, l'Agence européenne du médicament expliquait en janvier que : "Lorsqu'une personne reçoit le vaccin, certaines de ses cellules lisent les instructions de l'ARN et produisent temporairement la protéine de pointe". "Si la protéine virale était produite en permanence, il y aurait en effet un risque d'inflammation immunitaire, mais ce n'est pas comme ça que le vaccin fonctionne", a précisé Eric Muraille, biologiste et immunologiste à l’Université libre de Bruxelles et maître de recherche au Fonds de la recherche scientifique: "Les organes fabriquent des protéines virales grâce à l'ARN des vaccins, mais ils le font pendant très peu de temps : l'ARN n'est pas stable et le temps de persistance chez l'animal a été estimé à 48 heures". Pour éviter des inflammations du système immunitaire, "on déconseille de se faire vacciner trop peu de temps après une infection au coronavirus", a ajouté Eric Muraille. En France, la Haute Autorité de Santé conseille d'attendre au moins trois mois après avoir été infecté par le Covid-19 pour se faire vacciner. Les vaccins à ARN ne détruisent donc pas le système immunitaire inné, mais s'appuient sur celui-ci pour compléter l'immunité innée avec l'immunité acquise, comme expliqué sur ce document du CRIS, centre régional de prévention du sida et pour la santé des jeunes de l'Ile-de-France.Le vaccin risque de favoriser l’émergence de variants plus virulents Ce risque existe, avec ou sans vaccins Ces affirmations renvoient aux propos d'un scientifique flamand, qui affirmait dans une lettre vérifiée par l'AFP en mars 2021 que les campagnes de vaccination seraient potentiellement plus dangereuses que le virus lui-même, car elles pourraient provoquer une "fuite immunitaire adaptative" massive, c'est-à-dire le développement de variants plus résistants aux vaccins et donc, selon lui, entraîner une pandémie plus virulente. Cette théorie repose sur l'idée que le Sars-Cov-2 est en constante mutation. Or, Les coronavirus ont cette particularité d'être plus stables que d'autres virus à ARN, comme l'indique l'Inserm sur son site: "Le SARS-CoV-2 muterait ainsi environ deux fois moins rapidement que les virus grippaux". "A la différence d'autres virus à ARN, les coronavirus ont un système de correction des erreurs de copie", avait aussi expliqué à l’AFP Michel Moutschen, chef du service infectiologie et professeur en immunopathologie à l'Université de Liège, "ce qui rend la probabilité de mutations significatives bien plus faibles que pour le VIH par exemple".Le risque que le virus puisse "échapper" aux anticorps induits par le vaccin ou par le système immunitaire, grâce au développement d'une résistance accrue, via des mutations, existe. Dans une étude publiée le 9 mars 2021 par une équipe de chercheurs de l'université de Princeton, consultable en entier ici, les scientifiques expliquent que "si l'administration d'une seule dose d'un vaccin à deux doses contre le SRAS-CoV-2 tend à réduire les infections à court terme si elle produit une forte réponse immunitaire, elle peut augmenter le potentiel du virus à "échapper" aux thérapies à plus long terme si l'immunité vaccinale à une dose est faible". Pour pallier ce risque, les chercheurs soulignent la nécessité d'un déploiement rapide du vaccin. Une conclusion partagée par le professeur en immunopathologie Michel Moutschen : "Si vous mettez tous les jours une toute petite quantité d'insecticide sur une fourmilière, vous allez tuer quelques pourcentages des fourmis et ensuite, certaines fourmis vont devenir très résistantes à l'insecticide. Alors que si vous mettez une grosse quantité d'un coup les mutants ne pourront jamais survivre", a-t-il expliqué à l'AFP le 22 mars 2021.De plus, le Covid-19 mute même sans les vaccins. Ainsi certains variants actuels du Sars-Cov-2, comme le variant anglais ou le variant sud-africain, sont apparus avant le début des campagnes de vaccination. Les scientifiques de Flanders Vaccine, une plateforme rassemblant des experts dans les domaines de l'immunothérapie et des vaccins humains et animaux, ont expliqué à l’AFP le 19 mars 2021 que le risque qu'un vaccin provoque l'apparition de variants du Covid-19 n'était pas plus élevé que si on laissait le coronavirus circuler librement : "Il est probable qu'il y aurait eu des mutations même sans les vaccins. Il y a toujours un équilibre risque/bénéfice - si vous ne vaccinez pas les gens, les variants deviendront de toute façon plus mortels. Et si vous ne les protégez pas, vous prenez le risque que les gens meurent, tout simplement". Une soignante prépare une injection du vaccin de Moderna au centre de vaccination Hall Victor Hugo à Luxembourg, le 21 janvier 2021. (AFP / Jean-christophe Verhaegen)Le vaccin à ARN peut entraîner "une modification génétique (ADN) et épigénétique pouvant se transmettre à la descendance" FAUXC'est l'une des théories les plus répandues sur les vaccins à ARN : ils pourraient modifier le code génétique des personnes vaccinées. L'AFP y a déjà répondu à plusieurs reprises, ici par exemple. Sur son site, l'Université du Luxembourg explique ainsi que "l'ARNm diffère fondamentalement de l'ADN et n'est donc pas capable de s'intégrer dans le génome humain ou d'interférer avec lui. En outre, l'ADN humain réside dans le noyau où il est également protégé des influences extérieures ; par conséquent, l'ARNm ne peut pas non plus entrer physiquement en contact avec l'ADN". Nuria Iturralde affirme également que cette "modification génétique" pourrait se transmettre "à la descendance". L'AFP avait déjà vérifié les propos du Pr Christian Perronne, qui affirmait en décembre que les vaccins pourraient "transmettre ces modifications génétiques à nos enfants" en modifiant nos spermatozoïdes.Or, comme l'ont démontré ci-dessus plusieurs scientifiques, l'ARN, y compris celui de ces vaccins, ne peut pas modifier le génome."Le vaccin à ARN reste localement, il ne va pas se promener partout dans vos testicules, qui sont un sanctuaire immunologique. Et on n'a jamais vacciné quelqu'un dans les testicules...", avait alors réagi le professeur Jean-Daniel Lelièvre, immunologiste à l'hôpital Henri Mondor de Créteil.La personne vaccinée risque de transmettre le Covid-19 aux personnes non vaccinées FAUX Selon cette avocate, les personnes vaccinées avec un vaccin à ARN risquent de contaminer "les personnes non-vaccinées par contact ou simple partage de l'air". Les personnes infectées par le Covid-19 peuvent transmettre ce virus par contact ou par transmissions de gouttelettes infectées via l'air. En revanche, contrairement à ce qu'affirme cette avocate, les personnes vaccinées ont moins de risque d'être infectées ou de transmettre le virus. Une étude publiée le 15 avril 2021 dans The New England Journal of Medicine et relayée sur le site du CNRS montre ainsi qu'"une semaine après avoir reçu sa deuxième dose de vaccin, une personne a dix fois moins de risque d’être infectée sans le savoir et de potentiellement transmettre le virus". Fin mars 2021, l'AFP avait vérifié les fausses allégations de la généticienne Alexandra Henrion-Caude, qui disait que les personnes vaccinées étaient plus contagieuses que les personnes non vaccinées. Le 14 mai, l'OMS a recommandé que les personnes vaccinées gardent leur masque dans les régions où la transmission du virus est élevée, indiquant que les données provenant des pays qui étendent la vaccination montrent que les vaccins "protègent contre l'infection dans une proportion allant de 70 à 80%". De sorte que l'on peut toujours être infecté, avoir une maladie asymptomatique ou légère même après avoir été vacciné, a-t-elle relevé, en indiquant que ce n'était pas une surprise.En Israël, où plus de la moitié de la population a reçu ses deux doses de vaccins, le masque n’est plus obligatoire en extérieur depuis le 18 avril. Le vaccin peut rendre stérile TOTALEMENT INFONDÉCette théorie est extrêmement répandue sur les réseaux sociaux, notamment aux Etats-Unis et décourage beaucoup d'Américains de se faire vacciner, comme l'explique cette dépêche. Des publications affirment en effet que le vaccin à ARN peut pousser le système immunitaire à attaquer une protéine impliquée dans le développement du placenta, la syncytine-1, conduisant ainsi à une infertilité chez les femmes.Une théorie que rien ne vient étayer à ce jour et qui est même plus qu'improbable tant le risque que l'organisme "se trompe" de cible est infinitésimal voire inexistant, ont expliqué plusieurs spécialistes à l'AFP dans cet article publié mi-décembre 2020.Interrogée le 11 mai 2021, Dasantila Golemi-Kotra, microbiologiste à l'Université de York, a déclaré à l'AFP que "les anticorps induits par le vaccin contre la protéine spike du SRAS-CoV-2 sont peu susceptibles de réagir de manière croisée avec la syncytine-1 ou -2 dans l'organisme et de conduire à l'infertilité."Milos Babic, biologiste moléculaire et neurobiologiste à l'université de l'Arizona, a abondé dans le même sens, expliquant que "si cet argument était vrai et que les vaccins présentaient un risque pour la fertilité, le virus serait alors une garantie d'infertilité. Si quelqu'un devenait infertile après avoir reçu le vaccin, alors tous les autres seraient stériles après (avoir été infectés) par le virus." L'AFP a également vérifié des affirmations similaires ici. Risque de caillots de sang et de thrombose Aucun lien établi avec des vaccins à ARNmLes effets indésirables potentiellement liés aux vaccins sont surveillés de près par les autorités sanitaires : l'Agence européenne du médicament en Europe, VAERS aux Etats-Unis, ainsi que l'OMS. L’EMA n’a, à ce jour, établi aucun lien entre des caillots sanguins ou thromboses et les vaccins à ARN, Pfizer et Moderna. En revanche, l’Agence a reconnu en avril que les caillots sanguins devaient être répertoriés comme un effet secondaire "très rare" des vaccin AstraZeneca et Johnson & Johnson contre le Covid-19. Elle a reconnu dans les deux cas "un lien possible" entre ces vaccins et "de très rares cas de caillots sanguins inhabituels associés à des plaquettes sanguines basses", tout en estimant dans les deux cas que les bénéfices l'emportent sur les risques. Pour le vaccin AstraZeneca, l'EMA estime le risque de tels caillots à 1/100 000. Une "expérimentation médicale" menée en violation du Code de Nuremberg et de la Déclaration d’Helsinki ? FAUXL'évocation du code de Nuremberg pour refuser un traitement médical, comme le vaccin, revient régulièrement sur les réseaux sociaux. L'AFP a déjà expliqué précédemment, ici et ici par exemple, que les principes du code de Nuremberg étaient compatibles avec la vaccination. Ce qui est devenu, au fil des années, le "code de Nuremberg" est une série de principes listés par le tribunal de Nuremberg dans son verdict rendu en août 1947 contre 23 médecins et personnels administratifs jugés pour des expériences sur des détenus dans les camps nazis. Seize d'entre eux ont été condamnés, dont sept à la peine capitale.Ces dix recommandations - recueillir le "consentement volontaire" du patient ou s'assurer que l'expérience évite les "souffrances" et "atteintes, physiques et mentales, non nécessaires"- ont infusé dans la pratique médicale mais n'ont jamais eu force de loi en France, en Belgique ou au Luxembourg. "C'est un document historique mais ce n’est pas du tout par rapport à ce code qu’on se situe pour décider si une expérimentation est licite ou illicite", avait expliqué à l'AFP vendredi 15 février Philippe Amiel, sociologue, juriste de la santé à l'université Paris-Diderot et auteur de travaux sur le code de Nuremberg.Quant à la Déclaration d'Helsinki, adoptée en 1964 par l'Association médicale mondiale, elle constitue une vraie réglementation, sur laquelle s'appuient les comités d'éthique et des lois nationales. Dans la foulée du code de Nuremberg, elle établit les principes éthiques et les obligations auxquels sont astreints ceux qui promeuvent et ceux qui réalisent une recherche biomédicale.La Déclaration d"Helsinki "s'applique à la recherche et non à une intervention qui a déjà fait ses preuves", a déclaré à l'AFP Samia Hurst consultante du Conseil d’éthique clinique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et directrice de l’Institut Ethique, Histoire, Humanités à la faculté de médecine de Genève.Or, les campagnes de vaccination ne relèvent pas du domaine de la recherche : "il s'agit d'une confusion compréhensible : on pourrait se dire que tant que des expérimentations sont en cours, une substance est expérimentale", a expliqué Samia Hurst, le 19 mai 2021. "Dans la réalité, tout dépend de la question que l'expérimentation pose et de l'usage de cette substance", a-t-elle relevé, ajoutant que les études encore en cours visent à déterminer la durée de l'immunité induite par les vaccins. Mais "pour les questions qui sont pertinentes pour la mise sur le marché, les vaccins ne sont plus expérimentaux. On sait que ça marche, on sait que la balance bénéfice/risque est clairement favorable", a-t-elle précisé. Le Luxembourg utilise les vaccins Pfizer/BioNtech, Moderna, AstraZeneca et Johnson & Johnson. Le site du gouvernement indique que ces vaccins "ont fait l'objet d'une évaluation approfondie par l'Agence européenne des médicaments (EMA) et ont donc été approuvés par la Commission européenne (CE)". Leurs éventuels effets secondaires sont très étroitement surveillés et analysés, tant par leurs producteurs que par les agences spécialisées et autorités sanitaires des pays concernés.
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