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Emmanuel Macron a défendu, jeudi 25 mars, sa décision de ne pas reconfiner le pays fin janvier en assurant que l'ensemble des projections tablaient alors sur une "explosion" de l'épidémie de Covid-19 en février qui ne s'est jamais matérialisée. Mais plusieurs modélisations, dont certaines présentées par le Premier ministre lui-même, n'envisageaient toutefois pas de flambée en février mais misaient davantage sur un pic en mars-avril.Fallait-il ordonner un confinement en France au début de l'année ? La puissante vague épidémique qui déferle actuellement sur l'Hexagone a relancé la question en même temps que les critiques sur la stratégie de l'exécutif d'opter pour des restrictions sanitaires très ciblées plutôt que sur une nouvelle mise sous cloche du pays.Face à la dégradation des indicateurs sanitaires, l'exécutif a dû notamment se résoudre à instaurer un couvre-feu national (le 16 janvier), à décréter un reconfinement partiel de 16 départements dont l'Ile-de-France (le 18 mars) et envisage désormais "de nouvelles mesures", comme l'a dit le chef de l'Etat jeudi 25 mars à l'issue d'un sommet européen en visio-conférence.Lors d'un bref point-presse à l'Elysée, le président a de nouveau défendu cette stratégie très progressive en affirmant notamment que l'évolution épidémique lui avait rétrospectivement donné raison contre la plupart des épidémiologistes, qui appelaient à un tour de vis beaucoup plus brutal et rapide. "Est-ce que le 29 janvier (date d'un Conseil de défense sanitaire, NDLR) nous aurions dû confiner le pays comme certains le disaient et comme des modèles montraient que nous allions flamber en février ? Ecoutez, (...) nous en avons fait l’expérience collective, réelle: non. Et donc je peux vous le dire: nous avons eu raison de ne pas confiner la France à la fin du mois de janvier parce qu’il n’y a pas eu l’explosion qui était prévue par tous les modèles", a déclaré le chef de l'Etat, refusant de concéder le moindre "mea culpa".VIDEO ▶️ ""Je n'ai aucun mea culpa à faire, ni aucun remords, ni aucun constat d'échec", estime Emmanuel Macron. "En fonction de l'évolution de l'épidémie nous prendrons toutes les mesures utiles (...) il n'y a aucun tabou" pic.twitter.com/Ar41WDAZge — franceinfo (@franceinfo) March 26, 2021Cette affirmation a toutefois été contestée : plusieurs projections épidémiques analysées par l'AFP -- dont certaines émanent de Matignon -- ne tablaient pas sur une "explosion" en février mais envisageaient en revanche une flambée en mars-avril, qui semble elle se concrétiser sous l'effet, notamment, du variant britannique.Contacté par l'AFP, l'Elysée assure que le président s'est notamment appuyé sur une note du Conseil scientifique, l'instance chargée d'épauler l'exécutif, rendue publique le 29 janvier et sur laquelle nous reviendrons. Comme l'a d'abord relevé sur Twitter la cheffe de file des députés PS Valérie Rabault, l'affirmation du président semble contredite par les prévisions présentées aux parlementaires par le Premier ministre lui-même. Capture d'écran sur Twitter.Selon les documents diffusés par la députée socialiste et que l'AFP a pu authentifier, Jean Castex a notamment présenté à des parlementaires le 28 janvier -- soit à la veille de l'annonce de nouvelles restrictions -- une courbe prévoyant l'évolution du nombre de cas en fonction de la propagation du variant britannique.On y voit que, même dans le pire scénario envisagé, la courbe des contaminations hebdomadaires devait augmenter légèrement dans les huit premières semaines de l'année -- soit environ jusqu'à la fin février -- avant d'exploser en mars et surtout en avril avec 800.000 cas prévus pendant la 13e semaine de l'année, du 29 mars au 5 avril. Selon les chiffres de Santé Publique France, entre le 15 et le 21 mars, 209.839 nouveaux cas de contamination ont été officiellement recensés en France. Dans un autre document émanant de Matignon et daté de la mi-mars, les projections de nouvelles contaminations quotidiennes restaient, en moyenne, sous la barre des 30.000 jusqu'au 1er mars avant de bondir pendant la semaine du 15 mars (37.400) pour flamber pendant celles du 5 avril (69.500) et surtout du 19 avril (115.200). "Le président s'est trompé. Dans les productions remises par le gouvernement, il n'y a jamais eu d'explosion prévue pour le mois de février. En tout cas pas à ma connaissance. Peut-être que lui a d'autres informations qu'il ne nous a pas données", a déclaré à l'AFP Mme Rabault, jointe le 26 mars."Gouverner c'est prévoir, il a ses projections devant les yeux le 28 janvier. Comment il anticipe le mois de mars, c'est la seule question qui vaille", a-t-elle ajouté.Un rapport publié le 16 janvier par le collectif Epicx-lab, qui rassemble notamment des chercheurs de l'Inserm et de l'Institut Pasteur, prévoit lui aussi une détérioration sanitaire"entre mi-février et début avril", avec une hausse des hospitalisations comparable à celle de la première vague et alimentée par le variant anglais, baptisé VOC. "Nous estimons que le variant deviendrait dominant en France entre fin février et mi-mars, en fonction de l'évolution épidémique et de l'augmentation estimée de la transmissibilité du VOC. Les nouvelles hospitalisations hebdomadaires devraient atteindre le niveau du pic de la première vague (environ 25,000 hospitalisations) entre mi-février et début avril, en l’absence d’interventions. Ces résultats montrent la nécessité de renforcer les mesures de distanciation sociale et d’accélérer la campagne de vaccination pour faire face à la menace du variant VOC", est-il indiqué.Lors d'une audition au Sénat le 28 janvier, le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy semble lui aussi redouter davantage une flambée de l'épidémie après le mois de février. "Les projections effectuées par les modélisateurs avec lesquels travaille le Conseil scientifique montrent que l'arrivée du variant anglais pourrait conduire à la mi-mars à ce que ce variant soit dominant, avec un facteur de transmission très élevé et des conséquences sanitaires importantes en termes d'hospitalisations et d'admission en réanimation, notamment pour la population la plus fragile", a-t-il déclaré selon le compte-rendu de son audition.Le lendemain, le 29 janvier, le Conseil scientifique publie la fameuse note vers laquelle renvoie aujourd'hui l'Elysée.En annexe, les chercheurs testent l'hypothèse d'un confinement strict sur l'ensemble du territoire qui serait mis en place pendant la première ou la deuxième semaine de février et coïnciderait effectivement avec une montée en flèche des hospitalisations. Capture d'écran de la note du Conseil scientifique du 29 janvier.Ces différentes courbes laissent toutefois entrevoir ensuite un rebond des hospitalisations dont l'ampleur varie considérablement selon le taux de détection des contaminations et dont la durée n'est pas précisée, les projections s'arrêtant à la mi-avril.La note reconnaît d'ailleurs qu'une "résurgence" serait à prévoir en mars et avril même dans un tel scénario. "Dans les conditions actuelles de dépistage et d'isolement (d’environ 1 infection sur 2), la sortie du confinement avec le taux de croissance épidémique et le niveau de télétravail enregistré en janvier est attendue entraîner une résurgence rapide des cas de mi-mars à avril. La vaccination jouera un rôle essentiel pour ralentir l'augmentation des cas dans ces conditions", est-il indiqué.Edit le 26 mars 2021 à 21H45: ajoute réaction de l'Elysée, modifie le titre et précise que la "résurgence" évoquée par le Conseil scientifique le 29 janvier figurait dans le scénario d'un reconfinement.
(fr)
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