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Bien que les dégâts causés par les bombardements russes meurtriers du 10 octobre 2022 soient documentés, des publications relayées sur les réseaux sociaux accusent - à tort - "les médias mainstream occidentaux" de diffuser des images de "faux blessés" en Ukraine, lesquels auraient joué la comédie dans les rues de Kiev. Ces assertions sont fausses : plusieurs photographes ayant immortalisé l'événement ce jour-là ont assuré à l'AFP que des médecins ont porté secours à des civils, couverts de sang, victimes des frappes sur plusieurs quartiers dont le centre-ville de la capitale. De multiples photographies, vidéos et reportages en attestent également.Huit mois après le déclenchement du conflit russo-ukrainien, et quelques jours seulement après les frappes russes menées sur Kiev le 10 octobre 2022, des publications relayées dans plusieurs langues sur les réseaux sociaux accusent - à tort - les "médias occidentaux" de diffuser les images d'une mascarade.Photo et vidéo à l'appui, ces posts prétendent dévoiler les "coulisses" d'une "mise en scène" qui aurait conduit des civils à jouer la comédie et à porter du "maquillage", afin de passer pour de "faux blessés" en Ukraine. "Les médias mainstream occidentaux comme @BFMTV @LCI @FRANCE24 se réjouissent de diffuser les images filmées par CNN et BBC montrant des habitants "sanglants" à #Kyiv après les représailles Russes. Voici la mise en scène des faux blessés d'#Ukraine️", peut-on par exemple lire dans un tweet partagé plus de 2.000 fois depuis le 12 octobre 2022.Ces allégations sont accompagnées de la photographie d'une femme et d'un homme âgés, têtes bandées et visages ensanglantés, ainsi que d'une vidéo montrant ces deux mêmes personnes en train d'être photographiées. Capture d'écran prise sur Twitter le 25 octobre 2022Elles circulent aussi sur les réseaux sociaux en espagnol, en néerlandais et en anglais. Dans cette langue, elles ont été relayées par Dmitri Polianski, vice-représentant permanent de la Russie auprès de l’ONU, qui a retweeté un post de l'éditorialiste politique Maria Dubovikova. Plusieurs photoreporters présents sur le terrain lors de cet événement ont cependant assuré à l'AFP avoir vu et photographié des personnes blessées, ensanglantées, secourues par des médecins. Ces témoignages mettent à mal les accusations de "mise en scène" portées sur les réseaux sociaux et confirment que les frappes du 10 octobre 2022 ont fait des victimes et des dégâts matériels, tel que le documentent aussi de nombreuses photographies, vidéos et reportages écrits publiés par des médias et agences de presse internationaux. Ce n'est pas la première fois que des publications mensongères crient à la "mise en scène" de victimes du conflit par les forces ukrainiennes ou les "médias occidentaux". L'AFP avait déjà consacré des articles de vérification à des assertions similaires ici ou encore ici.D'où viennent ces images ? Sur la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, sous-titrée en ukrainien, une femme et un homme ensanglantés se tiennent à côté d'un autre homme en uniforme militaire.En face d'eux, plusieurs photographes braquent leurs appareils photo dans leur direction, tandis que la femme âgée positionne son téléphone portable près de son visage comme si elle s'apprêtait à le prendre en photo."Qu’est-ce que c’est ? Je ne sais pas. Photographiez-moi, Andrei Andreevich. Attendez, je prends une photo, je l’envoie à ma sœur en Russie", dit-elle en ukrainien. Ces images ont été mises en ligne le 10 octobre 2022 par la chaîne de télévision germano-russe Ost West. En légende de la vidéo publiée sur YouTube, on peut lire la description suivante : "Attaque du centre de Kiev et bombardement de l'Ukraine."Le journal Libération s'est lui aussi fait l'écho de ces frappes russes menées contre plusieurs villes ukrainiennes en représailles de l’attaque ayant visé le pont de Crimée, sujet auquel il a consacré sa Une du 11 octobre 2022.La photographie de couverture du quotidien, prise par le photographe Efrem Lukatsky pour l'agence de presse américaine Associated Press (AP), montre cette même femme ensanglantée : Capture d'écran prise le 27 octobre 2022 sur le site de Libération Capture d'écran prise sur le site de l'Associated Press le 27 octobre 2022 De même, une dépêche de l'AFP a décrit, témoignage d'une habitante à l'appui, les conséquences de ces bombardements russes qui ont frappé Kiev et d'autres villes d'Ukraine le 10 octobre 2022.La vidéo originale, retrouvée via une recherche par mots-clés, atteste à son tour de cet événement.Publiée le 10 octobre 2022 par Associated Press, elle montre, d'après sa légende, "une femme blessée secourue par un homme en uniforme, avec d'autres personnes blessées aux alentours, sur une rue avec une ambulance [...] La Russie a déclenché lundi une série d'attaques meurtrières contre plusieurs villes ukrainiennes, détruisant des cibles civiles, dont le centre de Kiev." Quant à la photographie diffusée sur les réseaux sociaux, une recherche d'image inversée permet de la retrouver sur la banque d'images d'Associated Press, également à la date du 10 octobre 2022.Comme celle publiée par Libération, elle a été prise par le photographe Efrem Lukatsky qui a confirmé à l'AFP via Messenger le 14 octobre 2022, être "l'auteur de cette photo et de cette vidéo." Capture d'écran réalisée le 18 octobre 2022 sur le site de l'Associated PressDeux jours après les bombardements, la femme présente dans la vidéo et identifiée comme étant Oleksandra Kiselyova a témoigné de cet événement auprès de la chaîne ukrainienne TCH, qui a filmé sa rencontre avec l'homme en uniforme qui l'a secourue lors de l'attaque.Sur ces images, le visage d'Oleksandra Kiselyova est marqué par des ecchymoses et des traces de lacération. Au cours de l'interview, elle fait référence à sa sœur, qu'elle mentionne aussi dans la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. "Elle sait ce qui m’est arrivé, mais elle ne m’a pas appelée", explique-t-elle. Sur le terrain : des blessés et des secouristesPlusieurs photoreporters, présents sur place le 10 octobre 2022, ont diffusé des images de ce même événement capturé sous plusieurs angles. Leurs témoignages attestent qu'aucune "mise en scène" n'a été orchestrée et que plusieurs civils, blessés, ont été secourus après avoir été atteints par les bombardements.Par exemple, le photographe Oleksandr Khomenko a publié une vidéo sur son compte Facebook dans laquelle on peut voir Oleksandra Kiselyova en train d'être prise en charge par un homme qui bande son visage ensanglanté. D'autres personnes, présentant des blessures au visage, y sont aussi soignées. "Les médecins fournissent les premiers soins aux blessés après une frappe de missile dans des bureaux près de la gare centrale de Kiev, le 10 octobre 2022. J’ai vu 11 personnes blessées se faire emmener, il n’y a pas eu de morts heureusement", peut-on lire en légende."J’étais en train de marcher à proximité de la gare en direction de la rue Taras Shevchenko, où la première roquette a frappé, lorsque j’ai entendu une explosion et vu de la fumée à proximité. J’y suis allé tout de suite, la roquette est tombée près du centre d'affaires Tower 101, à proximité de la centrale thermique", a expliqué le photographe à l'AFP, via Messenger, le 17 octobre 2022.Le centre d'affaires Tower 101 est identifiable sur la vidéo mise en ligne sur YouTube par Associated Press, comme sur la vidéo publiée sur Facebook par Oleksandr Khomenko, et sur Google Street View : Capture d'écran prise sur YouTube le 26 octobre 2022 Capture d'écran prise sur Facebook le 25 octobre 2022 Il se trouve au centre de Kiev, non loin du parc Taras Chevtchenko, touché par les frappes du 10 octobre 2022 comme en atteste cette dépêche de l'AFP : "Dans le joli parc boisé Taras Chevtchenko, au centre de Kiev, le missile a creusé un profond cratère et défiguré l'air de jeux pour enfants." "La première chose que j’ai vu, ce sont les médecins qui soignaient plusieurs personnes recouvertes de sang sur le visage et le corps. Plusieurs journalistes travaillaient aussi sur les lieux, parmi eux, Efrem Lukatsky. On a travaillé côte à côte pendant 15-20 minutes", a ajouté Oleksandr Khomenko.Dans la vidéo qu'il a filmée, Oleksandra Kiselyova et l'homme en uniforme qui l'assiste tiennent les propos suivants :(L'homme) "- Et bien, j’ai envie de rentrer chez moi. J’ai des amis qui m’y attendent. Mais ne vous inquiétez pas, on va tout arranger. J’ai fini de vous mettre le bandage."(Oleksandra Kiselyova) : "- Il y a mon sang partout, et sur mon pull."(L'homme) : "- Ce n'est pas grave, le plus important c’est que vous alliez bien. Moi, j’ai mon pantalon qui est plein de sang et je ne sais pas à qui c’est…"Contacté par l'AFP, un autre photographe indépendant présent sur place, Wladyslaw Musiienko, a expliqué par Messenger le 25 octobre 2022 : "J’ai pris ces photos le 10 octobre 2022 à Kiev à proximité de l’objet qui fournit de l’énergie [la centrale thermique, NDLR] et de la gare centrale. Près de l’endroit où j’ai pris ces photos, une roquette russe a explosé. Cette matinée était terrible – il y a eu de nombreuses explosions." Capture d'écran prise sur le compte Facebook du photographe indépendant Wladyslaw Musiienko"Les personnes que j’ai prises en photo ont été blessées au cours de l’explosion. Je ne sais pas comment cela s’est déroulé, je suis arrivé sur les lieux quand des médecins leur portaient secours. Plusieurs autres personnes ont été blessées aux alentours, on peut d’ailleurs les voir dans certaines photos", a ajouté le photographe, renvoyant vers des photographies qu'il a prises pour l'agence de presse Reuters. Capture d'écran prise sur le site de Reuters le 25 octobre 2022 Capture d'écran prise sur le site de Reuters le 25 octobre 2022 L'AFP a également relayé des photographies des conséquences de ce bombardement, comme celle ci-dessous, prise le 10 octobre 2022 par les services d'urgence de l'État ukrainien : Cette photo prise par les services d'urgence de l'État ukrainien montre un secouriste aidant une femme blessée sur le site du bombardement à Kiev, le 10 octobre 2022. ( AFP PHOTO / UKRAINIAN STATE EMERGENCY SERVICE / HANDOUT)Briser le réseau électrique ukrainien : nouvelle stratégie de la RussieLes bombardements perpétrés le 10 octobre 2022 par la Russie visaient particulièrement à détruire des infrastructures ukrainiennes afin de limiter l'accès du pays à ses ressources énergétiques.Après une série de défaites de son armée sur plusieurs fronts en Ukraine, Moscou s'est en effet résolu à un changement brutal de stratégie pour tenter d'inverser cette spirale : frapper massivement les centrales électriques ukrainiennes à l'approche de l'hiver. Les employés d'un café servent les visiteurs dans un café privé d'électricité dans la ville de Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine, après que trois missiles russes tirés ont visé les infrastructures énergétiques le 11 octobre 2022 ( AFP / YURIY DYACHYSHYN)Depuis début octobre, les forces russes ont ainsi tiré des salves de missiles de croisière et lancé des centaines de drones kamikazes de fabrication iranienne sur des installations énergétiques à travers l'Ukraine, notamment sur la capitale Kiev, réussissant à paralyser quelques 40% du réseau électrique ukrainien.Le 23 octobre 2022, l'opérateur national Ukrenergo a procédé à des coupures électriques à Kiev, pour "stabiliser" la fourniture en électricité, après des frappes russes répétées visant les infrastructures du pays, a appris l'AFP auprès d'une entreprise privée.
(fr)
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