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Alors que les prix de l'énergie continuent de flamber en Belgique, l'association de consommateurs belges Test Achats a démenti avoir conseillé aux clients de payer seulement 5 euros à chaque demande de régularisation de leur facture d'électricité et de gaz. Cette "astuce", abondamment relayée sur les réseaux sociaux début octobre, est illégale et peut avoir de lourdes conséquences financières et judiciaires pour les consommateurs, ont expliqué à l'AFP plusieurs acteurs du secteur de l'énergie belges et un avocat.Comme plusieurs pays européens, la Belgique est touchée de plein fouet par la hausse massive des factures d'énergie, aggravée par l'absence de bouclier tarifaire permettant de limiter cette hausse.Dans ce contexte tendu, des internautes ont partagé sur Facebook plusieurs dizaines de milliers de fois début octobre 2022 une "astuce", soi-disant conseillée par des avocats de l'association de consommateurs belge Test Achats : "Continuez à payer vos acomptes d'avant les augmentations. Personne ne peut vous obliger à augmenter votre acompte et c'est vous rien que vous qui décidez de ce montant", écrit l'auteur de ce texte. "Quand vous recevez votre régularisation vous payez 5€ (pas plus) ainsi vous êtes dans votre droit vu que vous avez payé. Attendez le rappel et repayez 5€ et ainsi de suite. Personne ne pourra rien faire vu que vous payez. Administrativement, cela va créer un tel bordel que les sociétés seront obligées de diminuer leurs tarifs. Ces sources viennent des avocats de test achat". Capture d'écran réalisée le 10/10/2022 sur FacebookLes factures d'acompte sont des provisions sur une facture d'énergie annuelle estimée par le fournisseur.Si leur montant peut être négocié avec les fournisseurs d'énergie, payer seulement 5 euros à chaque régularisation entraînera seulement une accumulation des dettes, voire des poursuites judiciaires pour les consommateurs, ont expliqué à l'AFP un avocat belge, l'autorité bruxelloise de régularisation de l'énergie, un fournisseur d'électricité et de gaz ainsi que la fédération qui représente le secteur de l'énergie en Belgique.D'ailleurs, plusieurs internautes signalent dans les commentaires que ce conseil est faux et démenti par Test Achats. Captures d'écran réalisées le 10/10/2022 sur FacebookEn effet, le site de l'association belge de consommateurs a publié le 6 octobre 2022 un message sur sa page Facebook, signalant que "cette 'astuce' est fausse et peut vous apporter des problèmes. Ce message ne vient pas de chez nous, aucun avocat ne conseillerait ceci!". Capture d'écran réalisée le 10/10/2022 sur FacebookContacté le 7 octobre 2022, le porte-parole de Test Achats, Jean-Philippe Ducart, a alerté l'AFP sur les dangers de ce texte: "Si vous faites ça, vous prenez une disposition unilatérale qui, contractuellement, ne tient pas la route. Vous risquez d'accumuler vos dettes et d'entrer dans une procédure contentieuse. Certaines personnes pourraient considérer cette 'astuce' comme un moyen de pression sur les fournisseurs, mais il est très relatif sachant que, de toute façon, vous devrez payer au fournisseur à un moment donné ce que vous lui devez".Le non-paiement d'une facture peut entraîner toute une panoplie de sanctions: rappels de paiement, mise en demeure, visite d'un huissier, procédure devant la justice pour défaut de paiement... Ainsi que des frais supplémentaires tels que les intérêts de retard ou indemnités compensatoires. "Les opérateurs ne vont pas lâcher, les plus petits ont déjà de sérieux problèmes de liquidités", explique le responsable de la communication de Test Achats. Face aux difficultés de certains consommateurs à s'acquitter de leur facture, il rappelle que "les opérateurs acceptent des plans de paiement dans 70% des cas environ" et qu'il est également possible de demander à l'opérateur "d'ajuster aux mieux les acomptes selon ses capacités budgétaires". Pour Laurent Brichet, avocat en droit des sociétés et assurances en région wallonne interrogé le 10 octobre 2022, suivre les conseils partagés sur les réseaux sociaux équivaut à "jouer un jeu très dangereux". "Techniquement, vous avez un contrat avec un fournisseur. Qui dit contrat, dit qu'il faut le respecter. La facture peut être modifiée s'il y a des arguments du client, mais un prix trop élevé n'en est pas un." La facture de régularisation est un bilan récapitulatif de la consommation du client: si vous avez consommé plus que ce qui a été estimé dans vos factures d'acomptes, votre fournisseur vous demandera de régler la différence. Si vous avez consommé moins, le fournisseur vous reversera le trop perçu dans les 30 jours suivant la réception de la facture. Cette facture est calculée à partir des index - les relevés de compteurs de gaz et électricité - permettant de mesurer la consommation d'énergie, multipliés par le tarif unitaire des gestionnaires de réseau. "En règle générale, les fournisseurs ne se trompent pas sur les tarifs unitaires", explique Laurent Brichet. En cas de facture trop élevée, "il faut surtout prendre contact avec le fournisseur à propos de l'acompte. En ce moment, les fournisseurs prévoient des acomptes fortement à la hausse, misant sur une augmentation des coûts de l'énergie. Mais il est possible de négocier cet acompte à la baisse". L'avocat rappelle que "les fournisseurs se fournissent sur le marché et ne décident pas du prix de l'énergie sur le marché" et souligne qu'il est également possible de demander aux fournisseurs un plan de paiement réaliste - pas de 5 euros - afin de répartir la facture sur plusieurs mois. En Belgique, le fournisseur ne peut pas augmenter unilatéralement le montant de l'acompte. Si celui-ci peut être modifié à la demande du client, il faut cependant que ce dernier choisisse un montant adapté à sa consommation, a rappelé Stéphane Bocké, porte-parole de la Fédération belge des entreprises électriques et gazières (FEBEG). "Un client peut toujours adapter son acompte, mais à la fin il recevra une facture correspondant à sa consommation réelle" et quand la facture de régularisation arrive, "ce n'est pas parce que vous avez payé 5 euros que vous n'êtes pas en défaut de paiement", a-t-il déclaré le 10 octobre 2022. Les boulangers belges Bertrand et Pascale Dumont posent avec leur facture d'énergie dans leur boulangerie vide à Vencimont (Wallonie), le 28 septembre 2022. Face à la hausse des prix, ils ont dû fermer leur commerce fin septembre. ( AFP / Kenzo TRIBOUILLARD)L'AFP a également contacté l'Autorité bruxelloise de régularisation dans les domaines de l'électricité, du gaz et du contrôle du prix de l'eau (BRUGEL). Le directeur général, Pascal Misselyn, a confirmé que cette astuce "ne marche pas du tout légalement". "Toute personne qui achète de l'électricité et du gaz doit le payer, c'est clair dans les contrats", a-t-il expliqué le 7 octobre 2022. "A Bruxelles, le fournisseur qui ne reçoit pas l'argent va envoyer un rappel, puis une mise en demeure, puis va s'adresser au juge de paix pour demander une coupure de l'électricité et du gaz, qui peut arriver au bout de plusieurs mois de procédure judiciaire. En plus des frais de rappel et de mises en demeure, une fois qu'on judiciarise le processus, il y a aussi des frais de justice. Si vous n'avez pas fait preuve de bonne volonté, le juge ne vous donnera probablement pas raison". Une déclaration confirmée à l'AFP par le fournisseur d'énergie belge Engie le 10 octobre. "Un client qui ne paie pas la totalité de ses factures et qui ne souhaite pas être aidé par son fournisseur s'il a des difficultés à payer celles-ci, va entrer dans le processus de recouvrement de créances et d’accumulation de dettes ce qui, in fine, n’est pas dans son intérêt", a déclaré un porte-parole de l'entreprise.Une situation "jamais vue" en Belgique"On attend un lissage de la facture, mais beaucoup de ménages ont vu leurs factures multipliées par 10", constate Jean-Philippe Ducart qui témoigne avoir reçu, via le site de Test Achats, "des milliers de questions ces derniers mois" à propos du prix de l'énergie. "C'est quasiment du jamais vu, ça devient intenable. On est dans une zone très dangereuse de grande vulnérabilité des personnes. On est submergés de demandes". Sur son site, Test Achats détaille plusieurs mesures possibles en cas de difficulté de paiement. Parmi elles, l'association conseille de contacter son fournisseur pour tenter "d'obtenir un paiement différé ou un plan de remboursement et éviter ainsi des frais supplémentaires grâce à un accord convenu avec le fournisseur". En Belgique, les conditions auxquelles le fournisseur peut couper le gaz et l'électricité à un consommateur dépendent des régions et sont détaillées sur le site de Test Achats.Le pays, qui voit particuliers et entreprises être frappés par l'envolée des prix de l'énergie, fait partie des quinze pays de l'Union européenne qui réclament un plafonnement des prix de gros du gaz sur le marché européen.L'économie du Vieux continent, dépendante des importations d'hydrocarbures, souffre des coupures de livraisons imposées par la Russie sur fond de guerre en Ukraine. Les Vingt-Sept sont divisés sur les moyens de réduire les prix de l'énergie pour alléger le fardeau des citoyens et entreprises de l'UE. Un manifestant tient une pancarte "Ne payez pas" lors d'une manifestation à Londres le 1er octobre 2022, pour demander une réduction des factures d'énergie ( AFP / Niklas HALLE'N)Les publications que nous vérifions sont apparues dans le sillage du mouvement "Don't Pay Uk", qui appellait en août les Britanniques à cesser de payer leurs factures de gaz et d'électricité jusqu'à ce que celles-ci redescendent à un niveau jugé "raisonnable". Début octobre, des citoyens britanniques ont même brûlé leurs factures d'énergie lors de manifestations qui ont réuni plusieurs milliers de personnes..L'AFP a récemment vérifié d'autres publications trompeuses concernant l'énergie, par exemple ici et ici.
(fr)
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