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  • 2022-08-01 (xsd:date)
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  • Le début d'été le plus froid en Arctique depuis 64 ans ? Attention aux conclusions de ce texte (fr)
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  • "L'Arctique connaît son été le plus froid depuis 64 ans", assurent des publications dénonçant une couverture alarmiste du réchauffement climatique et une "psychose caniculaire", en citant des chiffres de l'Institut météorologique danois (DMI). Problème : contacté par l'AFP, le DMI lui-même a assuré que ses données, qui ne concernent qu'une certaine région de l'Arctique, sont mal interprétées et mènent à un constat erroné. Les experts contactés par l'AFP affirment unanimement que la fonte des glaces de l'Arctique causée par le réchauffement climatique est documentée, et fait aujourd'hui consensus dans le monde scientifique.Alors que l'Europe connaît des records de chaleur et de nombreux incendies, des publications appellent à relativiser le réchauffement climatique en assurant que l'Arctique connait son "début d'été le plus froid en 64 ans".C'est ce qu'affirme notamment un billet de blog publié sur le site Réseau International le 22 juin. Il assure faire état de "données factuelles groenlandaises rapportées par l'Institut météorologique danois (DMI)" montrant un "phénomène actuel d'augmentation de l'épaisseur de surface de la calotte polaire du Groenland, curieusement ignoré par les fauteurs de bruit médiatique au service de la psychose caniculaire". Capture d'écran prise sur le blog Réseau international le 27/07/2022"En l'état actuel des choses (...) la surface de glace groenlandaise continue donc de gagner en épaisseur", conclut le texte.Le début d'été "le plus froid depuis 64 ans en Arctique" ? TROMPEUR Cet argument est repris par de nombreux internautes et parfois arrondi à "70 ans" , comme dans ce tweet, partagé plus de 1.300 fois depuis le 23 juillet. Capture d'écran prise sur Twitter le 27/07/2022Pour affirmer cela, le texte s'appuie sur un graphique provenant de l'Institut météorologique danois (DMI), actualisé quotidiennement.Une courbe verte montre la moyenne quotidienne des températures au nord du 80e parallèle nord, pour la période allant de 1958 à 2002. La courbe rouge montre l'année en cours. Capture d'écran prise le 27/07/2022 du graphique inclus dans l'article de blog de Réseau InternationalNotons que la courbe rouge se situait au-dessous de la verte jusqu'aux alentours du 100e jour (10 avril, NDLR), puis qu'elle passe légèrement en dessous. La capture d'écran a été visiblement réalisée le 21 juin 2022. Est-ce qu'on peut en conclure que l'Arctique a connu son "début d'été le plus froid depuis 64 ans" comme le titre cet article ? "Ce graphique ne montre que la température moyenne sur la période, et non les années de manière individuelle. Il n'est donc pas juste de conclure, sur la base de ce graphique, que cette année est le 'début le plus froid de l'été arctique depuis 64 ans'", a réfuté le 27 juillet l'Institut météorologique danois auprès de l'AFP.Cet autre graphique du DMI, qui montre, pour la même zone, les anomalies de températures pour l'été (en rouge) et l'hiver (en bleu), met bien en avant une nette hausse de leur nombre au fil des années. La courbe noire représente les anomalies sur l'ensemble de l'année. Capture d'écran d'un graphique du DMI prise le 01/08/2022"Il faut également noter que le schéma (mis en avant dans le billet de blog, NDLR) ne montre que la température au nord du 80e parallèle nord et n'inclut donc pas une grande partie de la région arctique", poursuit le DMI.Or, "il faut faire attention à regarder l'Arctique dans son entièreté car il y a des zones qui seront plus chaudes ou plus froides du fait de l'origine du vent", a pointé le 28 juillet auprès l'AFP Xavier Fettweis, professeur en climatologie à l'université de Liège."Actuellement on est en dessous de la moyenne au Groenland, à cause d'une anomalie de la circulation atmosphérique, mais les autres régions sont plus chaudes, comme l'archipel norvégien des Svalbard où l'on bat tous les records, avec une anomalie de température de l'ordre de 5° degrés (de plus) par rapport à la période 1980-2010, ce qui est énorme. En plus, le mois de juin est le moment où l'été est le plus froid en Arctique, donc c'est plutôt le mois de juillet qu'il faudrait regarder", poursuit l'expert.2/3 Averaged from the 1st June, the temperature anomaly is close to +5°C in this Arctic area explaining this record of melt. We can also see the anti-correlation between temperature/melt anomalies over Greenland vs Svalbard explaining why over Greenland, .. pic.twitter.com/reauXnWTZp — Xavier Fettweis (@xavierfettweis) July 22, 2022 L'épaississement de certaines couches de glace prouve qu'il n'y a pas réchauffement climatique ? TROMPEUR C'est le deuxième argument avancé : "la surface de glace groenlandaise continue donc de gagner en épaisseur, avec une accumulation supérieure à la moyenne (...) comme en attestent les données observationnelles climatiques du (site) Polar Portal en Arctique".Il renvoie vers deux graphiques d'un site de recherche danois qui compile des données sur la masse de la calotte glaciaire du Groenland et de la glace de mer dans l'Arctique. Capture d'écran des graphiques utilisés par le blog Réseau international prise le 01/08/2022 Capture d'écran des graphiques utilisés par le blog Réseau international prise le 01/08/2022  Catherine Ritz, directrice de recherches à l'Institut des Géosciences de l'Environnement (IGE), critique les conclusions tirées de ces cartes."Il s'agit ici de cherry picking [ne sélectionner que les données favorables aux allégations de son auteur, NDLR]. On voit que la courbe est un petit peu en dessous mais c'est dans la variabilité naturelle. Le bilan de masse de la surface fondue se calcule sur une année, ça n'a aucun sens de ne pas inclure la majeure partie de la saison où ça fond. Il s'agit ici de données allant de septembre à juin, et évidemment, de fin juin à août, ça continue à fondre", poursuit la chercheuse.Lorsqu'ils mesurent les tendances de la glace de mer, les scientifiques se concentrent sur des périodes particulières de l'année où le changement est le plus perceptible. Ils pointent que l'étendue de la glace est généralement la plus grande en mars et la plus petite en septembre.Et si un épaississement de la glace est bien constaté sur certaines parties du Groenland, cela est attendu, selon les scientifiques interrogés."Avec le réchauffement climatique, on constate un double effet au Groenland: une augmentation des précipitations, de l'ordre de 5% de neige par degré gagné, donc ça épaissit la neige à l'intérieur des terres de la calotte glaciaire, mais aussi, pour ce même degré gagné, une augmentation de la fonte, a expliqué à l'AFP le professeur en climatologie Xavier Fettweis. "C'est normal qu'il neige un peu plus dans le centre puisque, lorsqu'il fait plus chaud, il y a plus d'humidité dans l'atmosphère, car elle dépend de la température d'une façon exponentielle. Et du coup il y a plus de réserves pour faire neiger davantage", explique Catherine Ritz. "Cela correspond à ce qu'on prévoit en cas de réchauffement. C'est exactement la physique de climat standard de dire qu'il va neiger un peu plus, donc cela va épaissir un peu le centre de la glace, mais, par contre, cela va fondre plus sur les bords",poursuit la scientifique."On peut comparer le bilan de masse de la surface à un compte bancaire : on verse de l'argent et on en retire. Pour un glacier ou la calotte glaciaire, les chutes de neige équivalent à verser de l'argent, tandis que la fonte et le ruissellement équivalent à dépenser de l'argent", explique le DMI."Mais nous pouvons également retirer de la glace (...) avec la fonte des icebergs ou de la glace dans l'océan. Ces processus ne sont pas inclus dans le bilan de masse de surface. Par conséquent, l'utilisation de ces courbes du site Polar Portal, pour tenter de remettre en cause le réchauffement climatique ou l'élévation du niveau de la mer, est profondément trompeuse", a précisé l'institut. "Si l'on ajoute la fonte et les chutes de neige, on constate que le bilan total est négatif, c'est-à-dire qu'en moyenne, sur une longue période, le Groenland perd plus de glace qu'il n'en gagne", poursuit le DMI. C'est ce que montre cette carte, issue du même site que les deux premières, et qui montre le changement de masse au Groenland entre avril 2002 et août 2021.Elle met bien en avant une perte constante de glace : ( Juliette MANSOUR)"Cetteannée, le début de l'été a été plutôt frais en mai et juin, et quelques chutes de neige tardives ont retardé dans une certaine mesure le début de la saison de fonte de glace. Cependant, ces conditions dans le nord et l'ouest du Groenland ont réellement favorisé la fonte, de sorte qu'en examinant la courbe cumulée, nous constatons qu'elle se rapproche de la courbe moyenne que nous avons calculée depuis 1981. Nous devrons attendre la fin du mois d'août pour savoir l'étendue de glace que le Groenland perdra cette année", indique le DMI.L'institut danois poursuit : "Depuis le début du siècle, une seule année a été nettement positive [c'est-à-dire que la calotte glaciaire a gagné plus de glace qu'elle n'en a perdu dans l'ensemble, NDLR], et ce de façon très légère, en raison de la combinaison d'un hiver très enneigé et d'un été plutôt frais. Or, les modèles climatiques et les données satellitaires nous montrent que dans les années 1980 et 1990, la plupart des années étaient approximativement neutres ou positives". Vue aérienne prise le 3 mai 2022 montrant la glace de mer dans la baie de Borebukta, située au nord-ouest de l'Isfjorden, dans l'archipel de Svalbard, au nord de la Norvège. ( AFP / Jonathan NACKSTRAND)"Statistiquement, en climatologie, c'est improbable d'avoir de telles anomalies par rapport à ce qui était observé en 1980 sans tenir compte du réchauffement climatique", conclut le climatologue Xavier Fettweis.Ce constat est également celui tiré par un Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) paru le 1er mars, expliquant que la fonte des glaces et neiges est l'une des dix menaces majeures causées par le réchauffement climatique, perturbant les écosystèmes et menaçant certaines infrastructures.Les publications relayées sur les réseaux sociaux "diffusent des informations erronées qui sont loin de correspondre à la compréhension scientifique bien développée de ce sujet", a regretté le DMI auprès de l'AFP.Les scientifiques du programme d'observation Copernicus de l'Union européenne, qui rassemble les données climatiques par satellite, ont confirmé la tendance de fonte de la glace de mer arctique depuis 1979."Les changements de notre climat ne peuvent être évalués que sur la base de longues séries chronologiques continues", avait déclaré le porte-parole de Copernicus à l'AFP en mai. Évolution de la superficie de la glace de mer arctique en octobre, par rapport à la superficie moyenne en octobre de 1981 à 2010 ( SIMON MALFATTO, SABRINA BLANCHARD / AFP / )Les scientifiques sont arrivés à mesurer les tailles maximales et minimales des glaces dans l'Arctique. Et il ressort que depuis 1979, la tendance est nettement à la baisse. Capture d'écran du nsdic.org, réalisée le 01/08/2022Cette étude par exemple, indique qu'il n'y a jamais eu "dans les 150 dernières années, de moment où les glaces (de l'Arctique) ont recouvert aussi peu de surface que ces dernières années". Tamsin Edwards, climatologue au King's College de Londres, expliquait également à l'AFP dans ce précédent article de vérification que si "la glace de mer varie d'une année à l'autre, (...) la tendance générale est au déclin."Dans un résumé de l'un de ses principaux rapports de l'année dernière, le GIEC a déclaré : "Entre 2011 et 2020, la superficie moyenne annuelle de la banquise arctique a atteint son niveau le plus bas depuis au moins 1850." (fr)
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