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Des publications partagées plusieurs centaines de fois depuis début avril 2022 affirment qu'il y a eu "42 507 morts" après la vaccination contre le Covid-19 en Europe, et comparent ces chiffres aux "2 morts" qui ont entraîné le rappel massif de pizzas de la marque Buitoni en avril. Il s'agit en réalité d'une mauvaise interprétation des chiffres de la plateforme de pharmacovigilance de l'Agence européenne des médicaments, comme l'a expliqué l'AFP à plusieurs reprises. "2 poids 2 mesures", commente cet internaute français, qui partage un visuel sur lequel est inscrit un message indigné: "2 morts après avoir mangé une pizza, retrait d'urgence de la circulation. 42 507* morts après vaccination COVID, promotion de la 4ème dose et volonté d'appliquer une obligation vaccinale !"Ce visuel circule également sur Facebook en Belgique et sur le réseau social russe VK avec un chiffre différent - 40 788 morts au 26 février 2022. Capture d'écran réalisée sur Facebook le 02/05/2022En mars, la marque de pizzas Buitoni a en effet procédé à un rappel massif de ses pizzas Fraich'up dans plusieurs pays européens dont la France, la Belgique et le Luxembourg, après des cas de contamination à la bactérie E.coli. En France, deux enfants sont décédés après une infection à cette bactérie.S'agissant des chiffres liés à la vaccination anti-covid, des publications similaires circulent depuis plusieurs mois. Des internautes opposés à la vaccination actualisent régulièrement ce supposé "bilan" présenté comme celui des morts post-vaccination ou liées au vaccin au fur et à mesure de l'avancée des campagnes de vaccination, et l'AFP a déjà vérifié des chiffres analogues à plusieurs reprises, ici, ici ou encore ici. Il s'agit en réalité d'une interprétation trompeuse des données de pharmacovigilance de l'Agence européenne des médicaments (EMA): plusieurs effets secondaires potentiels peuvent être signalés pour une seule personne et les effets notifiés par les médecins ou les particuliers ne signifient pas qu'un lien direct est fait avec le vaccin.Un raisonnement trompeurComme l'indique l'image de droite, l'auteur de ce visuel s'appuie sur la base de données EudraVigilance, mise en place en 2012 par l'Agence européenne des médicaments (EMA) pour collecter "des déclarations d'effets indésirables suspectés d'être liés aux médicaments" autorisés dans l'Espace économique européen (Union européenne + Islande, Liechtenstein et Norvège). Les médecins et les particuliers peuvent y faire remonter l'existence d'effets secondaires potentiels apparus plus ou moins longtemps après une injection, sur lesquels les autorités de pharmacologie devront enquêter pour déterminer si un lien peut ou non être établi avec le vaccin.Le site précise d'emblée que les informations qu'il donne "concernent des effets secondaires suspectés, c'est-à-dire des événements médicaux qui ont été observés après l'administration des vaccins COVID-19, mais qui ne sont pas nécessairement liés ou causés par le vaccin. Ces événements peuvent avoir été causés par une autre maladie ou être associés à un autre médicament pris par le patient en même temps".Avant d'accéder aux données sur ces effets rapportés, une clause de non-responsabilité apparaît, à laquelle l'utilisateur doit donner son accord afin de pouvoir poursuivre. Cette clause précise entre autres que "les informations présentées sur ce site web ne reflètent aucune confirmation d'un lien potentiel entre le médicament et le(s) effet(s) observé(s)". Capture d'écran réalisée le 02/05/2022 sur la plateforme EudraVigilanceInterrogée le 29 avril 2022 par l'AFP, l'Agence européenne des médicaments a déclaré que "les rapports sur les effets indésirables suspectés des médicaments sont rarement suffisants pour prouver qu'un certain effet suspecté a été causé par un médicament spécifique, par exemple un vaccin COVID-19. Pour la plupart des médicaments et des vaccins, la grande majorité des effets secondaires suspectés ne sont finalement pas confirmés comme tels. Pour les cas d'issues fatales, il est difficile d'affirmer avec certitude la cause réelle du décès, même si toutes les données, y compris les résultats d'autopsie, sont disponibles". L'EMA n'a pas pour rôle "de statuer sur la cause du décès", a-t-elle rappelé.Dans de précédentes publications similaires vérifiées par l'AFP, comme ici, des internautes expliquaient avoir trouvé leur total de "décès" en additionnant plusieurs chiffres de la base de données. L'auteur de la publication que nous vérifions a suivi le même procédé, mais cette addition est trompeuse.En se rendant sur le site d'Eudravigilance, puis dans l'onglet "rapports sur les effets indésirables suspectés des médicaments pour les substances" et dans la lettre "C" (pour covid-19), l'internaute a accès à tous les événements rapportés pour chaque vaccin anti-Covid utilisé dans l'Union européenne. Pour chacun, il peut consulter dans l'onglet "Number of Individual cases for a selected reaction" ("Nombre de cas individuels pour une réaction sélectionnée") un chiffre répertoriant des décès ("Outcome: fatal", en bas à droite de la capture d'écran). Réactions rapportées pour le vaccin Cominarty de Pfizer/BioNtech. Capture d'écran réalisée le 02/05/2022 sur EudravigilanceLes prétendus "42 507 morts" viennent de l'addition des "fatal outcome" - "issue mortelle" en français - pour chaque réaction sélectionnée.Le visuel indique qu'il s'agit des chiffres disponibles au 26 mars 2022, disparus depuis puisque la base de donnée est régulièrement actualisée. Les internautes ont additionné les chiffres pour 4 vaccins: Moderna, Pfizer, Astrazeneca etJanssen. Au 2 mai 2022, Eudravigilance n'indiquait aucune issue mortelle rapportée à la suite du vaccin de Novavax, le dernier autorisé par les autorités sanitaires.Au 23 avril 2022, la même addition effectuée par l'AFP donnait le chiffre de 43 898, proche de celui partagé par les internautes. Mais comme l'a expliqué l'EMA à l'AFP à plusieurs reprises, il est peu pertinent d'additionner ces chiffres: "Cette base de données publique regroupe les informations par type d'effets secondaires. Étant donné qu'un rapport peut inclure plus d'un effet secondaire suspecté, le nombre total d'effets secondaires ne correspondra jamais au nombre de rapports individuels", a expliqué le service de communication de l'Agence le 29 avril. "De même, ce site web ne fournit pas le nombre total de cas rapportés ayant eu une issue fatale. Par conséquent, les données qui circulent dans de nombreux articles et messages sur les réseaux sociaux sont incorrectes". Pour éviter cette confusion, l'agence publie des mises à jour de sécurité ("safety updates") sur son site, dans lesquelles elle indique le nombre d'effets indésirables signalés sur Eudravigilance, ainsi que le nombre de rapports d'"issues fatales". Le dernier rapport indique un total de 10 451 rapports "d'issue mortelle" après vaccination au 3 avril 2022, pour environ 868,3 millions de doses distribuées - pour les quatre vaccins indiqués dans les publications Facebook. Bien moins donc que le chiffre de 42 507 rapporté par les internautes. Surtout, l'EMA précise que "ces rapports décrivent des effets secondaires suspectés chez des individus, c'est-à-dire des événements médicaux observés suite à l'utilisation d'un vaccin. Le fait qu'une personne ait eu un problème médical ou soit décédée après avoir été vaccinée ne signifie pas nécessairement que le vaccin en est la cause. Cela peut avoir été causé, par exemple, par des problèmes de santé non liés à la vaccination".4 décès "probablement liés au vaccin" en Belgique, pas de chiffre global en FranceEn plus de la base de données européenne, les Etats possèdent leurs propres organisme de pharmacovigilance, permettant de surveiller les effets secondaires des médicaments et notamment des vaccins. En Belgique, l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) publie toutes les deux semaines un aperçu cumulatif des effets indésirables potentiels notifiés à la suite de l'administration d'un vaccin contre le Covid-19. Le dernier point, daté du 28 avril 2022, indique que "28 147 rapports ont été enregistrés dans la base de données européenne de pharmacovigilance EudraVigilance", dont 14 621 considérés comme graves.L'AFMPS précise que "la grande majorité de ces rapports sont considérés comme graves en raison d'une incapacité de travail temporaire ou de l'impossibilité de quitter la maison à cause de la fièvre, de douleurs musculaires, d'un malaise et de réactions au point d'injection". Au total, poursuit l'AFMPS, 287 signalements ont été enregistrés pour un décès, dont "4 sont considérés comme probablement liés au vaccin". Plus de 25 millions de doses avaient été administrées en Belgique au 28 avril. En France, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) écrit dans son dernier rapport global sur le suivi des cas d'effets indésirables, disponible sur cette page: "Concernant les cas de décès déclarés, les éléments transmis n’indiquent pas un rôle potentiel du vaccin. Ces événements continueront de faire l’objet d’une surveillance spécifique". "Il y a des patients qui font des symptômes de réactogénicité (une réaction indésirable au vaccin sous forme de réponse immunologique excessive, ndlr) et chez des personnes très fragiles, ça peut parfois contributeur à leur décès", a indiqué à l'AFP Francesco Salvo, coordinateur du suivi de la sécurité du vaccin Pfizer au niveau national et directeur du CRPV de Bordeaux, interrogé le 3 mai 2022. Cependant, il n'y a actuellement "aucun signal inquiétant" lié au vaccin en France, a-t-il précisé.Dans le rapport n°20 de l'ANSM, concernant la pharmacovigilance du vaccin de Pfizer/BioNtech (Rapport n°20 : période du 12 novembre 2021 au 10 février 2022), l'Agence répertorie tous les cas d'effets potentiels graves, signalés en France depuis le début de la campagne de vaccination jusqu'au 10 février 2022. Concernant les cas de réactogénicité, l'ANSM liste 10 cas de décès dans lesquels "le vaccin ne peut pas être exclu", a expliqué Francesco Salvo.Le rapport trimestriel de l'ANSM concernant le vaccin de Moderna (Rapport n°17 : période du 12 novembre 2021 au 10 février 2022) liste, depuis le début de la campagne de vaccination jusqu'au 10 février 2022, 18 décès: "il s’agit de 8 décès sans étiologie retrouvées et de 10 personnes qui ont présenté une pathologie ou une aggravation de pathologie déjà existante, le plus souvent cardiovasculaire, d’évolution fatale. Tous les patients présentent des facteurs de risques cardiovasculaires et des comorbidités graves qui peuvent, plus que la vaccination, expliquer cette issue", écrivent les auteurs du rapports.Les données concernant les vaccin de Jonhson&Johnson et d'AstraZeneca sont un peu plus datées: le dernier rapport trimestriel disponible pour le vaccin Janssen donnent des données jusqu'au 30 décembre 2021 (rapport n°6: période du 24 septembre 2021 au 30 décembre 2021). Il notifie 8 décès depuis le début de la campagne de vaccination, dont "1 décès sans étiologie retrouvée et de 7 personnes qui ont présenté une pathologie ou une aggravation de pathologie déjà existante, le plus souvent cardiovasculaire, d’évolution fatale. Tous les patients présentent des facteurs de risques cardiovasculaires et des comorbidités graves qui peuvent, plus que la vaccination, expliquer cette issue", décrit le rapport.Quant au dernier point de surveillance trimestriel concernant le vaccin d'AstraZeneca (Rapport n°17 : période du 24 septembre 2021 au 30 décembre 2021) il décrit 243 décès "sur l'ensemble du suivi", sans que ceux-ci puissent à l'heure actuelle être liés aux vaccin. 27 de ces décès sont notamment liés à "un échec de vaccination" - c'est-à-dire que ces personnes ont eu une infection symptomatique au Covid-19 malgré le vaccin. Parmi les décès, 24 ont fait l'objet d'une autopsie ou d'une demande d'autopsie. L'ANSM écrit : "Nous disposons des comptes-rendus de 5 autopsies. Trois concernent un soixantenaire mort à J7 post-D1 (1ère dose, NDLR), une trentenaire morte à J1 post-D1, et une septuagénaire morte à J45 post-D1, pour lesquels les éléments ne permettent pas de retenir un lien avec le vaccin. Pour les deux autres, les résultats partiels dont nous disposons ne permettent pas de conclure pour le moment".Levée des restrictions dans la plupart des pays d'EuropeLes internautes s'indignent de la "promotion d'une 4e dose" de vaccin et de la "volonté d'appliquer une obligation vaccinale".En Belgique, il n'y avait au moment de la publication de cet article aucune obligation de vaccination. Le 3 mai 2022, l'obligation vaccinale des soignants a été approuvée en deuxième lecture par la commission de la Santé du parlement belge, sans date d'entrée en vigueur. Fin avril, la Task Force vaccination, mise en place par le gouvernement belge pour élaborer la stratégie de vaccination dans le pays, avait rendu un avis jugeant que la situation actuelle ne justifiait pas l'entrée en vigueur de cette obligation.Le Covid Safe Ticket (CST), équivalent du pass sanitaire nécessitant une preuve de vaccination, de rétablissement post-covid ou un test négatif, a été abandonné début mars. En France, la vaccination est obligatoire pour les professionnels de santé depuis septembre 2021. L'obligation du pass vaccinal, introduit en janvier 2022 et qui remplaçait le pass sanitaire, a été levée le 14 mars. En Europe, seule l'Autriche avait décidé la vaccination obligatoire pour tous les adultes de 18 ans, avant de la suspendre début mars, un mois après son entrée en vigueur. Certains pays, comme l'Italie ou la Grèce, ont rendu la vaccination obligatoire pour certaines catégories de personnes (professionnels de santé, enseignants ou personnes ayant plus de 50, 60 ans).Une série de pays (Israël, Danemark, Espagne, Royaume-Uni, Etats-Unis, France..) ont lancé des campagnes pour une quatrième dose de vaccin, ciblant les plus âgés et vulnérables.3 mai 2022 Ajout précisions sur l'obligation vaccinale des professionnels de santé en Belgique
(fr)
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