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Des publications Facebook diffusant une photo de cadavres enveloppés dans des linceuls colorés et exposés à une foule en deuil prétendent montrer des victimes des violences post-électorales en Guinée. C'est faux : si les violences se multiplient dans le pays après l'élection présidentielle du 18 octobre, ce cliché a été pris dans l'est de la République Démocratique du Congo (RDC) fin juillet 2020.Une dizaine de corps sont étendus et recouverts de tissus colorés. Autour d'eux, une foule en deuil. Ces corps seraient ceux des Guinéens et Guinéennes décédés dans les heurts qui ont suivi l'élection présidentielle du 18 octobre, selon plusieurs publications Facebook (1, 2, 3, 4, 5, 6…) qui diffusent cette photo et totalisent plusieurs milliers de partages depuis le 21 octobre. Capture d'écran d'une publication Facebook, prise le 23 octobre 2020Cinq jours après l’élection présidentielle le 18 octobre, la Guinée est en proie à la violence et à la crainte d'une escalade. Dans plusieurs quartiers populaires de la capitale, les tensions se sont multipliées le 21 octobre, avec notamment des barricades enflammées dans les rues et des heurts entre jeunes et forces de l'ordre. Un policier jette une pierre aux manifestants lors d'une grande manifestation, le matin suivant l'annonce des résultats électoraux préliminaires pour cinq communes de Conakry, le 21 octobre 2020 (John Wessels / AFP)Le lendemain, la banlieue de Conakry et plusieurs villes de province sont de nouveau le théâtre de tirs et de heurts entre partisans de l'opposition et forces guinéennes.Pour autant, la photo de ces corps exposés à la foule n'a pas été prise en Guinée mais au Sud-Kivu (est de la République Démocratique du Congo), fin juillet 2020.L'AFP avait déjà vérifié des photos sorties de leur contexte, censées montrer des "victimes du mercredi 21 octobre" en Guinée, mais qui témoignaient en réalité du meurtre d'une dizaine de civils au Nigeria en 2017. Tuerie par un soldat ivreUne recherche d'images inversée sur le moteur de recherches Google permet de voir que la photo virale a été massivement utilisée fin juillet 2020 pour illustrer des articles au sujet d'une tuerie commise par un soldat congolais en état d'ivresse (1, 2, 3). Ce drame a également fait l'objet d'un reportage pour la chaîne de télévision TV5 Monde que l'AFP a pu retrouver sur Twitter.A la vingtième seconde, la caméra avance le long des corps, enveloppés dans des linceuls similaires à ceux visibles dans la photo. Capture d'écran d'une vidéo Twitter, prise le 23 octobre 2020A la vingt-troisième seconde, la scène prise en photo et partagée massivement apparaît, filmée d'un autre angle. On reconnaît cependant les linceuls identiques (cercles orange, rouge, jaune, bleu) et les bâches bleues des tables où reposent les corps (rectangles verts). Capture d'écran d'une photo Facebook prise le 23 octobre 2020 Capture d'écran d'une vidéo Twitter prise le 23 octobre 2020 La photo virale montre donc en réalité les 13 victimes qu'un soldat congolais avait tuées au hasard en sortant, "ivre", d'un débit de boisson au soir du 30 juillet 2020 à Sange, localité située à 80 km de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu (Est), comme l'AFP l'avait relaté.Les victimes étaient toutes des civils, dont une fillette de deux ans et sept femmes. Neuf autres personnes ont été blessées, et l'une d'entre elles est décédée par la suite.Le tireur, Claude Logo Dedonga, a été condamné à mort par un tribunal militaire de l'Est de la RDC pour ces meurtres. Néanmoins, la peine capitale n'est plus exécutée dans le pays mais est transformée en détention à perpétuité.Un an de contestation en GuinéeEn Guinée, le scrutin présidentiel du 18 octobre marque le point culminant d’un an de contestation contre le président Alpha Condé. Ce dernier brigue à 82 ans un troisième mandat controversé.Le nombre de mandats présidentiels est limité à deux mais Alpha Condé, élu en 2010 et réélu en 2015, estime que la Constitution qu'il a fait adopter en mars remet son compteur à zéro.Depuis octobre 2019, l'opposition s'est mobilisée contre un troisième mandat. La contestation a été durement réprimée. Des dizaines de civils ont été tués.Après plusieurs annonces de résultats les 20 et 21 octobre, la commission électorale a annoncé le 22 octobre au soir des résultats préliminaires mais quasiment complets de la présidentielle guinéenne. Ils créditent le sortant Alpha Condé de la majorité absolue dès le premier tour. Le président Alpha Condé met son bulletin de vote dans l’urne, le 18 octobre 2020 à Conakry (John Wessels / AFP)Selon l'addition des résultats des seules circonscriptions de l'intérieur (sans compter donc le vote de l'étranger), M. Condé l'emporte avec plus de 2,4 millions des voix sur environ 3,9 millions d'exprimés, distançant très largement le leader de l'opposition, Cellou Dalein Diallo (environ 1,2 million de suffrages).Ce dernier s’est autoproclamé vainqueur dès le 19 octobre, affirmant avoir remporté 53% des suffrages, selon les résultats collectés par son parti l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG).Les résultats doivent encore être proclamés par la Céni et validés par la Cour constitutionnelle.Selon M. Diallo, les violences post-électorales ont fait au moins 19 morts entre le 18 et le 21 octobre.Des sources ont fait état auprès de l'AFP de cinq morts supplémentaires à Conakry et en province le 22 octobre, mais sans confirmation des autorités et des hôpitaux dans un contexte de confusion.Alpha Condé a lancé le 21 octobre un "appel au calme et à la sérénité, en attendant l'issue du processus électoral en cours".Cellou Dalein Diallo a, lui, dénoncé dans une vidéo "l'armée de fraudeurs" qui donnent la victoire au président sortant.La publication d'un résultat national devrait prendre encore quelques jours et un éventuel second tour est programmé le 24 novembre.Edit 23/10/2020: modifie le titre pour plus de clarté
(fr)
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