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"Les vaccinés ont moins d'anticorps que les non-vaccinés", affirment les auteurs de publications partagées plus de 5.000 fois sur les réseaux sociaux depuis le 29 juillet. C'est faux. Il s'agit de l'interprétation erronée d'une étude qui compare les taux d'anticorps entre plusieurs groupes de personnes, toutes vaccinées, ont précisé à l'AFP trois experts, parmi lesquels figure l'un des auteurs de l'étude."Certains vaccinés ont 7 fois moins d'anticorps que les non vaccinés, donc plus de risque d'être infectés par le covid que les non vaccinés" avancent des internautes sur Facebook (ici, ici), Twitter (ici ou là), ou encore sur Telegram (ici) ou des sites (ici), prétendant s'appuyer sur les résultats d'une étude réalisée en Israël publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM).D'autres publications Facebook (comme celle-ci) affirment simplement que "les vaccinés ont moins d'anticorps", partageant un extrait vidéo d'une émission datant du 29 juillet, et diffusée sur la version française de la chaîne d'informations israélienne i24news.Dans cette vidéo, les journalistes en plateau soulèvent la question d'une éventuelle troisième dose de vaccin pour certaines personnes. Une journaliste évoque alors les résultats de l'étude parue dans le NEJM. Elle explique que "certaines personnes vaccinées ont moins d'anticorps que d'autres" et précise que chez certaines personnes vaccinées puis infectées par le SARS-CoV-2, "le taux d'anticorps était sept fois inférieur" à celui mesuré chez des personnes, toujours vaccinées, mais non-infectées par le virus.Elle ne mentionne pas de comparaison entre personnes vaccinées et non-vaccinées, comme le suggèrent les publications que nous vérifions.L'étude ne se penche pas sur les non-vaccinésLes données mises en avant proviennent d'une étude sur le taux d'anticorps chez les soignants vaccinés de l'hôpital israélien de Sheba, le plus grand centre de santé du pays. Elle a été publiée le 28 juillet dans la revue médicale New England Journal of Medicine. "L'article ne portait que sur les personnes vaccinées, il ne contenait donc pas de données comparatives avec les personnes non-vaccinées, ce qui ne permet pas de conclure que les personnes vaccinées ont moins d'anticorps que les personnes non-vaccinées", explique Marc Lipsitch, professeur d'épidémiologie et directeur du Centre pour la dynamique des maladies transmissibles à École de santé publique de Harvard, aux Etats-Unis, contacté par l'AFP le 6 août, et qui a cosigné l'étude.Avancer que les vaccinés développent moins d'anticorps que les non-vaccinés est ainsi "une description très malheureuse et complètement incorrecte de nos résultats", déplore-t-il."C'est une mauvaise interprétation et une fake news : l'article de recherches ne dit pas du tout que les vaccinés ont moins d'anticorps que les non-vaccinés", confirme auprès de l'AFP le professeur Olivier Schwartz, directeur de l'unité virus et immunité de l'Institut Pasteur.Egalement contactée, l'immunologue Claude-Agnès Reynaud, directrice de recherches au CNRS, abonde: "toute l'erreur vient du fait qu'on estime que le groupe de contrôle est composé de personnes non-vaccinées, ce qui n'est pas le cas, puisque toutes les données de l'étude concernent des personnes vaccinées". Capture d'écran Facebook, réalisée le 5 août 2021 Capture d'écran Twitter, réalisée le 5 août 2021 Des taux d'anticorps plus élevés chez les vaccinésSur le fond, pour le professeur Lipsitch, affirmer que les vaccinés ont moins d'anticorps que les vaccinés est de toute façon "le contraire de la vérité, comme nous le savons grâce à d'autres études. Les personnes ayant reçu le vaccin BNT162b2 de Pfizer-BioNTech ont pratiquement toujours des taux d'anticorps plus élevés qu'avant la vaccination, et des taux d'anticorps plus élevés que les personnes non vaccinées"."Je dis 'pratiquement toujours' parce qu'une petite proportion de personnes, principalement les personnes immunodéprimées ne produisent pas de réponses d'anticorps après le vaccin, et parce que nous n'avons pas mesuré les anticorps sur chaque personne exactement aux mêmes moments, donc nous ne pouvons pas dire toujours", précise le chercheur.Dès décembre 2020, une première étude parue dans le NEJM analysait l'immunité au sein de 13 groupes de 15 personnes dont certaines étaient vaccinées et certaines ont reçu un placebo en Allemagne et aux Etats-Unis. Depuis, une autre étude, publiée le 2 juillet dans la revue médicale The Lancet, a aussi étudié la présence d'anticorps chez le personnel soignant vacciné de l'hôpital de Sheba, et a conclut en une immunité plus importante après la vaccination."De nombreuses études ont confirmé que les personnes vaccinées ont plus d'anticorps (que les non-vaccinés, NDLR) et que le vaccin est efficace", appuie Olivier Schwartz de l'Institut Pasteur."Des tests ont été réalisés avant de mettre les vaccins sur le marché, c'est la base. Ce qu'il faut comprendre, c'est que même avec un taux d'efficacité du vaccin à plus de 90%, qui est déjà très élevé, on aura quelques cas d'infections. Plus il y aura de vaccinés, plus il peut y avoir de vaccinés infectés si le virus circule toujours. Cela ne signifie pas que le vaccin n'est pas efficace pour produire des anticorps, au contraire", abonde Claude-Agnès Reynaud. Un couple israélien attend de recevoir sa troisième dose de vaccin anti-Covid Pfizer-BioNtech à Jérusalem le 1er août 2021 ( AFP / Menahem KAHANA)Que suggère l'étude israélienne ?Elle s'est penchée sur 1.497 personnes parmi les 11.453 membres du personnel soignant du centre médical israélien, complètement vaccinées. Celles-ci ont effectué des tests réguliers entre le 20 janvier et le 28 avril 2021, et 49 ont été testées positifs au virus au cours de cette période. Les chercheurs ont aussi mesuré les taux d'anticorps neutralisants, ceux qui permettent de combattre le virus, chez ces soignants."Cette étude montre qu’il y a très peu de 'breakthrough infections', c'est-à-dire de contaminations chez les personnes vaccinées, et ces infections ont été peu sévères, comme attendu", souligne Olivier Schwartz.Le chercheur précise également que l'étude ayant été réalisée entre janvier et avril, le variant le plus représenté parmi les soignants malades étant alors "le variant Alpha, et non le Delta à ce jour majoritaire, qui est plus résistant face aux anticorps neutralisants, selon nos dernières recherches". D'après les conclusions de l'étude réalisée en Israël, tous les soignants vaccinés n'ont pas développé des taux d'anticorps similaires, et que ceux ayant développé moins d'anticorps sont ceux qui ont également été infectés par le virus."Ce que notre article a montré c'est qu'en moyenne une personne vaccinée, qui a été infectée par la suite, avait moins d'anticorps qu'une personne vaccinée qui n'a pas été infectée par la suite", détaille Marc Lipsitch.En d'autres termes, "l'article montre qu'il y a une corrélation entre le taux d'anticorps et la protection face au virus : on appelle cela un corrélat de protection. Il faut un certain seuil d'anticorps pour être protégé de l'infection", précise le professeur Schwartz."Cela est scientifiquement attendu : on est tous différents, donc nos taux d'anticorps sont différents, selon l'âge, les situations de santé", ajoute l'immunologue Claude-Agnès Reynaud."C'est quelque chose qui n'avait pas été étudié à l'échelle des individus, on a plutôt déjà cherché à comparer les anticorps entre des personnes vaccinées avec différents vaccins", ajoute Marc Lipsitch. Confronté à une hausse des contaminations ces dernières semaines liée à la propagation du variant Delta, Israël a lancé le 27 juillet une campagne en faveur d'une troisième dose de vaccin pour les plus de 60 ans, considérés comme moins immunisés. Au 9 août, plus de 220.000 personnes âgées avaient ainsi reçu une troisième dose, selon les données du ministère de la Santé israélien.En France, le président Emmanuel Macron a confirmé le 5 août que le gouvernement se prépare à organiser une campagne de rappel vaccinal anti-Covid pour "les plus fragiles et les plus âgés" dès la rentrée de septembre.
(fr)
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