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Le masque chirurgical est considéré comme un des moyens efficaces, même s'il ne suffit pas à lui seul, de se protéger des infections et son usage est de nouveau très fortement recommandé face à la grippe, la bronchiolite et surtout au retour du Covid. Pourtant, un scientifique canadien affirme que le virus qui cause le Covid peut traverser les "mailles" des masques, dans une vidéo de 2021 qui circule de nouveau depuis début décembre. En portant cinq masques les uns sur les autres, il prétend aussi montrer leur inefficacité car de la buée s'est déposée sur des lunettes qu’il tient devant lui. Mais c’est inexact : le mécanisme de filtration du masque ne fonctionne pas comme un tamis. Il peut filtrer différentes tailles de particules, y compris des particules de virus, ont expliqué quatre spécialistes à l'AFP. Quant à la présence de buée, elle montre simplement que l’on peut respirer à travers un masque.Les masques chirurgicaux inefficaces pour filtrer les virus ? Depuis début décembre, plusieurs tweets diffusent une vidéo d'avril 2021, dans lequel le professeur d'immunologie à l'Université de Guelph au Canada Byram Bridle prétend que les gouttelettes de salive, porteuses du Covid-19 chez les personnes malades, peuvent traverser les masques chirurgicaux. Des fausses affirmations de Byram Bridle sur le Covid ont déjà fait l’objet d’articles de vérification par l’AFP comme celui-ci par exemple.Dans cette vidéo déjà partagée en 2021 par différents comptes anglophones (ici ou ici), le scientifique canadien soutient que le masque, qui fonctionnerait sur le principe d'un tamis, serait ainsi incapable de stopper les gouttelettes plus petites que les "mailles". Une expérience est à ses yeux révélatrice : malgré le port de cinq masques, de la buée se dépose sur ses verres de lunette disposés devant sa bouche lorsqu'il respire. Dans la vidéo est comparée la grandeur d'une maille (en vert) et la grandeur des gouttelettes (aérosols, en bleu). Selon cette vidéo, le fait que les goutelettes soient plus petites que les mailles du filtre démontre qu'elles peuvent passer à travers le masque. (capture d'écran de la vidéo du 8 décembre 2022) L'expérimentation de Byram Bridle, qui souffle à travers cinq masques chirurgicaux sur ses lunettes, censée démontrer que le virus traverse ces masques car de la buée se dépose sur les verres (capture d'écran de la vidéo du 8 décembre 2022) "Fin du débat sur les masques", soutient ainsi Verity France, une association représentant des personnes se disant victimes d'effets secondaires des vaccins et hostile au port du masque, qui a diffusé la vidéo dans un tweet partagé plus de 2.000 fois depuis le 5 décembre. Ces dernières semaines, d'autres personnalités hostiles au port du masque depuis le début de la pandémie ont aussi repris ce type d'argument pour délégitimer le port du masque. L'ancienne députée Martine Wonner a notamment mis en avant le visuel d'un virus censé passer entre les "mailles" d'un masque, dans un tweet partagé plus de 4.500 fois. L'AFP avait consacré un article à ce même visuel erroné en 2020. Au début de la pandémie, hésitations et atermoiements sur l'utilité des masques -dont la France manquait à ce moment-là- avaient entraîné de vives polémiques. Avec le retour récent de la grippe et la neuvième vague de Covid-19 et le retour du port du masque recommandé dans certains lieux publics, leur efficacité est de nouveau remise en cause par plusieurs publications en ligne. Capture d'écran du tweet de Martine Wonner, dont l'image est censée démontrer que le virus peut passer à travers les "mailles" du masque (capture du 8 décembre 2022)Ces affirmations sont toutefois trompeuses car le filtrage des masques ne fonctionne pas comme un tamis, comme l'ont expliqué quatre spécialistes à l'AFP. Cet argumentaire, souvent mobilisé, avait déjà été vérifié par plusieurs médias, dont l'AFP, dans les premiers mois de la pandémie. "Ce que prétend cette vidéo, c’est que les particules seraient arrêtées par un effet tamis – à savoir qu’elles seraient arrêtées parce que leur taille est plus grosse que la dimension du pore", explique Dominique Thomas, professeur en génie des procédés à l'université de Lorraine. "Sauf que la collecte des particules par un média fibreux ne se résume pas au seul effet tamis , et une particule peut être captée par d’autres mécanismes", décrit-t-il à l'AFP, le 8 décembre. "Indépendamment de l'ordre de grandeur, l'idée que le virus passe car il est plus petit que les trous est fausse", confirme aussi Jean-Michel Courty, professeur de physique à Sorbonne Université et chercheur au laboratoire Kastler Brossel, à l'AFP le 8 décembre."Plus c'est petit, moins ça passe"En réalité, le masque est très efficace pour contrer à la fois les toutes petites particules de la taille d'un virus (quelques dizaines de nanomètres) et les plus grosses particules - comme des gouttelettes de salive (de l'ordre de la dizaine de micromètres). Une efficacité qui repose sur deux principaux mécanismes physiques.Comment les toutes petites particules sont-t-elles filtrées ? Grâce à un mécanisme physique dit "diffusionnel" : ces particules, très légères, effectuent des mouvements très aléatoires, ce qui augmente leur probabilité de rentrer en contact avec les fibres du masque. "Si vous êtes très léger et que vous vous retrouvez dans un couloir de métro, vous allez être cogné par tous les passagers et vous n'arriverez pas à aller tout droit et allez être projeté à gauche et à droite, avant de finir dans le mur", dépeint Jean-Michel Courty. "Donc l'argument selon lequel une particule plus petite que la taille des fibres passe à travers ne tient pas. Au contraire : plus c'est petit, moins ça passe".Cependant, "le virus n'est généralement pas transporté seul, mais dans des gouttelettes", précise Nathalie Bardin-Monnier, maître de conférences en génie des procédés à l'université de Lorraine.Ces gouttelettes sont elles aussi arrêtées par le masque. "Le masque joue ici sur l'inertie de la particule", décrit Dominique Thomas. "Plus la vitesse ou la masse d’une gouttelette sera importante et plus elle aura tendance à s’impacter sur un obstacle comme une fibre plutôt que de la contourner". "Vous êtes dans une forêt avec des arbres dans tous les sens, illustre Jean-Michel Courty. "Si vous allez tout droit, vous allez rencontrer un arbre à un moment. C'est le cas des particules un peu lourdes qui rencontrent ces obstacles et vont se retrouver stoppées à un moment". "Plus les particules sont grosses, plus elles sont soumises à ce mécanisme d’inertie", complète Augustin Charvet, maître de conférences en génie des procédés à l'université de Lorraine, également interrogé le 8 décembre.Le masque chirurgical moins efficace pour les particules de "taille intermédiaire"Le masque demeure toutefois moins efficace pour intercepter les particules de "taille intermédiaire" (entre 0,1 et 0,5 micromètres). Certaines des gouttelettes émisses par une personne contaminée peuvent avoir cette taille intermédiaire et être, elles aussi, potentiellement porteuses du virus."Ces particules sont les plus difficiles à arrêter avec ce type de masque", explique Dominique Thomas. "Elles ne sont ni suffisamment petites pour être arrêtées par diffusion, ni suffisamment grosses pour être arrêtées par les autres mécanismes comme l’inertie".Pour plus d'efficacité, l'ensemble des chercheurs interrogés préconisent le port de masques FFP2, plus efficaces pour filtrer les aérosols (particules en suspension) et plus hermétiques, du fait notamment d'une épaisseur plus importante de la couche filtrante.Malgré cette efficacité variable selon la taille des aérosols, le port du masque est considéré comme faisant partie des gestes barrières à adopter pour limiter la propagation du Covid-19. L'OMS, qui précise que l'utilisation du masque pour se protéger contre le Covid-19 est utile même si elle n'est n'est pas suffisante, indique notamment sur son site que ces masques "doivent être utilisés dans le cadre d'une stratégie complète de mesures pour supprimer la transmission". De plus, l'efficacité des masques en vie réelle dépend d'autres facteurs, notamment la façon dont il porté, la durée de son port, le niveau de circulation du virus etc... Deux passagers dans le métro de Milan portant des masques de type FFP2, le 4 janvier 2022. ( AFP / Miguel MEDINA)La buée sur les lunettes ? "Ce qu'il prouve, c'est que l'on peut respirer à travers cinq masques"Quant à la buée déposée sur les lunettes, l'ensemble des chercheurs interrogés expliquent ce phénomène, dû au fait que les masques ne sont pas destinés à filtrer l'air. "Si l'air passe, nécessairement les molécules d'eau vont passer puis former des gouttelettes après leur sortie sur le verre de lunette, décrit Jean-Michel Courty. "Cequ'il prouve, c'est que l'on peut respirer à travers cinq masques"."Si les masques chirurgicaux étaient faits pour arrêter des gaz, on ne pourrait pas respirer à travers", confirme Augustin Charvet. "La vapeur d'eau est un gaz, qui n'est absolument pas arrêté par un filtre". "Ce qui apparaît sur les lunettes, c'est l'eau gazeuse qui redevient liquide. Ce ne sont pas des gouttelettes ou des aérosols envoyées par la bouche, mais des gouttelettes formées sur le verre", décrit Jean-Michel Courty. Contre la 9e vague, le retour du port du masque obligatoire ? Face à une neuvième vague de Covid-19 qui s'ajoute à des épidémies de grippe et bronchiolite, la question du port du masque dans certains lieux comme les transports en commun se pose à nouveau pour l'exécutif. Pour le moment, le gouvernement refuse la coercition mais n'exclut pas de durcir sa position sur le masque si la situation l'impose.Le 4 décembre, le ministre de la Santé François Braun, qui a rappelé ne "pas favorable à la coercition", a tout de même indiqué que son "bras ne trembler[ait] pas" si la situation sanitaire venait à se dégrader et qu'une obligation du port du masque devrait être décidée. Quels critères pourraient le décider à prendre une telle mesure ? "La saturation des hôpitaux ou l'évolution de l'épidémie de grippe" notamment, a répondu le ministre de la Santé.De leur côté, des soignants et des épidémiologistes pressent le gouvernement de durcir sa position en l'imposant. "Le retour du masque obligatoire est une décision politique et ce n’est pas à nous de le décider", a souligné Brigitte Autran, présidente du Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars) qui a remplacé le conseil scientifique. "Mais il faut aller vers un port du masque le plus possible dans les lieux clos, là où il y a une promiscuité importante", a-t-elle jugé.
(fr)
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