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Une photo partagée près de 150 fois depuis le 13 novembre prétend montrer une manifestation hostile au président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, à Butembo, dans l'est du pays. Attention: cette image date en réalité de juin 2019 et a été prise à Bunia, à 300 kilomètres au nord de Butembo, lors d'une manifestation organisée par la communauté Hema, une ethnie de l'est de la RDC.Une foule de manifestants occupe toute la route et s'étend jusqu'à l'horizon, où elle disparaît dans un nuage de poussière. Au premier plan, des badauds observent la manifestation qui semble se dérouler dans le calme. Cette image montre, selon l'internaute qui la partage, une marche organisée pour protester contre la gestion du pays de l'actuel président congolais Félix Tshisekedi à Butembo, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). "#Butembo en feu il est 09h à #butembo la population est sortie a masse pour exiger le départ de #Félix_tshilombo", dit la légende qui accompagne l'image. Le nom complet du chef de l'Etat est Felix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 17 novembre 2021Cette publication a été partagée près de 150 fois depuis le 13 novembre sur Facebook en RDC.Une manifestation en 2019 à BuniaUne recherche d'images inversée sur Google, grâce à l'application Google Lens, permet de retracer l'origine de ce cliché: il apparaît pour la première fois en ligne dans un article du média local Bunia Actualités publié le 13 juin 2019 intitulé "Bunia: journée très mouvementée suite à une manifestation des jeunes de la communauté Hema". Capture d'écran du site de Bunia Actualité, réalisée le 17 novembre 2021Joint par téléphone, l'auteur de l'article et fondateur de Bunia Actualité, Luc Malembe, qui est désormais porte-parole de la plateforme d'opposition Lamuka, a confirmé à l'AFP que cette photo a bien été prise dans la ville de Bunia, chef-lieu de la province de l'Ituri dans le nord-est de la RDC. Cette commune se situe à 300 kilomètres au nord de Butembo. "La photo est authentique": elle a été prise "le même jour que la manifestation" des jeunes Hema mentionnée dans l'article, précise-t-il à l'AFP, et montre "l'activité de ce jour-là". Selon l'article de 2019, cette marche était en effet organisée pour exprimer le mécontentement des jeunes de cette communauté par rapport aux massacres dont étaient victimes des membres de leur ethnie en territoire de Djugu (au nord et à l'est de la ville de Bunia).L'ex-journaliste affirme avoir été "le premier à [...] mettre en ligne" cette image, mais indique qu'il n'en est pas l'auteur: c'est son confrère Thierry Lole, aujourd'hui journaliste à la Radio télévision nationale congolaise (RTNC), qui a pris ce cliché. Une information confirmée à l'AFP par l'intéressé: "C'est moi-même qui suis l'auteur de cette photo", a-t-il dit. Il assure par ailleurs que la photo ne date pas de 2021. Mais où, précisément, a été prise cette photo ?Sur le boulevard de la Libération, dans le centre de Bunia: c'est ce qu'indiquent l'article de juin 2019, ainsi qu'une analyse croisée de plusieurs autres photos de cet endroit glanés sur des médias locaux (Bunia Actualié et Tam-Tam News) et de Google Street View.On voit par exemple dans ces deux images certains éléments identiques à ceux visibles dans l'image virale: le panneau rouge et blanc au milieu de la route, ainsi que les bâtiments rouges (rectangles jaunes). Sur Google Street View, on retrouve également ce même dispositif publicitaire en forme de cône (rectangle jaune), ainsi que la boutique Canal + et la station-essence visible sur les deux photos que nous étudions (rectangles rouges). Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 17 novembre 2021 Capture d'écran d'une photo de Bunia Actualité, réalisée le 17 novembre 2021 Capture d'écran d'une photo de Tam Tam News, réalisée le 17 novembre 2021 Capture d'écran de Google Street View, réalisée le 17 novembre 2021 Insécurité dans l'est de la RDCL'est de la République démocratique du Congo est en proie à une insécurité galopante depuis plus de 25 ans. Des dizaines de groupes armés y sont actifs, notamment les Forces démocratiques alliées (ADF) qui sont les plus meurtriers. Le 6 mai, le président Félix Tshisekedi a déclaré l'état de siège dans les deux provinces orientales du Nord-Kivu et de l'Ituri: les autorités civiles y ont été depuis remplacées par des officiers de l'armée et de la police. Le 12 novembre, un nouveau carnage attribué aux rebelles ADF a fait au moins 38 morts dans le Nord-Kivu, un lourd bilan auquel se sont ajoutés le 15 une vingtaine de tués dans les provinces voisines de l'Ituri et du Sud-Kivu, en majorité des membres de la communauté Hema selon David Bahinduka Bamuhiga, chef d'un secteur rural local. Ces morts s'ajoutent à "au moins 1.137 civils tués au Nord-Kivu et en Ituri depuis le début de l’état de siège, le 6 mai", selon le KST, baromètre sécuritaire du Kivu, une initiative conjointe de Human Rights Watch et du Groupe d'études sur le Congo.
(fr)
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